« Il ne suffit pas que le peuple ait du pain et vive dans sa condition ; il faut qu’il y vive agre?ablement, afin qu’il en remplisse mieux les devoirs, qu’il se tourmente moins pour en sortir, et que l’ordre public soit mieux e?tabli. Les bonnes mœurs tiennent plus qu’on ne pense a? ce que chacun se plaise dans son e?tat. Le mane?ge (1) et l’esprit d’intrigue (2) viennent d’inquie?tude et de me?contentement ; tout va mal quand l’un aspire a? l’emploi d’un autre ; il faut aimer son me?tier pour le bien faire ; l’assiette (3) de l’État n’est bonne et solide que quand, tous se sentant a? leur place, les forces particulie?res se re?unissent et concourent au bien public, au lieu de s’user l’une contre l’autre, comme elles font dans tout État mal constitue?. Cela pose?, que doit-on penser de ceux qui voudraient o?ter au peuple les fe?tes, les plaisirs, et toute espe?ce d’amusement, comme autant de distractions qui le de?tournent de son travail ? Cette maxime est barbare et fausse. Tant pis, si le peuple n’a de temps que pour gagner son pain, il lui en faut encore pour le manger avec joie, autrement il ne le gagnera pas longtemps. Ce Dieu juste et bienfaisant, qui veut qu’il s’occupe, veut aussi qu’il se de?lasse, la nature lui impose e?galement l’exercice et le repos, le plaisir et la peine. Le de?gou?t du travail accable plus les malheureux que le travail me?me. Voulez-vous donc rendre un peuple actif et laborieux ? Donnez-lui des fe?tes ; offrez-lui des amusements qui lui fassent aimer son e?tat, et l’empe?chent d’en envier un plus doux. Des jours ainsi perdus feront mieux valoir tous les autres. »
Rousseau, Lettre a? d’Alembert
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