« L'ETRANGER – Pourquoi est-il nécessaire de faire des lois, si la loi n'est pas ce qu'il y a de plus droit ? Il nous faut en trouver la raison. SOCRATE LE JEUNE (1) – Oui, sans contredit. L'ETRANGER – N'y a-t-il pas, chez vous, comme dans les autres cités, des exercices physiques, pratiqués par des hommes en groupe, où l'on entre en compétition, soit à la course, soit à d'autres épreuves ? SOCRATE LE JEUNE – Oui, certes, et il y en a même beaucoup. L'ETRANGER – Eh bien, remettons-nous en mémoire les instructions que donnent, en pareilles circonstances, ceux qui dirigent l'entraînement selon les règles. SOCRATE LE JEUNE – Lesquelles ? L'ETRANGER – Ils pensent qu'il n'y a pas lieu d'entrer dans le détail pour s'adapter à chaque cas individuel, en donnant des instructions qui s'adaptent à la condition physique de chacun. Au contraire, ils estiment qu'il faut envisager les choses en plus gros, en donnant des instructions qui seront avantageuses pour le corps, et ce dans la majorité des cas et pour un grand nombre de gens. SOCRATE LE JEUNE – Bien. L'ETRANGER – Voilà bien pourquoi, imposant le même entraînement à des groupes de gens, ils les font commencer en même temps et arrêter au même moment, à la course, à la lutte et dans tous les exercices physiques. SOCRATE LE JEUNE – C'est bien le cas, oui. L'ETRANGER – Il nous faut également penser que le législateur, qui doit donner à ses troupeaux des ordres en matière de justice ainsi que de contrats mutuels, ne sera jamais en mesure, en édictant des prescriptions pour tous les membres du groupe, d'appliquer à chaque individu la règle précise qui lui convient. SOCRATE LE JEUNE – Sur ce point, du moins, c'est vraisemblable. L'ETRANGER – Il édictera plutôt, j'imagine, la règle qui convient au grand nombre dans la plupart des cas, et c'est de cette façon, en gros, qu'il légiférera pour chacun, qu'il mette les lois par écrit ou qu'il procède sans recourir à l'écriture, en légiférant au moyen des coutumes ancestrales. SOCRATE LE JEUNE – C'est juste. L'ETRANGER – Bien sûr que c'est juste. Car Socrate, comment pourrait-il y avoir quelqu'un qui serait capable, à tout instant de la vie, de venir s'asseoir auprès d'un chacun pour lui prescrire précisément ce qu'il lui convient de faire ? »
Platon, Le Politique (IVe siècle avant J.C.)
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