« Ceux qui veillent (comme ils disent) à donner de bons principes aux enfants (bien peu sont démunis d'un lot de principes pour enfants auxquels ils accordent foi), distillent (1) dans l'entendement jusque là sans prévention (2) ni préjugés ces doctrines qu'ils voudraient voir mémorisées et appliquées (n'importe quel caractère se marque sur du papier blanc) : elles sont enseignées aùssitôt que l'enfant commence à percevoir et, quand il grandit, on les renforce par la répétition publique ou par l'accord tacite (3) du voisinage ; ou au moins par l'accord de ceux dont l'enfant estime la sagesse, la connaissance et la piété et qui n'acceptent que l'on mentionne ces principes autrement que comme la base et le fondement sur lesquels bâtir leur religion et leurs mœurs : ainsi ces doctrines acquièrent-elles la réputation de vérités innées, indubitables et évidentes par elles-mêmes. On peut ajouter que, lorsque des gens éduqués ainsi grandissent et reviennent sur ce qu'ils pensent, ils n'y peuvent rien trouver de plus ancien que ces opinions qu'on leur a enseignées avant que la mémoire ait commencé à tenir le registre de leurs actes ou des dates d'apparition des nouveautés ; ils n'ont dès lors aucun scrupule à conclure que ces propositions dont la connaissance n'a aucune origine perceptible en eux ont été certainement imprimées sur leur esprit par Dieu ou la Nature et non enseignées par qui que ce soit. Ils conservent ces propositions et s'y soumettent avec vénération, comme beaucoup se soumettent à leurs parents non pas parce que c'est naturel (dans les pays où ils ne sont pas formés ainsi, les enfants n'agissent pas ainsi) mais parce qu'ils pensent que c'est naturel ; ils ont en effet toujours été éduqués ainsi et n'ont pas le moindre souvenir des débuts de ce respect. »
Locke, Essai sur l'entendement humain (1689)
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