• Aristote
Les limites du pouvoir judiciaire
justice - raison



L' auteur :

Aristote

(-384--322) Est un des premiers philosophes à considérer scientifiquement et rationnellement le monde. Il a formalisé la logique et le calcul logique, il est à l'origine de la tendance scientifique à classer le monde en catégories.

Le repère :

objectif/subjectif/intersubjectif

Le texte :

« Des lois bien faites doivent, à la vérité, déterminer elles-mêmes autant de cas qu'il se peut, en laisser le moins possible à la décision des juges, d'abord parce qu'un ou quelques hommes de saine intelligence et aptes à légiférer ou juger sont plus faciles à trouver qu'un grand nombre ; ensuite parce que les lois ne se font qu'après un long examen, tandis que les jugements se prononcent séance tenante ; aussi est-il difficile que ceux qui sont appelés à juger décident comme il faudrait du juste et de l'utile. Mais de toutes les raisons la plus importante est que le jugement du législateur ne porte pas sur le particulier, mais sur le futur et le général, tandis que le membre de l'assemblée et le juge ont à prononcer immédiatement sur des cas actuels et déterminés. Dans leur appréciation interviennent souvent amitié, haine, intérêt personnel ; aussi ne sont-ils plus en état de se faire une idée adéquate de la vérité et leur jugement est-il obnubilé par un sentiment égoïste de plaisir ou de peine. Il faut, nous le répétons, abandonner le moins de questions possible à la décision souveraine du juge ; mais la nécessité veut qu'on lui laisse à décider si la chose s'est produite ou ne s'est pas produite, si elle sera possible ou impossible ; si elle a ou n'a pas le caractère prétendu ; car il ne se peut que le législateur prévoie ces choses. »
Aristote

Les questions :



[A] û Questions dÆanalyse
1) Pourquoi est-il préférable d'avoir des lois bien faites plut��t que de laisser les juges décider de nombreux cas ?
2) Quels sont les probl��mes potentiels liés à la décision des juges ?
3) Quelle est la différence entre le r��le du législateur et celui du juge ?
4) Pourquoi est-il parfois nécessaire de laisser certaines questions à la décision du juge malgré les risques potentiels ?

[B] û Éléments de synth��se
1) Expliquez la phrase : "Il faut, nous le répétons, abandonner le moins de questions possible à la décision souveraine du juge ; mais la nécessité veut qu'on lui laisse à décider si la chose s'est produite ou ne s'est pas produite, si elle sera possible ou impossible ; si elle a ou n'a pas le caract��re prétendu ; car il ne se peut que le législateur prévoie ces choses."
2) En vous aidant des éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[C] û Commentaire
1) Selon vous, quelles sont les conséquences possibles si les juges ont trop de pouvoir de décision ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si les lois doivent être absolument précises et exhaustives, ou s'il est nécessaire de laisser une certaine marge de man�oeuvre aux juges pour qu'ils puissent adapter leur décision aux cas particuliers.

L'analyse :

Dans ce texte, aristote expose les raisons pour lesquelles il faut préférer les lois aux juges pour régler les affaires humaines.

Il s'agit donc d'un texte argumentatif qui vise à convaincre le lecteur de la supériorité du législateur sur le juge.

Il commence par affirmer que les lois doivent être le plus précises et complètes possible, afin de ne laisser que peu de place à l'interprétation des juges.

Il donne trois arguments pour appuyer cette thèse :

- le premier argument est fondé sur la rareté des hommes compétents pour juger.

Il est plus facile de trouver un ou quelques législateurs sages et intelligents que de nombreux juges capables de rendre des décisions justes et utiles.



- le deuxième argument est fondé sur la différence de temps et de méthode entre la législation et la justice.

Les lois sont le fruit d'un long examen, qui permet de peser les avantages et les inconvénients de chaque règle, tandis que les jugements sont prononcés sur le moment, sans avoir le recul nécessaire pour apprécier toutes les conséquences de leur verdict.



- le troisième argument est fondé sur la différence d'objet entre la législation et la justice.

Les lois portent sur des cas généraux et futurs, qui ne concernent pas directement le législateur, tandis que les jugements portent sur des cas particuliers et actuels, qui impliquent souvent les passions et les intérêts des juges.

Ceux-ci sont donc plus exposés à se laisser influencer par l'amitié, la haine ou l'intérêt personnel, ce qui altère leur capacité à discerner la vérité et le bien commun.

Ces trois arguments visent à montrer que les lois sont plus objectives, rationnelles et universelles que les juges, qui sont plus subjectifs, impulsifs et partiaux.

Aristote conclut donc qu'il faut limiter au maximum le pouvoir discrétionnaire des juges, et leur confier seulement les questions de fait, c'est-à-dire celles qui concernent la réalité, la possibilité ou la nature des choses, que le législateur ne peut pas prévoir à l'avance.

Ainsi, aristote défend une conception du droit qui repose sur la primauté de la loi écrite, élaborée par des hommes sages et éclairés, sur le jugement oral, rendu par des hommes faillibles et influençables.

Il s'oppose ainsi à une conception plus souple et plus humaine du droit, qui tiendrait compte des circonstances particulières de chaque cas et de la personnalité des individus.

Il exprime ainsi sa confiance dans la raison humaine pour établir des règles justes et stables, qui garantissent l'ordre social et le bien commun.