Dans ce texte de mill, l'auteur remet en question l'excuse consistant à atténuer un acte coupable sous prétexte qu'il est naturel. il souligne que la plupart des mauvaises actions sont parfaitement naturelles, mais cela ne constitue pas une excuse rationnelle. les gens ont tendance à excuser les actions auxquelles ils peuvent s'identifier, tandis qu'ils condamnent celles qui leur semblent étrangàùres, ce qui peut conduire à des jugements moraux biaisés.
objectif/subjectif/intersubjectif
« On ne devrait jamais admettre, selon moi, l'excuse qui consiste à atténuer un acte coupable sous prétexte qu'il est naturel, ou qu'il est inspiré par un sentiment naturel. Il n'a guère été commis de mauvaises actions qui ne soient parfaitement naturelles, et dont les mobiles n'aient été des sentiments parfaitement naturels. Par conséquent, cela ne constitue pas une excuse au regard de la raison, mais il est tout à fait �oenaturel” que c'en soit une aux yeux d'une foule de gens, car pour eux l'expression signifie qu'ils éprouvent un sentiment semblable à celui du criminel. Quand ils disent d'une chose dont ils ne peuvent nier le caractère condamnable, qu'elle est néanmoins naturelle, ils veulent dire qu'ils peuvent imaginer qu'eux-mêmes soient tentés de la commettre. La plupart des gens éprouvent une indulgence considérable envers toutes les actions dont ils sentent une source possible à l'intérieur d'eux-mêmes, réservant leur rigueur à des actions, peut-être moins mauvaises en réalité, dont ils ne peuvent comprendre en aucune manière qu'on puisse les commettre. Si une action les persuade (souvent sur des bases très contestables) que la personne qui l'a commise ne leur ressemble en rien, il est rare qu'ils mettent beaucoup de soin à examiner quel degré précis de blâme elle mérite, ou même s'il est justifié de porter sur elle une condamnation quelconque. Ils mesurent le degré de culpabilité par la force de leur antipathie, et de là vient que des différences d'opinion et même des différences de goûts ont suscité une aversion morale aussi intense que les crimes les plus atroces. »
Mill, La Nature
[a] û questions dÆanalyse
1) Selon l'auteur, pourquoi ne devrait-on jamais admettre l'excuse consistant à atténuer un acte coupable sous prétexte qu'il est naturel ?
2) Que veut dire l'auteur lorsqu'il affirme que les mauvaises actions sont parfaitement naturelles ?
3) Comment expliquer que pour certaines personnes, qualifier une action de "naturelle" constitue une excuse ?
4) Pourquoi l'auteur affirme-t-il que la plupart des gens sont indulgents envers les actions qu'ils peuvent imaginer commettre eux-mêmes ?
[b] û éléments de synth��se
1) Pouvez-vous expliquer en vos propres mots la phrase "on ne devrait jamais admettre, selon moi, l'excuse qui consiste à atténuer un acte coupable sous prétexte qu'il est naturel, ou qu'il est inspiré par un sentiment naturel" ?
2) En considérant les éléments précédents, pouvez-vous dégager l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation ?
[c] û commentaire
1) Selon vous, pourquoi les gens ont tendance à faire preuve d'indulgence envers les actions qu'ils peuvent imaginer commettre eux-mêmes ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, pouvez-vous vous demander si la distinction entre actions naturelles et actions condamnables est pertinente ? Justifiez votre réponse.
Voici un exemple de développement possible :
dans ce texte, mill critique l'argument qui consiste à justifier une action coupable par son caractère naturel.
Il montre que cet argument est fallacieux, partial et dangereux.
Il commence par affirmer sa thèse : on ne devrait jamais admettre l'excuse de la naturalité pour atténuer un acte coupable.
Il s'appuie sur un fait : il n'a guère été commis de mauvaises actions qui ne soient parfaitement naturelles.
Il en déduit que la naturalité ne constitue pas une excuse au regard de la raison, c'est-à-dire d'un critère universel et objectif.
Il explique ensuite pourquoi cet argument est souvent utilisé par les gens : parce qu'ils se reconnaissent dans le sentiment qui a motivé l'action coupable.
Il s'agit donc d'une excuse fondée sur l'empathie, c'est-à-dire sur une identification subjective et affective.
Il souligne le caractère vague et arbitraire de cette excuse, en utilisant des expressions comme "sous prétexte", "il est tout à fait naturel", "ils veulent dire", "ils sentent".
Il oppose ensuite cette indulgence à la rigueur que les gens manifestent envers les actions qui leur sont étrangères, qu'ils ne peuvent comprendre ni imaginer.
Il montre que cette attitude est irrationnelle et injuste, car elle ne repose pas sur une évaluation objective du degré de culpabilité, mais sur une réaction émotionnelle d'antipathie.
Il illustre cette idée par des exemples : des différences d'opinion ou de go¹ts peuvent susciter une aversion morale aussi intense que les crimes les plus atroces.
Il conclut en dénonçant le danger de cet argument, qui conduit à relativiser la morale et à tolérer des actions coupables au nom de la naturalité.
Il suggère ainsi qu'il faut se référer à un principe rationnel et universel pour juger des actions humaines, et non pas à des sentiments personnels et variables.