Dans cet extrait de son ouvrage "cours d'étude pour l'instruction des jeunes gens", condillac aborde la question de la relation entre la pensée et le langage. il soutient que la pensée précàùde nécessairement le discours, et que nous jugeons et raisonnons avant même de savoir parler. ainsi, la pensée est une opération de l'esprit qui existe indépendamment du langage.
analyse/synthèse
« Je ne saurais exprimer un jugement avec des mots, si, dès l'instant que je vais prononcer la première syllabe, je ne voyais pas déjà toutes les idées dont mon jugement est formé. Si elles ne s'offraient pas toutes à la fois, je ne saurais par où commencer, puisque je ne saurais pas ce que je voudrais dire. Il en est de même lorsque je raisonne ; je ne commencerais point, ou je ne finirais point un raisonnement, si la suite des jugements qui le composent, n'était pas en même temps présente à mon esprit. Ce n'est donc pas en parlant que je juge et que je raisonne. J'ai déjà jugé et raisonné, et ces opérations de l'esprit précèdent nécessairement le discours. En effet nous apprenons à parler parce que nous apprenons à exprimer par des signes les idées que nous avons et les rapports que nous apercevons entre elles. Un enfant n'apprendrait donc pas à parler, s'il n'avait pas déjà des idées, et s'il ne saisissait pas déjà des rapports. Il juge donc et il raisonne avant de savoir un mot d'aucune langue. Sa conduite en est la preuve, puisqu'il agit en conséquence des jugements qu'il porte. Mais parce que sa pensée est l'opération d'un instant, qu'elle est sans succession, et qu'il n'a point de moyen pour la décomposer, il pense, sans savoir ce qu'il fait en pensant ; et penser n'est pas encore un art pour lui. »
Condillac, Cours d'étude pour l'instruction des jeunes gens
[A] - Questions d'analyse
1) Quelle est la différence entre exprimer un jugement avec des mots et former un jugement dans l'esprit ?
2) Comment l'auteur explique-t-il le lien entre la capacité de parler et la capacité de juger et raisonner ?
3) Quelle est la relation entre la pensée instantanée et l'absence de succession dans la pensée ?
4) En quoi l'absence de capacité à décomposer la pensée affecte-t-elle la capacité à penser de mani��re consciente ?
[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez l'idée selon laquelle la pensée préc��de le discours.
2) En vous basant sur les éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de l'argumentation.
[C] - Commentaire
1) Selon l'auteur, pourquoi l'apprentissage de la parole est-il lié à l'existence préalable d'idées et de rapports entre elles ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si l'incapacité à décomposer la pensée en étapes successives peut être considérée comme une limitation de la pensée.
Voici une possible analyse du texte de condillac :
- le texte est un extrait du cours d'étude pour l'instruction des jeunes gens, un ouvrage de philosophie et de pédagogie écrit par condillac au xviiie siècle.
L'auteur y expose sa théorie de la connaissance, fondée sur le sensualisme, c'est-à-dire l'idée que toutes nos idées proviennent des sensations.
Il s'intéresse ici à la question du langage et de son rapport à la pensée.
- le texte se présente comme un raisonnement déductif, qui part d'un fait d'expérience (l'impossibilité d'exprimer un jugement sans avoir toutes les idées en même temps) pour en tirer une conclusion générale (la pensée précède le langage).
L'auteur utilise des connecteurs logiques (si, donc, en effet) pour marquer les étapes de son argumentation.
Il illustre son propos par l'exemple de l'enfant, qui pense, juge et raisonne avant de savoir parler.
Il termine par une distinction entre la pensée comme opération naturelle et la pensée comme art, qui nécessite le langage.
- le but du texte est de montrer que le langage n'est pas la condition de la pensée, mais son expression.
L'auteur veut réfuter l'idée que le langage serait le fondement de la raison, comme le soutenait par exemple descartes.
Il veut aussi faire évoluer notre conception de la pensée, en la ramenant à un phénomène sensible et instantané, qui ne se déroule pas dans le temps.
Il s'inscrit ainsi dans le courant empiriste, qui privilégie l'observation et l'expérience comme sources de la connaissance.