• Russell
La vérité scientifique et la vérité religieuse : deux approches opposées
science - vérité



Le contexte :

Dans cet extrait, russell met en évidence la différence fondamentale entre les croyances religieuses et les théories scientifiques. alors que la science accepte l'idée d'une vérité provisoire et en constante évolution, la religion prétend détenir une vérité absolue et éternelle. russell souligne également l'importance de la vérité "technique" en science, qui se mesure par sa capacité

Le repère :

vrai/probable/certain

Le texte :

« Un credo  religieux diffère d'une théorie scientifique en ce qu'il prétend exprimer la vérité éternelle et absolument certaine, tandis que la science garde un caractère provisoire : elle s'attend à ce que des modifications de ses théories actuelles deviennent tôt ou tard nécessaires, et se rend compte que sa méthode est logiquement incapable d'arriver à une démonstration complète et définitive. Mais, dans une science évoluée, les changements nécessaires ne servent généralement qu'à obtenir une exactitude légèrement plus grande ; les vieilles théories restent utilisables quand il s'agit d'approximations grossières, mais ne suffisent plus quand une observation plus minutieuse devient possible. En outre, les inventions techniques issues des vieilles théories continuent à témoigner que celles-ci possédaient un certain degré de vérité pratique, si l'on peut dire. La science nous incite donc à abandonner la recherche de la vérité absolue, et à y substituer ce qu'on peut appeler la vérité �oetechnique”, qui est le propre de toute théorie permettant de faire des inventions ou de prévoir l'avenir. La vérité �oetechnique” est une affaire de degré : une théorie est d'autant plus vraie qu'elle donne naissance à un plus grand nombre d'inventions utiles et de prévisions exactes. La �oeconnaissance” cesse d'être un miroir mental de l'univers, pour devenir un simple instrument à manipuler la matière. »
Russell, Science et religion

Les questions :



[A] û Questions d'analyse
1) Quelle est la différence entre un credo religieux et une théorie scientifique ?
2) Que signifie le caract��re provisoire de la science ?
3) Comment la science évoluée utilise-t-elle les anciennes théories ?
4) Quelle est la différence entre la vérité absolue et la vérité "technique" selon l'auteur ?

[B] û Éléments de synth��se
1) Expliquez en quoi consiste la vérité "technique" selon l'auteur.
2) En vous basant sur les éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[C] û Commentaire
1) Pensez-vous que la vérité "technique" peut remplacer la recherche de la vérité absolue ? Justifiez votre réponse.
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si la science et la religion peuvent coexister pacifiquement.

L'analyse :

Voici un possible développement de l'analyse du texte : le texte de russell oppose deux conceptions de la vérité : celle du credo religieux, qui se veut éternelle et absolue, et celle de la science, qui se sait provisoire et relative.

L'auteur cherche à montrer que la science a une valeur épistémologique supérieure à la religion, mais qu'elle implique aussi un changement de perspective sur la nature et la finalité de la connaissance.



- dans le premier paragraphe, russell expose la différence entre le credo religieux et la théorie scientifique.

Il souligne que le credo religieux prétend exprimer la vérité éternelle et absolument certaine, c'est-à-dire une vérité qui ne dépend ni du temps ni des circonstances, et qui ne peut être remise en question.

Il oppose à cette prétention dogmatique la science, qui garde un caractère provisoire : elle s'attend à ce que des modifications de ses théories actuelles deviennent tôt ou tard nécessaires, et se rend compte que sa méthode est logiquement incapable d'arriver à une démonstration complète et définitive.

La science reconnaît donc les limites de son savoir, et accepte le progrès et la réfutation comme des conditions de son avancée.

Russell utilise ici des termes logiques (prétendre, exprimer, s'attendre, se rendre compte, démonstration) pour montrer que la science repose sur une rationalité critique, tandis que la religion se fonde sur une autorité révélée.

L'enjeu de cette distinction est de mettre en évidence le caractère plus humble et plus rigoureux de la science par rapport à la religion.



- dans le deuxième paragraphe, russell nuance cependant l'idée que la science serait entièrement relative et changeante.

Il montre que, dans une science évoluée, les changements nécessaires ne servent généralement qu'à obtenir une exactitude légèrement plus grande ; les vieilles théories restent utilisables quand il s'agit d'approximations grossières, mais ne suffisent plus quand une observation plus minutieuse devient possible.

En outre, les inventions techniques issues des vieilles théories continuent à témoigner que celles-ci possédaient un certain degré de vérité pratique, si l'on peut dire.

Russell illustre ici son propos par des exemples historiques (la physique newtonienne remplacée par la relativité ou la mécanique quantique, mais toujours valable pour les phénomènes macroscopiques ; les machines à vapeur ou à électricité fonctionnant selon des principes dépassés mais efficaces).

Il introduit ainsi une notion de vérité relative au domaine d'application et au degré d'exactitude d'une théorie.

L'enjeu de cette nuance est de reconnaître que la science n'est pas arbitraire ni inconsistante, mais qu'elle se perfectionne progressivement.



- dans le troisième paragraphe, russell tire les conséquences philosophiques de sa conception de la vérité scientifique.

Il affirme que la science nous incite à abandonner la recherche de la vérité absolue, et à y substituer ce qu'on peut appeler la vérité ôtechniqueö, qui est le propre de toute théorie permettant de faire des inventions ou de prévoir l'avenir.

La vérité ôtechniqueö est une affaire de degré : une théorie est d'autant plus vraie qu'elle donne naissance à un plus grand nombre d'inventions utiles et de prévisions exactes.

La ôconnaissanceö cesse d'être un miroir mental de l'univers, pour devenir un simple instrument à manipuler la matière.

Russell propose ici une définition pragmatiste et utilitariste de la vérité, qui se mesure aux résultats pratiques qu'elle produit.

Il renonce ainsi à l'idéal platonicien ou cartésien d'une connaissance adéquate à l'essence des choses, pour adopter une vision plus empiriste et instrumentaliste du savoir.

L'enjeu de cette conclusion est de remettre en cause le statut métaphysique et moral de la vérité, pour en faire un outil au service du progrès technique et humain.