Malebranche remet en question l'utilité de la géométrie en tant que science exacte. il souligne que même si elle permet de raisonner conséquemment et de mieux connaà®tre les objets étudiés, elle repose sur des suppositions qui peuvent conduire à des erreurs. cependant, il reconnaà®t que dans les sciences exactes comme la géométrie et l'arithmétique, il est rare de découvrir des principes supposés faux.
impossible/possible
« La géométrie est très utile pour rendre l'esprit attentif aux choses dont on veut découvrir les rapports ; mais il faut avouer qu'elle nous est quelquefois occasion d'erreur, parce que nous nous occupons si fort des démonstrations évidentes et agréables que cette science nous fournit, que nous ne considérons pas assez la nature […]. On suppose, par exemple, que les planètes décrivent par leurs mouvements des cercles et des ellipses parfaitement régulières ; ce qui n'est point vrai. On fait bien de le supposer, afin de raisonner, et aussi parce qu'il s'en faut peu que cela ne soit vrai, mais on doit toujours se souvenir que le principe sur lequel on raisonne est une supposition. De même, dans les mécaniques on suppose que les roues et les leviers sont parfaitement durs et semblables à des lignes et à des cercles mathématiques sans pesanteur et sans frottement […]. Il ne faut donc pas s'étonner si on se trompe, puisque l'on veut raisonner sur des principes qui ne sont point exactement connus ; et il ne faut pas s'imaginer que la géométrie soit inutile à cause qu'elle ne nous délivre pas de toutes nos erreurs. Les suppositions établies, elle nous le fait raisonner conséquemment. Nous rendant attentifs à ce que nous considérons, elle nous le fait connaître évidemment. Nous reconnaissons même par elle si nos suppositions sont fausses ; car étant toujours certains que nos raisonnements sont vrais, et l'expérience ne s'accordant point avec eux, nous découvrons que les principes supposés sont faux, mais dans la géométrie et l'arithmétique on ne peut n'en découvrir dans les sciences exactes qui soit un peu difficile. »
Malebranche
[A] û Questions dÆanalyse
1) Pourquoi la géométrie est-elle utile selon l'auteur ?
2) Quelle est la limite de la géométrie selon l'auteur ?
3) Comment l'auteur utilise-t-il l'exemple des plan��tes pour illustrer son propos ?
4) Quelle est la différence entre les sciences exactes comme la géométrie et l'arithmétique et les autres sciences selon l'auteur ?
[B] û Éléments de synth��se
1) Expliquez la phrase : "Il ne faut donc pas s'étonner si on se trompe, puisque l'on veut raisonner sur des principes qui ne sont point exactement connus."
2) Quelle est l'idée principale du texte et comment l'auteur développe-t-il son argumentation ?
[C] û Commentaire
1) Selon l'auteur, est-il possible d'atteindre la vérité absolue dans les sciences ? Justifiez votre réponse.
Dans ce texte, malebranche expose les avantages et les limites de la géométrie pour la connaissance de la nature.
Il distingue deux types de sciences : les sciences exactes, comme la géométrie et l'arithmétique, qui procèdent par démonstrations rigoureuses, et les sciences physiques, comme l'astronomie et la mécanique, qui dépendent de l'observation des phénomènes naturels.
Il commence par reconnaître que la géométrie est très utile pour rendre l'esprit attentif aux choses dont on veut découvrir les rapports.
Il s'agit de la capacité de la raison à établir des relations logiques entre des idées claires et distinctes, qui sont les seules sources de certitude pour malebranche.
La géométrie nous fournit des démonstrations évidentes et agréables, c'est-à-dire des preuves qui s'imposent à l'intelligence et qui procurent du plaisir à l'esprit.
Mais il ajoute aussitôt que la géométrie nous est quelquefois occasion d'erreur, parce que nous nous occupons si fort des démonstrations que nous ne considérons pas assez la nature.
Il s'agit ici de la réalité extérieure, qui ne se conforme pas toujours aux principes abstraits de la géométrie.
Malebranche illustre ce point par deux exemples : celui des planètes, dont les trajectoires ne sont pas parfaitement circulaires ou elliptiques, et celui des machines, dont les pièces ne sont pas parfaitement rigides et sans frottement.
Il montre ainsi que la géométrie repose sur des suppositions, c'est-à-dire des hypothèses simplificatrices qui ne correspondent pas exactement à la vérité.
Il conclut en affirmant qu'il ne faut pas s'étonner si on se trompe, ni s'imaginer que la géométrie soit inutile.
Il reconnaît que les sciences physiques ne peuvent pas raisonner sur des principes exactement connus, mais il souligne que la géométrie nous permet de raisonner conséquemment, c'est-à-dire avec cohérence et rigueur.
Elle nous rend attentifs à ce que nous considérons, elle nous le fait connaître évidemment, c'est-à-dire avec évidence.
Elle nous permet même de reconnaître si nos suppositions sont fausses, en confrontant nos raisonnements à l'expérience.
Si celle-ci ne s'accorde pas avec eux, nous découvrons que les principes supposés sont faux.
Malebranche termine en affirmant que dans la géométrie et l'arithmétique, on ne peut découvrir dans les sciences exactes qui soit un peu difficile.
Il suggère ainsi que ces sciences sont plus faciles et plus s¹res que les sciences physiques, car elles ne dépendent pas de l'observation sensible, qui est source d'erreur.
Le texte de malebranche vise donc à montrer que la géométrie est une science utile mais limitée pour la connaissance de la nature.
Il met en évidence le rôle de la raison et de l'expérience dans les sciences, et il invite à distinguer les différents niveaux de certitude selon les domaines étudiés.