Dans ce passage extrait de "émile ou de l'éducation", rousseau souligne l'importance de préserver l'enfance comme une période distincte de la vie humaine. il met en garde contre le fait de vouloir imposer aux enfants les valeurs et les raisonnements propres aux adultes, préconisant plutàït de respecter leur développement naturel et de ne pas les contraindre par la force ou la persuasion.
(1712-1778) Repense les structures de la société et de l'éducation à son époque. Son effort philosophique vise à unifier sous une même pensée la relation qu'ont les hommes entre eux dans la société, l'effet de la société moderne sur ces derniers, et la source de cette relation.
en fait/en droit
« Connaître le bien et le mal, sentir la raison des devoirs de l'homme, ce n'est pas l'affaire d'un enfant. La nature veut que les enfants soient enfants avant que d'être hommes. Si nous vouons pervertir cet ordre, nous produirons des fruits précoces, qui n'auront ni maturité ni saveur et ne tarderont pas à se corrompre ; nous aurons de jeunes docteurs et de vieux enfants. L'enfance a des manières de voir, de penser, de sentir, qui lui sont propres ; rien n'est moins sensé que dy vouloir substituer les nôtres ; et j'aimerais autant exiger qu'enfant eût cinq pieds de haut que, que du jugement à dix ans. En effet, à quoi lui servirait la raison à cet âge ? Elle est le frein de la force, et l'enfant n'a pas besoin de ce frein. En essayant de persuader à vos élèves le devoir d'obéissance, vous joignez à cette prétendue persuasion la force et les menaces, ou, qui pis est, la flatterie et les promesses. Ainsi donc, amorcés par l'intérêt ou contraints par la force, ils font semblant d'être convaincus par la raison. Ils voient très bien que l'obéissance leur est avantageuse, et la rébellion nuisible, aussitôt que vous vous apercevez de l'une ou de l'autre. Mais comme vous n'exigez rien d'eux qui ne leur soit désagréable, et qu'il est toujours pénible de faire les volontés d'autrui, ils se cachent pour faire les leurs, persuadés qu'ils font bien si l'on ignore leur désobéissance, mais prêts à convenir qu'ils font mal, s'ils sont découverts, de crainte d'un plus grand mal. La raison du devoir n'étant pas de leur âge, il n'y a homme au monde qui vînt à bout de la leur rendre vraiment sensible ; mais la crainte du châtiment, l'espoir du pardon, l'importunité, l'embarras de répondre leur arrachent tous les aveux qu'on exige ; et l'on croit les avoir convaincus, quand on ne les a qu'ennuyés ou intimidés. »
Rousseau, Émile ou de l'éducation (1762)
[A] û Questions dÆanalyse
1) Pourquoi est-il dit que connaître le bien et le mal, et comprendre les devoirs de l'homme, n'est pas l'affaire d'un enfant ?
2) Que signifie l'expression "produire des fruits précoces" dans le contexte du texte ?
3) Comment l'enfance est-elle décrite dans le texte ? Quelles sont les caractéristiques propres à l'enfance selon Rousseau ?
4) Comment les enfants semblent-ils réagir aux tentatives de persuasion de leurs enseignants en ce qui concerne le devoir d'obéissance ? Quels sont les mécanismes qu'ils utilisent ?
[B] û Éléments de synth��se
Voici un exemple de commentaire linéaire du texte :
dans ce texte, rousseau expose sa conception de l'éducation de l'enfant, en s'opposant à la méthode qui consiste à lui inculquer les notions de bien et de mal, de raison et de devoir, propres aux adultes.
Il défend l'idée que l'enfance a sa propre logique, qu'il faut respecter et non pervertir, et que la raison n'est pas adaptée à cet âge.
Il critique ainsi les effets pervers de la persuasion, de la contrainte et de la flatterie sur le développement moral de l'enfant.
- dans le premier paragraphe, rousseau affirme que connaître le bien et le mal, sentir la raison des devoirs de l'homme, ce n'est pas l'affaire d'un enfant.
Il s'appuie sur l'argument d'autorité de la nature, qui veut que les enfants soient enfants avant que d'être hommes.
Il oppose ainsi deux étapes distinctes du développement humain, qui ont chacune leur propre rythme et leur propre finalité.
Il dénonce la volonté de pervertir cet ordre naturel, qui produirait des fruits précoces, qui n'auront ni maturité ni saveur et ne tarderont pas à se corrompre.
Il utilise une métaphore végétale pour souligner le caractère artificiel et nuisible d'une éducation qui voudrait faire m¹rir trop vite les enfants, au lieu de les laisser se former naturellement.
Il ironise sur les résultats de cette éducation, qui produirait des jeunes docteurs et de vieux enfants, c'est-à-dire des êtres qui auraient acquis des connaissances sans avoir développé leur jugement, leur autonomie et leur sensibilité.
Il montre ainsi les enjeux d'une éducation respectueuse de l'enfance, qui est une condition nécessaire pour former des hommes accomplis.
- dans le deuxième paragraphe, rousseau soutient que l'enfance a des manières de voir, de penser, de sentir, qui lui sont propres.
Il affirme que rien n'est moins sensé que d'y vouloir substituer les nôtres.
Il rejette ainsi l'idée que les adultes puissent imposer leur point de vue aux enfants, sans tenir compte de leur spécificité.
Il illustre son propos par une comparaison absurde : j'aimerais autant exiger qu'un enfant e¹t cinq pieds de haut que du jugement à dix ans.
Il souligne ainsi le caractère arbitraire et irréaliste d'une telle exigence, qui ne correspond pas aux capacités physiques et intellectuelles d'un enfant.
Il pose ensuite une question rhétorique : en effet, à quoi lui servirait la raison à cet âge ? il suggère ainsi que la raison n'est pas un attribut universel et intemporel de l'homme, mais qu'elle dépend du contexte et des circonstances.
Il répond à sa question en affirmant que la raison est le frein de la force, et que l'enfant n'a pas besoin de ce frein.
Il oppose ainsi deux principes qui régissent l'action humaine : la force, qui est liée à l'instinct et au désir, et la raison, qui est liée à la réflexion et au calcul.
Il en déduit que l'enfant n'a pas besoin de la raison, car il n'a pas encore développé sa force, ni rencontré les obstacles qui nécessitent son usage.
Il montre ainsi que la raison n'est pas une vertu innée chez l'homme, mais qu'elle est acquise progressivement en fonction des besoins.
- dans le troisième paragraphe, rousseau critique les moyens employés par les éducateurs pour persuader les enfants du devoir d'obéissance.
Il distingue trois types de moyens : la force et les menaces, qui relèvent de la violence ; la flatterie et les promesses, qui relèvent de la manipulation ; la prétendue persuasion, qui relève de la démonstration rationnelle.
Il montre que ces trois moyens sont inefficaces ou contre-productifs pour former le sens moral des enfants.
En effet, il explique que ces moyens ne font qu'amorcer ou contraindre les enfants à faire semblant d'être convaincus par la raison.
Il souligne ainsi le caractère superficiel et hypocrite de.