• Condillac
L'art de penser et de parler
conscience - langage



Le contexte :

Dans ce texte, condillac explore la relation entre la pensée et le langage. il soutient que la pensée précàùde le discours et que l'apprentissage de la parole est une conséquence de la capacité de juger et de raisonner. ainsi, il affirme que penser devient un art lorsque nous pouvons observer et maà®triser notre réflexion à  travers le langage.

L' auteur :

Condillac

Le repère :

intuitif/discursif

Le texte :

« Je ne saurais exprimer un jugement avec des mots, si, dès l’instant que je vais prononcer la première syllabe, je ne voyais pas déjà toutes les idées dont mon jugement est formé. Si elles ne s’offraient pas toutes à la fois, je ne saurais par où commencer, puisque je ne saurais pas ce que je voudrais dire. Il en est de même lorsque je raisonne ; je ne commencerais point, ou je ne finirais point un raisonnement, si la suite des jugements qui le composent, n’était pas en même temps présente à mon esprit. Ce n’est donc pas en parlant que je juge et que je raisonne. J’ai déjà jugé et raisonné, et ces opérations de l’esprit précèdent nécessairement le discours. En effet nous apprenons à parler, parce que nous apprenons à exprimer par des signes les idées que nous avons, et les rapports que nous apercevons entre elles. Un enfant n’apprendrait donc pas à parler, s’il n’avait pas déjà des idées, et s’il ne saisissait pas déjà des rapports. Il juge donc et il raisonne avant de savoir un mot d’aucune langue. Sa conduite en est la preuve, puisqu’il agit en conséquence des jugements qu’il porte. Mais parce que sa pensée est l’opération d’un instant, qu’elle est sans succession, et qu’il n’a point de moyen pour la décomposer, il pense, sans savoir ce qu’il fait en pensant ; et penser n’est pas encore un art pour lui. Si une pensée est sans succession dans l’esprit, elle a une succession dans le discours, où elle se décompose en autant de parties qu’elle renferme d’idées. Alors nous pouvons observer ce que nous faisons en pensant, nous pouvons nous en rendre compte ; nous pouvons par conséquent, apprendre à conduire notre réflexion. Penser devient donc un art, et cet art est l’art de parler. »
Condillac, Cours d’études pour l’instruction du Prince de Parme (1798)

Les questions :



[A] û Questions dÆanalyse
1) Quelle est la relation entre le langage et la pensée selon l'auteur dans ce texte ?
2) En quoi le processus de jugement est-il décrit dans le texte ?
3) Pourquoi l'auteur affirme-t-il que le discours est le résultat de la pensée préalable ?
4) Comment l'auteur explique-t-il que les enfants pensent avant même d'apprendre à parler ?

[B] û Éléments de synth��se
1) Expliquez en quoi le texte souligne l'importance de la pensée préalable à la parole.
2) Quels sont les éléments clés qui démontrent que la pensée est antérieure à l'expression verbale selon l'auteur ?

[C] û Commentaire
1) Pensez-vous que le langage est intrins��quement lié à la pensée, comme le sugg��re l'auteur ? Justifiez votre réponse.

L'analyse :

Voici une possible analyse du texte de condillac :

- le texte se présente comme un raisonnement qui vise à établir la relation entre la pensée et le langage.

L'auteur part d'un fait d'expérience, le jugement, pour en déduire les conditions de possibilité, puis il examine le rôle du discours dans la réflexion et la formation d'un art de penser.



- dans le premier paragraphe, l'auteur affirme que le jugement, qui est l'acte de comparer des idées et de les unir ou de les séparer, ne dépend pas du langage.

Il s'appuie sur deux arguments : d'une part, il faut avoir une vision simultanée de toutes les idées qui composent le jugement pour pouvoir l'exprimer avec des mots ; d'autre part, il faut avoir déjà jugé et raisonné pour pouvoir apprendre à parler.

Le langage est donc un effet et non une cause de la pensée.

L'enjeu de cette thèse est de montrer que la pensée est une faculté naturelle et innée de l'esprit humain, qui n'a pas besoin d'un instrument extérieur pour s'exercer.



- dans le deuxième paragraphe, l'auteur reconnaît cependant que le langage a une fonction importante dans le développement de la pensée.

Il distingue deux modes de penser : l'un est instantané, sans succession, et inconscient ; l'autre est successif, décomposé, et conscient.

Le langage permet de passer du premier au second mode, en donnant une forme sensible et ordonnée aux idées abstraites et confuses.

Le discours devient alors un moyen d'observation, de contrôle et de perfectionnement de la pensée.

L'enjeu de cette thèse est de montrer que la pensée est une faculté perfectible et cultivable par l'éducation, qui peut se transformer en un art de bien penser.