Dans ce texte issu du traité théologico-politique, spinoza interroge la nature de la loi et son lien avec la liberté individuelle. il souligne que la loi peut être perà§ue comme un commandement imposé par d'autres, entraà®nant une certaine servitude, ou comme une ràùgle de vie choisie en accord avec la raison et la justice, conduisant à une véritable liberté.
(1632 - 1677) Baruch Spinoza, philosophe du XVIIe siècle, propose une vision panthéiste de Dieu et défend la liberté de pensée. Son œuvre remet en question les conceptions traditionnelles de Dieu, de l'homme et de l'univers.
légal/légitime
« Commune?ment l’on n’entend pas par loi autre chose qu’un commandement, que les hommes peuvent e?galement exe?cuter ou ne?gliger, attendu qu’il astreint la puissance de l’homme dans des limites de?termine?es au-dela? desquelles cette puissance s’e?tend, et ne commande rien qui ne de?passe ses forces ; il semble donc que l’on doive de?finir la loi plus particulie?rement comme une re?gle de vie que l’homme s’impose a? lui-me?me ou impose a? d’autres pour une fin quelconque. Toutefois, comme la vraie fin des lois n’apparai?t d’ordinaire qu’a? un petit nombre et que la plupart des hommes sont a? peu pre?s incapables de la percevoir, leur vie n’e?tant d’ailleurs rien moins que conforme a? la Raison, les le?gislateurs ont sagement institue? une autre fin bien diffe?rente de celle qui suit ne?cessairement de la nature des lois ; ils promettent aux de?fenseurs des lois ce que le vulgaire aime le plus, tandis qu’ils menacent leurs violateurs de ce qu’il redoute le plus. Ils se sont ainsi efforce?s de contenir le vulgaire dans la mesure ou? il est possible de le faire, comme on contient un cheval a? l’aide d’un frein. De la? cette conse?quence qu’on a surtout tenu pour loi une re?gle de vie prescrite aux hommes par le commandement d’autres hommes, si bien que, suivant le langage courant, ceux qui obe?issent aux lois, vivent sous l’empire de la loi et qu’ils semblent e?tre asservis. Il est tre?s vrai que celui qui rend a? chacun le sien par crainte du gibet , agit par le commandement d’autrui et est contraint par le mal qu’il redoute ; on ne peut dire qu’il soit juste ; mais celui qui rend a? chacun le sien parce qu’il connai?t la vraie raison des lois et leur ne?cessite?, agit en constant accord avec lui-me?me et par son propre de?cret, non par le de?cret d’autrui ; il me?rite donc d’e?tre appele? juste. »
Spinoza, Traite? the?ologico-politique (1670)
[A] - Questions d'analyse :
1) Selon l'auteur, qu'est-ce qu'une loi ?
2) Quelle est la définition de la loi donnée par l'auteur ?
3) Comment les législateurs incitent-ils les gens à obéir aux lois ?
4) Quelle est la différence entre ceux qui obéissent aux lois par peur des conséquences et ceux qui les respectent par conviction ?
[B] - Éléments de synth��se :
1) Quelle est la signification de la phrase : "celui qui rend à chacun le sien par crainte du gibet, agit par le commandement d'autrui et est contraint par le mal qu'il redoute" ?
Voici un exemple de développement possible :
dans ce texte, spinoza s'interroge sur la nature et la fin des lois, et sur la différence entre obéir et être juste.
Il distingue deux conceptions de la loi : l'une commune, fondée sur le commandement et la sanction, l'autre rationnelle, fondée sur la connaissance et la nécessité.
- il commence par exposer la conception commune de la loi, qu'il définit comme "une règle de vie que l'homme s'impose à lui-même ou impose à d'autres pour une fin quelconque".
Il souligne que cette conception repose sur l'idée que les hommes peuvent choisir de suivre ou non les lois, qui limitent leur puissance et leur demandent des efforts.
Il montre aussi que cette conception implique que les lois ont une fin, c'est-à-dire un but ou un intérêt, qui n'est pas toujours clair ni rationnel pour ceux qui les suivent.
- il poursuit en expliquant que les législateurs, conscients de l'ignorance et de l'irrationalité du vulgaire, c'est-à-dire du peuple, ont recours à des moyens persuasifs pour faire respecter les lois : ils promettent des récompenses et menacent des châtiments, selon les passions et les craintes du vulgaire.
Il compare ainsi le législateur à un cavalier qui contrôle son cheval avec un frein.
Il en déduit que cette conception de la loi conduit à assimiler l'obéissance à la loi à une forme d'asservissement, puisque les hommes agissent par le commandement d'autrui et non par leur propre volonté.
- il termine en opposant à cette conception commune une conception rationnelle de la loi, qu'il illustre par l'exemple du juste.
Il affirme que celui qui rend à chacun le sien, c'est-à-dire qui respecte les droits et les devoirs de chacun, non par crainte du gibet, mais par connaissance de la raison et de la nécessité des lois, agit en accord avec lui-même et par son propre décret.
Il en conclut que celui-là mérite d'être appelé juste, car il suit les lois non par contrainte, mais par conviction.
On peut voir que spinoza cherche à montrer que les lois ne sont pas seulement des commandements arbitraires ou des contraintes extérieures, mais qu'elles peuvent être aussi des expressions de la raison et de la liberté.
Il invite ainsi le lecteur à réfléchir sur le sens et la valeur des lois, et sur la différence entre obéir par crainte ou par raison.
Il remet en cause la conception commune de la loi comme source d'asservissement, et propose une conception rationnelle de la loi comme source de justice.