Dans ce extrait de son ouvrage "le monde comme volonté et comme représentation", schopenhauer met en évidence la tendance de l'homme ordinaire à ne pas s'attarder sur les choses et à rechercher uniquement les concepts qui leur sont associés, privilégiant ainsi la superficialité et l'intérêt personnel plutàït que la contemplation désintéressée.
(1788-1860) Philosophe allemand influent, célèbre pour sa vision pessimiste de la vie. Il a développé une métaphysique basée sur la volonté et la représentation, affirmant que la souffrance est inévitable. Il a également exploré les notions de la volonté de vivre et la recherche du bonheur à travers la philosophie de l'art.
objectif/subjectif/intersubjectif
« L'homme ordinaire, ce produit industriel que la nature fabrique à raison de plusieurs milliers par jour, est […] incapable, tout au moins d’une manière continue, de cette aperception complètement désintéressée à tous égards qui constitue à proprement parler la contemplation : il ne peut porter son attention sur les choses que dans la mesure où elles ont un certain rapport avec sa propre volonté, quelque lointain que soit ce rapport.. Comme, à ce point de vue, où la connaissance des relations est seule nécessaire, le concept abstrait de la chose est suffisant et le plus souvent préférable, l’homme ordinaire ne s’attarde point longtemps à la contemplation pure ; par suite, il n’attache point longtemps ses regards sur un objet ; mais, dès qu’une chose s’offre à lui, il cherche bien vite le concept sous lequel il la pourra ranger (comme le paresseux cherche une chaise), puis il ne s’y intéresse pas davantage. C’est pourquoi il en a si vite fini avec toutes choses, avec les ūuvres d’art, avec les beautés de la nature, avec le spectacle vraiment intéressant de la vie universelle, considérée dans les scènes multiples. Il ne s’attarde pas ; il ne cherche que son chemin dans la vie, ou tout au plus encore ce qui pourrait par hasard le devenir. »
Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation (1818)
[A] û Questions dÆanalyse
1) Comment l'auteur décrit-il l'homme ordinaire dans ce texte ?
2) Quelle est la différence entre la contemplation et l'attention de l'homme ordinaire selon l'auteur ?
3) Pourquoi l'homme ordinaire ne s'attarde-t-il pas longtemps sur les choses ?
4) Quelle est la raison principale pour laquelle l'homme ordinaire ne s'intéresse pas aux �oeuvres d'art et aux beautés de la nature selon l'auteur ?
[B] û Éléments de synth��se
1) Expliquez en quoi consiste la contemplation selon l'auteur.
2) En vous basant sur les éléments précédents, résumez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de l'argumentation de l'auteur.
[C] û Commentaire
1) Selon vous, pourquoi l'auteur consid��re-t-il que la contemplation est nécessaire pour une véritable appréciation des �oeuvres d'art et des beautés de la nature ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si vous êtes d'accord avec l'auteur sur le fait que l'homme ordinaire ne peut pas apprécier pleinement la vie universelle.
Voici une possible analyse du texte de schopenhauer :
- dans ce texte, schopenhauer oppose deux types d'hommes : l'homme ordinaire et l'homme capable de contemplation.
Il cherche à montrer que l'homme ordinaire est prisonnier de sa volonté et de ses concepts, tandis que l'homme contemplatif accède à une connaissance plus profonde et plus désintéressée des choses.
- il commence par définir l'homme ordinaire comme un "produit industriel" que la nature fabrique en série.
Cette expression péjorative suggère que l'homme ordinaire n'a rien d'original ni de remarquable, qu'il est interchangeable et soumis aux lois de la production.
Il le caractérise ensuite par son incapacité à la contemplation, c'est-à-dire à une "aperception complètement désintéressée à tous égards".
L'aperception est le fait de prendre conscience de ce que l'on perçoit, de réfléchir sur ses sensations.
La contemplation implique donc une attention soutenue et pure aux choses, sans chercher à les rapporter à soi ou à les utiliser.
L'homme ordinaire, au contraire, ne s'intéresse aux choses que dans la mesure où elles ont un rapport avec sa volonté, c'est-à-dire avec ses désirs, ses besoins, ses projets.
Il ne cherche pas à connaître les choses en elles-mêmes, mais seulement leurs relations avec lui-même.
- schopenhauer illustre ensuite cette différence par le rapport que l'homme ordinaire entretient avec les concepts.
Il affirme que l'homme ordinaire ne s'attarde pas à la contemplation pure, mais qu'il cherche rapidement le concept sous lequel il peut ranger la chose qu'il voit.
Le concept est une représentation abstraite et générale d'une chose, qui permet de la classer dans une catégorie.
Par exemple, le concept de chien regroupe toutes les caractéristiques communes aux chiens, sans tenir compte des différences individuelles.
L'homme ordinaire utilise les concepts comme des étiquettes qui lui permettent de simplifier et d'organiser sa connaissance du monde.
Il ne s'intéresse pas aux détails ni aux singularités des choses, mais seulement à ce qui lui est utile ou familier.
Il compare l'homme ordinaire à un paresseux qui cherche une chaise, c'est-à-dire qui ne veut pas faire d'effort ni se remettre en question.
Il en conclut que l'homme ordinaire en a vite fini avec toutes les choses, qu'il s'agisse des £uvres d'art, des beautés de la nature ou du spectacle de la vie universelle.
Il ne s'attarde pas, il ne cherche que son chemin dans la vie, ou tout au plus ce qui pourrait le devenir.
- schopenhauer oppose donc deux attitudes face au monde : celle de l'homme ordinaire, qui réduit les choses à des concepts et à des rapports avec sa volonté, et celle de l'homme contemplatif, qui les appréhende dans leur réalité concrète et leur diversité.
Il critique ainsi l'empirisme abstrait et le rationalisme dogmatique, qui prétendent connaître les choses par l'expérience sensible et le raisonnement logique, mais qui en fait les déforment et les méconnaissent.
Il valorise au contraire une forme d'intuition intellectuelle et d'esthétique transcendantale, qui permettent de saisir les choses dans leur essence et leur beauté.
Il invite ainsi le lecteur à se libérer de sa volonté et de ses préjugés, pour accéder à une connaissance plus profonde et plus désintéressée des choses.