• Bergson
La limite de la connaissance du cerveau humain
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Le contexte :

Ce texte explore la capacité limitée de l'homme à  comprendre le fonctionnement du cerveau et à  interpréter les pensées et les sentiments qui s'y déroulent. bergson met en évidence la difficulté de traduire les mouvements du cerveau en actions tangibles, soulignant ainsi les limites de notre compréhension de l'esprit humain.

L' auteur :

Bergson

(1859-1941) Remet en question la vision selon laquelle l'histoire viserait un progrès dans les sciences. Il propose une nouvelle philosophie permettant d'analyser le contenu conscient de l'expérience immédiate.

Le repère :

objectif/subjectif/intersubjectif

Le texte :

« Celui qui pourrait regarder a? l'inte?rieur d'un cerveau en pleine activite?, suivre le va-et-vient des atomes et interpre?ter tout ce qu'ils font, celui-la? saurait sans doute quelque chose. Il en connai?trait tout juste ce qui est exprimable en gestes, attitudes et mouvements du corps, ce que l'e?tat d'a?me contient d'action en voie d'accomplissement, ou simplement naissante : le reste lui e?chapperait. Il serait, vis-a?- vis des pense?es et des sentiments qui se de?roulent a? l'inte?rieur de la conscience, dans la situation du spectateur qui voit distinctement tout ce que les acteurs font sur la sce?ne, mais n'entend pas un mot de ce qu'ils disent. Sans doute, le va-et-vient des acteurs, leurs gestes et leurs attitudes, ont leur raison d'e?tre dans la pie?ce qu'ils jouent ; et si nous connaissons le texte, nous pouvons pre?voir a? peu pre?s le geste ; mais la re?ciproque n'est pas vraie, et la connaissance des gestes ne nous renseigne que fort peu sur la pie?ce, parce qu'il y a beaucoup plus dans une fine come?die que les mouvements par lesquels on la scande. Ainsi, je crois que si notre science du me?canisme ce?re?bral �tait parfaite, et parfaite aussi notre psychologie, nous pourrions deviner ce qui se passe dans le cerveau pour un �tat d'a?me de?termine? ; mais l'ope?ration inverse serait impossible, parce que nous aurions le choix, pour un me?me �tat du cerveau, entre une foule d'e?tats d'a?me diffe?rents, e?galement approprie?s. »
Bergson, L’E?nergie spirituelle (1912)

Les questions :



[A] û Questions dÆanalyse
1) Que pourrait savoir celui qui pourrait regarder à lÆintérieur dÆun cerveau en pleine activité ?
2) Selon lÆauteur, que saurait-on sur les pensées et les sentiments qui se déroulent à lÆintérieur de la conscience ?
3) En quoi la connaissance des gestes et attitudes des acteurs sur sc��ne diff��re-t-elle de la connaissance des pensées et des sentiments qui se déroulent à lÆintérieur de la conscience ?
4) Pourquoi lÆauteur affirme-t-il que lÆopération inverse serait impossible ?

[B] û Éléments de synth��se
1) Expliquez en quoi consiste la situation du spectateur qui voit distinctement tout ce que les acteurs font sur sc��ne, mais n'entend pas un mot de ce qu'ils disent.
2) Quelle est lÆidée principale du texte et quelles sont les étapes de son argumentation ?

[C] û Commentaire
1) Selon vous, pourquoi lÆauteur utilise-t-il lÆanalogie entre le spectateur qui voit les mouvements des acteurs sur sc��ne et celui qui pourrait regarder à lÆintérieur dÆun cerveau en pleine activité ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si la connaissance du fonctionnement du cerveau humain peut permettre de comprendre pleinement les pensées et les sentiments qui sÆy déroulent.

L'analyse :

Voici un exemple de développement possible : dans ce texte, bergson s'interroge sur le rapport entre le cerveau et la conscience, et plus précisément sur la possibilité de connaître les états d'âme à partir de l'observation du cerveau.

Il soutient que cette connaissance est impossible, car il y a une différence de nature entre le mécanisme cérébral et la vie intérieure.

Il utilise pour cela une comparaison avec le théâtre, qui lui permet d'illustrer son propos et de le rendre plus accessible.

Il commence par imaginer un observateur qui pourrait regarder à l'intérieur d'un cerveau en pleine activité, et qui pourrait interpréter tout ce que font les atomes qui le composent.

Il affirme que cet observateur n'en saurait pas beaucoup plus sur la conscience du sujet, car il ne verrait que ce qui est exprimable en gestes, attitudes et mouvements du corps, c'est-à-dire ce que l'état d'âme contient d'action en voie d'accomplissement ou simplement naissante.

Il oppose ainsi le domaine de l'extériorité, qui relève du visible et du mesurable, au domaine de l'intériorité, qui relève de l'invisible et de l'inexprimable.

Il introduit ainsi sa thèse selon laquelle il y a une coupure entre le cerveau et la conscience.

Il développe ensuite sa comparaison avec le théâtre, en disant que l'observateur du cerveau serait dans la situation du spectateur qui voit tout ce que font les acteurs sur la scène, mais n'entend pas un mot de ce qu'ils disent.

Il souligne ainsi que le sens de la pièce ne se réduit pas aux gestes des acteurs, mais qu'il dépend aussi des paroles qu'ils prononcent.

Il reconnaît que les gestes ont leur raison d'être dans la pièce, et qu'ils peuvent être prévisibles si on connaît le texte, mais il affirme que la réciproque n'est pas vraie, et que la connaissance des gestes ne renseigne que fort peu sur la pièce, car il y a beaucoup plus dans une fine comédie que les mouvements par lesquels on la scande.

Il renforce ainsi son idée selon laquelle il y a une différence de nature entre le mécanisme cérébral et la vie intérieure, et qu'il y a une perte d'information si on passe de l'un à l'autre.

Il termine par une conséquence logique de son raisonnement, en disant que si notre science du mécanisme cérébral était parfaite, et parfaite aussi notre psychologie, nous pourrions deviner ce qui se passe dans le cerveau pour un état d'âme déterminé, mais que l'opération inverse serait impossible, car nous aurions le choix, pour un même état du cerveau, entre une foule d'états d'âme différents, également appropriés.

Il montre ainsi que le rapport entre le cerveau et la conscience n'est pas symétrique ni proportionnel, mais qu'il y a une indétermination irréductible du côté de la conscience.

Il conclut donc sur l'impossibilité de connaître les états d'âme à partir du cerveau.

Le texte de bergson vise donc à remettre en question une conception réductionniste ou matérialiste de la conscience, qui consisterait à la ramener à un simple produit du cerveau.

Il défend au contraire une conception dualiste ou spiritualiste de la conscience, qui lui reconnaît une autonomie et une richesse propres.

Il s'appuie pour cela sur une analogie avec le théâtre, qui lui permet de mettre en évidence la différence qualitative entre le visible et l'invisible, entre le geste et la parole, entre le mécanisme et la vie.