Le texte :
« Tous ces coureurs se donnent bien de la peine. Tous ces joueurs de ballon se donnent bien de la peine. Tous ces boxeurs se donnent bien de la peine. On lit partout que les hommes cherchent le plaisir ; mais cela n'est pas e?vident ; il semble plut�t qu'ils cherchent la peine et qu'ils aiment la peine. Le vieux Dioge?ne disait : �oeCe qu'il y a de meilleur, c'est la peine.” On dira la?-dessus qu'ils trouvent tous le plaisir dans cette peine qu'ils cherchent ; mais c'est jouer sur les mots ; c'est bonheur et non plaisir qu'il faudrait dire ; et ce sont deux choses tre?s diffe?rentes, aussi diffe?rentes que l'esclavage et la liberte?. On veut agir, on ne veut pas subir. Tous ces hommes qui se donnent tant de peine n'aiment sans doute pas le travail force? ; personne n'aime le travail force? ; personne n'aime les maux qui tombent ; personne n'aime sentir la ne?cessite?. Mais aussit�t que je me donne librement de la peine, me voila? content. J'e?cris ces propos. �oeVoila? bien de la peine”, dira quelque e?crivain qui vit de sa plume ; seulement personne ne m'y force ; et ce travail voulu est un plaisir, ou un bonheur, pour mieux parler. Le boxeur n'aime pas les coups qui viennent le trouver ; mais il aime ceux qu'il va chercher. »
Alain, Propos (1911)