Le texte :
« Les sens, quoique ne?cessaires pour toutes nos connaissances actuelles, ne sont point suffisants pour nous les donner toutes, puisque les sens ne donnent jamais que des exemples, c'est-a?-dire des ve?rite?s particulie?res ou individuelles. Or tous les exemples qui confirment une ve?rite? ge?ne?rale, de quelque nombre qu'ils soient, ne suffisent pas pour �tablir la ne?cessite? universelle de cette me?me ve?rite?, car il ne suit pas que ce qui est arrive? arrivera toujours de me?me. Par exemple, les Grecs et Romains et tous les autres peuples de la terre ont toujours remarque? qu'avant le de?cours de 24 heures, le jour se change en nuit, et la nuit en jour. Mais on se serait trompe?, si l'on avait cru que la me?me re?gle s'observe partout, puisque on a vu le contraire dans le se?jour de Nova Zembla . Et celui-la? se tromperait encore qui croirait que c’est dans nos climats au moins une ve?rite? ne?cessaire et e?ternelle, puisqu'on doit juger que la terre et le soleil me?me n'existent pas ne?cessairement, et qu'il y aura peut-e?tre un temps ou? ce bel astre ne sera plus, au moins dans sa pre?sente forme, ni tout son syste?me. D'ou? il parai?t que les ve?rite?s ne?cessaires, telles qu'on les trouve dans les mathe?matiques pures et particulie?rement dans l'arithme?tique et dans la ge?ome?trie, doivent avoir des principes dont la preuve ne de?pende point des exemples, ni par conse?quence du te?moignage des sens. »
Leibniz, Nouveaux essais sur l’entendement humain (1704)