Dans ce texte, alain s'interroge sur la nature de la justice en la comparant à des notions mathématiques telles que le cercle et l'ellipse. il met en évidence l'idée d'égalité des hommes et des parts, considérée comme une utopie, et affirme que la justice est nécessaire pour tout contrat afin d'éviter les inégalités flagrantes.
(1868-1951) Il effectue un mouvement de retour au Cartésianisme en niant l'inconscient Freudien, selon lui ce dernier doit être réduit aux pulsions du corps opposées à la rationalité de l'Esprit.
identité/égalité/ différence
« Je ne pense pas que la justice soit si diffe?rente du cercle, de l’ellipse, et des ve?rite?s de ce genre. Car il est vrai qu’il y a une justice, et chacun la reconnai?tra en ces deux fre?res partageant l’he?ritage. L’un d’eux dit a? l’autre : �oeTu fais les parts, et moi je choisirai le premier ; ou bien je fais les parts, et tu choisis.” Il n’y a rien a? dire contre ce proce?de? inge?nieux, si ce n’est que les parts ne seront jamais e?gales, et qu’elles devraient l’e?tre ; et on trouvera aussi a? dire que les deux fre?res ne seront jamais e?gaux, mais qu’ils devraient l’e?tre. L’utopie cherche l’e?galite? des hommes et l’e?galite? des parts ; choses qui ne sont pas plus dans la nature que n’y est le cercle. Mais l’utopiste sait tre?s bien ce qu’il voudrait ; et j’ajoute que si on ne veut pas cela, sous le nom de justice, on ne veut plus rien du tout, parce qu’on ne pense plus rien du tout. Par exemple un contrat injuste n’est pas du tout un contrat. Un homme ruse? s’est assure? qu’un champ galeux recouvre du kaolin ; il acquiert ce champ contre un bon pre? ; ce n’est pas un e?change. Il y a ine?galite? flagrante entre les choses ; ine?galite? aussi entre les hommes, car l’un des deux ignore ce qui importe, et l’autre le sait. Je cite ce contrat, qui n’est pas un contrat, parce qu’il est de ceux qu’un juge re?forme . Mais comment le re?forme-t-il, sinon en le comparant a? un mode?le de contrat, qui est dans son esprit, et dans l’esprit de tous ? Est-ce que l’ide?e ne sert pas, alors, a? mesurer de combien l’e?ve?nement s’en e?carte ? Comme un cercle imparfait n’est tel que par le cercle parfait, ainsi le contrat imparfait n’est tel que par le contrat parfait. »
Alain, Propos (1932)
Voici une possible analyse du texte :
- le texte traite de la notion de justice et de sa relation avec l'idée d'égalité.
L'auteur cherche à montrer que la justice est une idée abstraite et universelle, comme le cercle ou l'ellipse, qui permet de juger les situations concrètes et de les corriger si besoin.
- il commence par affirmer qu'il ne pense pas que la justice soit si différente du cercle, de l'ellipse, et des vérités de ce genre.
Il s'agit d'une thèse qui va à l'encontre du sens commun, qui pourrait croire que la justice est une notion relative, variable ou subjective.
Il se place donc dans une perspective rationaliste, qui postule l'existence de vérités éternelles et nécessaires, accessibles à la raison humaine.
- il illustre ensuite sa thèse par un exemple simple : celui de deux frères qui partagent un héritage.
Il expose le procédé ingénieux qu'ils utilisent pour se répartir les biens : l'un fait les parts, et l'autre choisit la première, ou inversement.
Il souligne que ce procédé est reconnu par tous comme juste, car il respecte le principe d'égalité entre les frères.
Il reconnaît cependant que ce procédé n'est pas parfait, car il ne garantit pas une égalité absolue entre les parts ni entre les frères.
Il introduit ainsi la notion d'utopie, qui cherche à réaliser une égalité parfaite entre les hommes et les choses, mais qui n'est pas dans la nature.
Il compare donc la justice à une idée régulatrice, qui oriente notre action vers un idéal, mais qui n'est jamais réalisée complètement.
- il affirme ensuite que l'utopiste sait très bien ce qu'il voudrait, et que si on ne veut pas cela, sous le nom de justice, on ne veut plus rien du tout, parce qu'on ne pense plus rien du tout.
Il s'agit d'une argumentation par l'absurde, qui vise à montrer que la justice est une idée nécessaire et incontournable pour penser et agir.
Il suggère que renoncer à la justice, c'est renoncer à la raison et au sens moral.
Il implique donc que la justice est une exigence universelle et rationnelle, qui s'impose à tous les hommes.
- il donne ensuite un autre exemple pour appuyer sa thèse : celui d'un contrat injuste, où un homme rusé achète un champ galeux contenant du kaolin à un prix dérisoire.
Il explique que ce n'est pas un véritable contrat, car il y a une inégalité flagrante entre les choses échangées et entre les hommes qui échangent.
Il montre que ce contrat viole le principe d'égalité et de réciprocité, qui sont essentiels pour qu'un contrat soit valide.
Il précise que ce contrat est de ceux qu'un juge réforme, c'est-à-dire qu'il annule ou modifie pour rétablir l'équité entre les parties.
- il termine en posant la question de savoir comment le juge réforme le contrat injuste.
Il répond qu'il le fait en le comparant à un modèle de contrat, qui est dans son esprit, et dans l'esprit de tous.
Il affirme donc que le juge se réfère à une idée de justice, qui est commune à tous les hommes et qui sert de critère pour évaluer les situations réelles.
Il compare cette idée à celle du cercle parfait, qui permet de mesurer l'écart entre un cercle imparfait et la figure géométrique idéale.
Il conclut ainsi en revenant à sa thèse initiale : la justice est une idée abstraite et universelle, comme le cercle ou l'ellipse.