• Bergson
L'énigme de l'homme : une dualité entre confiance et imperfection
-



Le contexte :

Ce texte de bergson explore la singularité de l'homme, qui se distingue des autres animaux par sa capacité à  hésiter, à  planifier et à  douter. bien que la nature offre une tranquillité à  toutes les autres formes de vie, l'homme est confronté à  une double imperfection en raison de son intelligence. cette dualité entre confiance et imperfection soulàùve une énigme quant à  la nature de l'homme.

L' auteur :

Bergson

(1859-1941) Remet en question la vision selon laquelle l'histoire viserait un progrès dans les sciences. Il propose une nouvelle philosophie permettant d'analyser le contenu conscient de l'expérience immédiate.

Le repère :

intuitif/discursif

Le texte :

« L'homme est le seul animal dont l’action soit mal assurée, qui hésite et tâtonne, qui forme des projets avec l’espoir de réussir et la crainte d’échouer. C’est le seul qui se sente sujet à la maladie, et le seul aussi qui sache qu’il doit mourir. Le reste de la nature s’épanouit dans une tranquillité parfaite. Plantes et animaux ont beau être livrés à tous les hasards ; ils ne s’en reposent pas moins sur l’instant qui passe comme ils le feraient sur l’éternité. De cette inaltérable confiance nous aspirons à nous quelque chose dans une promenade à la campagne, d’où nous revenons apaisés. Mais ce n’est pas assez dire. De tous les êtres vivant en société, l’homme est le seul qui puisse dévier de la ligne sociale, en cédant à des préoccupations égoïstes quand le bien commun est en cause ; partout ailleurs, l’intérêt individuel est inévitablement coordonné ou subordonné à l’intérêt général. Cette double imperfection est la rançon de l’intelligence. L’homme ne peut pas exercer sa faculté de penser sans se représenter un avenir incertain, qui éveille sa crainte et son espérance. Il ne peut pas réfléchir à ce que la nature lui demande, en tant qu’elle a fait de lui un être sociable, sans se dire qu’il trouverait souvent son avantage à négliger les autres, à ne se soucier que de lui-même. Dans les deux cas il y aurait rupture de l’ordre normal, naturel. Et pourtant c’est la nature qui a voulu l’intelligence, qui l’a mise au bout de l’une des deux grandes lignes de l’évolution animale pour faire pendant à l’instinct le plus parfait, point terminus de l’autre. »
Bergson, Les Deux sources de la morale et de la religion (1932)

Les questions :



[A] û Questions dÆanalyse
1) Comment l'auteur décrit-il la singularité de l'homme par rapport aux autres êtres vivants ?
2) Quels sont les éléments qui montrent que l'homme est conscient de sa propre mortalité dans le texte ?
3) En quoi l'intelligence humaine crée-t-elle des dilemmes éthiques, selon l'auteur ?
4) Quel r��le l'auteur attribue-t-il à l'intelligence dans l'évolution animale, et comment la compare-t-il à l'instinct ?

[B] û Éléments de synth��se
1) Résumez la mani��re dont l'auteur décrit la nature tranquille des autres êtres vivants par rapport à l'homme.
2) À partir des éléments précédents, dégagez la th��se principale de l'auteur et la façon dont il argumente en faveur de cette th��se.

[C] û Commentaire
1) Selon vous, pourquoi l'auteur consid��re-t-il que l'intelligence humaine est à la fois une bénédiction et une malédiction ? Justifiez votre réponse.
2) À la lumi��re de vos connaissances et de votre compréhension du texte, discutez de l'idée de l'auteur selon laquelle l'intelligence humaine crée des défis éthiques liés à l'égo��sme et à l'intérêt individuel.

L'analyse :

Voici un possible développement de l'analyse du texte : dans ce texte, bergson compare l'homme aux autres êtres vivants, et montre en quoi il se distingue par son intelligence, source à la fois de sa grandeur et de sa faiblesse.

Il s'agit donc d'une réflexion sur la nature humaine et sur les conséquences morales et religieuses de son pouvoir de penser.



- dans le premier paragraphe, bergson expose les deux aspects négatifs de l'intelligence humaine : l'incertitude et la mortalité.

Il affirme que l'homme est le seul animal qui agit sans assurance, qui hésite et tâtonne, qui forme des projets avec l'espoir de réussir et la crainte d'échouer.

Il utilise pour cela des termes qui expriment le doute, le risque, la contingence : "mal assuré", "hésite", "tâtonne", "projets", "espoir", "crainte".

Il oppose cette situation à celle du reste de la nature, qui s'épanouit dans une tranquillité parfaite, sans se soucier du lendemain ni de la mort.

Il emploie pour cela des termes qui expriment la confiance, la sérénité, l'éternité : "tranquillité parfaite", "reposent", "inaltérable confiance".

Il souligne ainsi le contraste entre l'angoisse humaine et la paix animale et végétale.

Il reconnaît toutefois que l'homme peut aspirer à retrouver cette harmonie avec la nature dans une promenade à la campagne, qui le rend apaisé.

Il suggère donc que l'intelligence humaine est une source de souffrance, mais aussi de désir d'un état plus simple et plus heureux.



- dans le deuxième paragraphe, bergson expose un autre aspect négatif de l'intelligence humaine : l'égo´sme.

Il affirme que l'homme est le seul être vivant en société qui puisse dévier de la ligne sociale, en cédant à des préoccupations égo´stes quand le bien commun est en cause.

Il oppose cette possibilité à celle des autres êtres vivant en société, dont l'intérêt individuel est inévitablement coordonné ou subordonné à l'intérêt général.

Il utilise pour cela des termes qui expriment la déviation, la rupture, la négligence : "dévier", "céder", "négliger".

Il souligne ainsi le danger que représente l'intelligence humaine pour la cohésion sociale et pour la morale.

Il reconnaît toutefois que c'est la nature qui a voulu l'intelligence, qui l'a mise au bout de l'une des deux grandes lignes de l'évolution animale pour faire pendant à l'instinct le plus parfait, point terminus de l'autre.

Il suggère donc que l'intelligence humaine est une source de liberté, mais aussi de responsabilité.



- on peut conclure que bergson présente dans ce texte une vision ambivalente de l'intelligence humaine, qu'il considère comme un don de la nature, mais aussi comme une cause de malheur et de faute.

Il invite ainsi le lecteur à réfléchir sur les conditions d'un usage éthique et heureux de sa faculté de penser.