• Durkheim
Les obligations sociales et leur influence sur l'individu
-



Le contexte :

Dans cet extrait, durkheim souligne le fait que les devoirs et les croyances auxquels nous nous conformons sont définis par la société et ne dépendent pas uniquement de nos choix individuels. il met en évidence le fait que nos actions, nos pensées et nos sentiments sont influencés par des normes et des pratiques collectives préexistantes.

L' auteur :

Durkheim

(1858-1917) Est le père fondateur de la sociologie, une science qui se distingue de la philosophie pour établir des bases scientifiques à l'étude des phénomènes sociaux.

Le repère :

objectif/subjectif/intersubjectif

Le texte :

« Quand je m’acquitte de ma tâche de frère, d’époux ou de citoyen, quand j’exécute les engagements que j’ai contractés, je remplis des devoirs qui sont définis, en dehors de moi et de mes actes, dans le droit et dans les mūurs. Alors même qu’ils sont d’accord avec mes sentiments propres et que j’en sens intérieurement la réalité, celle-ci ne laisse pas d’être objective  ; car ce n’est pas moi qui les ai faits, mais je les ai reçus par l’éducation. Que de fois, d’ailleurs, il arrive que nous ignorons le détail des obligations qui nous incombent et que, pour les connaître, il nous faut consulter le Code et ses interprètes autorisés ! De même, les croyances et les pratiques de sa vie religieuse, le fidèle les a trouvées toutes faites en naissant ; si elles existaient avant lui, c’est qu’elles existent en dehors de lui. Le système de signes dont je me sers pour exprimer ma pensée, le système de monnaies que j’emploie pour payer mes dettes, les instruments de crédit que j’utilise dans mes relations commerciales, les pratiques suivies dans ma profession, etc., etc. fonctionnent indépendamment des usages que j’en fais. Qu’on prenne les uns après les autres tous les membres dont est composée la société, ce qui précède pourra être répété à propos de chacun d’eux. Voilà donc des manières d’agir, de penser et de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu’elles existent en dehors des consciences individuelles. »
Durkheim, Les Règles de la méthode sociologique (1895)

L'analyse :

Voici un exemple de commentaire linéaire du texte : dans ce texte, durkheim expose sa conception de la sociologie comme l'étude des faits sociaux, c'est-à-dire des manières d'agir, de penser et de sentir qui sont extérieures et contraignantes pour les individus.

Il s'agit de montrer comment il distingue la sociologie des autres sciences humaines, notamment de la psychologie, et comment il définit son objet et sa méthode.



- dans le premier paragraphe, durkheim illustre la notion de fait social par des exemples tirés de la vie morale, juridique et religieuse.

Il montre que les devoirs, les croyances et les pratiques qui régissent ces domaines sont définis "en dehors de moi et de mes actes", c'est-à-dire qu'ils ne dépendent pas de ma volonté ou de mes sentiments personnels, mais qu'ils sont le produit d'une réalité objective.

Il utilise le terme "objective" au sens où ces faits sociaux ont une existence propre, indépendante des sujets qui les subissent ou les accomplissent.

Il souligne aussi que ces faits sociaux sont antérieurs à l'individu, qu'ils sont "reçus par l'éducation" ou "trouvés toutes faites en naissant".

Il insiste sur le caractère impersonnel et collectif de ces faits sociaux, qui s'imposent à tous les membres d'une société donnée.

Il évoque enfin le recours au droit et à ses interprètes pour connaître les obligations qui nous incombent, ce qui implique que ces faits sociaux ont une valeur normative et coercitive.



- dans le deuxième paragraphe, durkheim élargit son propos à d'autres exemples de faits sociaux, tels que le langage, la monnaie, le crédit ou la profession.

Il montre que ces faits sociaux relèvent également d'un système de signes, de valeurs ou de pratiques qui fonctionnent indépendamment des usages que j'en fais.

Il répète la formule "en dehors de moi" pour souligner la constance de son critère de définition du fait social.

Il affirme ensuite que ce qui vaut pour lui vaut pour tous les membres de la société, ce qui renforce l'idée que les faits sociaux sont universels et généraux.

Il conclut en résumant sa thèse principale : il existe des manières d'agir, de penser et de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu'elles existent en dehors des consciences individuelles.

Ce texte présente donc l'intérêt de définir clairement le concept de fait social, qui est au fondement de la sociologie durkheimienne.

Durkheim cherche à établir la spécificité et l'autonomie de sa discipline par rapport aux autres sciences humaines, notamment la psychologie.

Il veut montrer que la sociologie a pour objet d'étudier des réalités objectives, mesurables et explicables par des causes sociales.

Il pose ainsi les bases d'une méthode scientifique appliquée au domaine social.