• Machiavel
La fortune et le libre arbitre : l'art de résister aux flots dévastateurs
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Le contexte :

Dans cet extrait de "le prince" de machiavel, l'auteur remet en question l'idée selon laquelle le destin et la fortune gouvernent le monde et que les hommes sont impuissants face à  eux. machiavel soutient que bien que la fortune puisse influencer la moitié de nos actions, l'autre moitié dépend de notre libre arbitre. il compare la fortune à  un fleuve dévastateur, mais souligne que les hommes ont la possibilité de se prémunir contre ses assauts en

L' auteur :

Machiavel

(1469 - 1527) Niccolò Machiavel, penseur politique italien de la Renaissance, a vision pragmatique et réaliste du pouvoir politique : il analyse les mécanismes du pouvoir, de la manipulation et de la stratégie. Machiavel insiste sur la nécessité pour les dirigeants de prendre des mesures parfois impopulaires pour maintenir le pouvoir et la stabilité de l'État.

Le repère :

contingent/nécessaire

Le texte :

« Je n’ignore pas que beaucoup ont pense? et pensent encore que les choses du monde sont gouverne?es par Dieu et par la fortune  et que les hommes, malgre? leur sagesse, ne peuvent les modifier et n’y apporter me?me aucun reme?de. En conse?quence de quoi, on pourrait penser qu’il ne vaut pas la peine de se fatiguer et qu’il faut laisser gouverner le destin. Cette opinion a eu, a? notre e?poque, un certain cre?dit du fait des bouleversements que l’on a pu voir, et que l’on voit encore quotidiennement, et que personne n’aurait pu pre?dire. J’ai moi-me?me �t� tente? en certaines circonstances de penser de cette manie?re. Ne?anmoins, afin que notre libre arbitre  ne soit pas comple?tement ane?anti, j’estime que la fortune peut de?terminer la moitie? de nos actions mais que pour l’autre moitie? les e?ve?nements de?pendent de nous. Je compare la fortune a? l’un de ces fleuves de?vastateurs qui, quand ils se mettent en cole?re, inondent les plaines, de?truisent les arbres et les e?difices, enle?vent la terre d’un endroit et la poussent vers un autre. Chacun fuit devant eux et tout le monde ce?de a? la fureur des eaux sans pouvoir leur opposer la moindre re?sistance. Bien que les choses se de?roulent ainsi, il n’en reste pas moins que les hommes ont la possibilite?, pendant les pe?riodes de calme, de se pre?munir en pre?parant des abris et en ba?tissant des digues de fac?on a? ce que, si le niveau des eaux devient menac?ant, celles-ci convergent vers des canaux et ne deviennent pas de?chai?ne?es et nuisibles. Il en va de me?me pour la fortune : elle montre toute sa puissance la? ou? aucune vertu n’a �t� mobilise?e pour lui re?sister et tourne ses assauts la? ou? il n’y a ni abri ni digue pour la contenir. »
Machiavel, Le Prince (1532)

Les questions :



[a] û questions d'analyse
1) Quelle est l'opinion ou la croyance réfutée dans ce texte et pourquoi est-elle remise en question?
2) Que signifient les mots "fortune" et "libre arbitre" dans ce text�
3) Comment l'auteur défend-il l'existence du libre arbitre malgré l'influence de la fortune sur les actions des hommes?
4) Quelle comparaison est faite entre la fortune et les fleuves dévastateurs et comment cela renforce-t-il l'argument de l'auteur?

[b] û éléments de synth��se
1) Expliquez la phrase : "On pourrait penser quÆil ne vaut pas la peine de se fatiguer et quÆil faut laisser gouverner le destin."
2) En vous aidant des éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[c] û commentaire
1) Que pensez-vous de l'argumentation présentée par l'auteur dans ce text� Justifiez votre réponse.
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si la croyance en une gouvernance divine et fortuite du monde peut coexister avec le concept du libre arbitre.

L'analyse :

Voici une possible analyse du texte de machiavel :

- dans le premier paragraphe, l'auteur expose le problème qu'il se propose d'examiner : celui du rapport entre la fortune et le libre arbitre dans le gouvernement des affaires humaines.

Il reconnaît que beaucoup de gens pensent que les événements sont soumis à la volonté divine ou au hasard, et que les hommes ne peuvent rien y changer.

Il avoue avoir été tenté lui-même par cette opinion fataliste, qui semble confirmée par les bouleversements imprévisibles de son époque.

Il s'agit donc d'une introduction qui présente le sujet et la thèse adverse, tout en annonçant la position personnelle de l'auteur.



- dans le deuxième paragraphe, l'auteur expose sa thèse : il affirme que la fortune n'est pas toute-puissante, et qu'elle laisse une place au libre arbitre des hommes.

Il estime que la fortune et le libre arbitre se partagent à parts égales l'influence sur les événements.

Il s'agit donc d'un développement qui expose l'idée principale de l'auteur, en la formulant de manière générale et abstraite.



- dans le troisième paragraphe, l'auteur illustre sa thèse par une comparaison : il compare la fortune à un fleuve dévastateur, qui peut causer des ravages quand il déborde, mais qui peut aussi être maîtrisé par des travaux humains.

Il en déduit que les hommes ont la possibilité de se prémunir contre les caprices de la fortune, en se préparant à l'avance et en mobilisant leur vertu.

Il s'agit donc d'un développement qui appuie l'idée principale de l'auteur, en la rendant plus concrète et plus imagée.



- le texte se termine par une phrase conclusive, qui résume la pensée de l'auteur : la fortune n'est pas invincible, elle peut être contenue par la vertu humaine.

Il s'agit donc d'une conclusion qui reprend la thèse de l'auteur, en la renforçant par une opposition entre la puissance de la fortune et celle de la vertu.