• Platon
Le vrai et l'imitation
art - vérité



Le contexte :

Socrate cherche à  imaginer la cité idéale, et il revient avec Glaucon sur les raisons pour lesquelles il est préférable de bannir les poàùtes.

L' auteur :

Platon

(-428--348) Platon, philosophe de la Grèce antique, explore des concepts tels que la réalité, la connaissance et la justice. À travers ses dialogues, il met en scène son mentor Socrate pour examiner les idées et les valeurs de son époque, tout en proposant une vision idéale de la cité idéale dans "La République".

Le repère :

concept/image/métaphore

Le texte :

SOCRATE : « J’ai bien à l’esprit, repris-je, les raisons nombreuses et de toutes sortes qui nous font dire que nous avons fondé notre cité le plus correctement possible, et je l’affirme surtout quand je réfléchis au sujet de la poésie. GLAUCON : De quoi s’agit-il ? demanda-t-il. SOCRATE : Du rejet absolu de cette partie de la poésie qui est imitative. (…) Par exemple, tu es d’accord, il existe de nombreux lits et de nombreuses tables. GLAUCON : Oui, forcément. SOCRATE : Mais les Idées* relatives à ces meubles, il n’y en a que deux, une Idée de lit et une Idée de table. GLAUCON : Oui. SOCRATE : Or, n’avons-nous pas aussi l’habitude de dire que chacun des artisans qui fabrique ces meubles réalise l’un les lits, l’autre les tables dont nous nous servons, le regard tourné en direction de l’Idée, et ainsi pour tous les autres objets ? Carpour ce qu’il en est de l’Idée elle-même, sûrement aucun des artisans ne la fabrique, comment le pourrait-il, en effet ? GLAUCON : Il ne le pourrait aucunement. (…) SOCRATE : Au nombre de ces artisans, il faut compter aussi le peintre, n’est-ce pas ? GLAUCON : Oui, nécessairement. SOCRATE : Mais tu vas me dire, je pense, que ce qu’il produit n’est pas véritable, et pourtant le peintre d’une certaine manière produit lui aussi un lit, n’est-ce pas ? GLAUCON : Oui, il produit lui aussi un lit apparent. SOCRATE : Et le fabricant de lits, ne disais-tu pas tout à l’heure qu’il ne produit pas l’Idée ‫ qui est, affirmons nous, ce qu’est un lit ‫ mais un lit particulier ? GLAUCON : Je l’ai dit, en effet. (…) SOCRATE : Eh bien, ces lits constitueront trois lits distincts. Le premier est celui qui existe par nature, celui que, selon ma pensée, nous dirions l’ūuvre d’un dieu. De qui pourrait-il s’agir d’autre ? GLAUCON : Personne, je pense. SOCRATE : Le deuxième lit est celui que le menuisier a fabriqué. GLAUCON : Oui, dit-il. SOCRATE : Le troisième lit est celui que le peintre à fabrique, n’est-ce pas ? GLAUCON : Oui. SOCRATE : Ainsi donc, peintre, fabricant de lits, dieu, voilà les trois qui veillent aux trois espèces de lits. GLAUCON : Oui, ce sont ces trois-là. SOCRATE : Pour ce qui est du dieu (…), veux-tu dès lors que nous lui donnions le nom de créateur naturel de cet être, ou quelque autre nom du même genre ? GLAUCON : Ce serait juste, en effet, dit-il, puisqu’il a produit par nature cet être et tous les autres. SOCRATE : Et qu’en est-il du menuisier ? Ne l’appellerons-nous pas artisan du lit ? GLAUCON : Si. SOCRATE : Et le peintre, artisan et producteur de cet objet ? GLAUCON : En aucune manière. SOCRATE : Mais alors, que diras-tu de son rapport particulier au lit? GLAUCON : Ceci, dit-il, me semble, à mon sens en tout cas, l’appellation qui lui convient le mieux : il est l’imitateur de cet objet, dont eux sont les artisans. SOCRATE : Bien, dis-je. Tu appelles donc imitateur l’auteur d’un produit qui se tient au troisième rang par rapport à ce qui existe par nature ? GLAUCON : Oui, exactement, dit-il. SOCRATE : C’est donc ce que sera aussi l’auteur de tragédies, si vraiment il est imitateur : il sera naturellement troisième après le roi et la vérité, et tous les autres imitateurs pareillement ? GLAUCON : Cela risque d’être le cas. SOCRATE : Nous voici tombés d’accord sur l’imitateur. Mais réponds à la question suivante concernant le peintre : à ton avis, ce qu’il entreprend d’imiter, est-ce cet être unique qui existe pour chaque chose par nature, ou s’agit-il des ouvrages des artisans ? GLAUCON : Ce sont les ouvrages des artisans, dit-il. SOCRATE : Tels qu’ils existent ou tels qu’ils apparaissent ? Cette distinction doit aussi être faite. GLAUCON : Que veux-tu dire ? demanda-t-il. SOCRATE : Ceci : un lit, si tu le regardes sous un certain angle, ou si tu le regardes de face, ou de quelque autre façon, est-il différent en quoi que ce soit de ce qu’il est lui-même, ou bien paraît-il différent tout en ne l’étant aucunement ? N’est-ce pas le cas pour tout autre objet ? GLAUCON : C’est ce que tu viens de dire, dit-il, il semble différent, mais il ne l’est en rien. SOCRATE : À présent, considère le point suivant. Dans quel but l’art de la peinture a-t-il été créé pour chaque objet ? Est-ce en vue de représenter imitativement, pour chaque être, ce qu’il est, ou pour chaque apparence, de représenter comment elle apparaît ? La peinture est-elle une imitation de l’apparence ou de la vérité ? GLAUCON : De l’apparence, dit-il. SOCRATE : L’art de l’imitation est donc bien éloigné du vrai, et c’est apparemment pour cette raison qu’il peut façonner toutes choses : pour chacune, en effet, il n’atteint qu’une petite partie, et cette partie n’est elle-même qu’un simulacre. C’est ainsi, par exemple, que nous dirons que le peintre peut nous peindre un cordonnier, un menuisier, et tous les autres artisans, sans rien maîtriser de leur art. Et s’il est bon peintre, il trompera les enfants et les gens qui n’ont pas toutes leurs facultés en leur montrant de loin le dessin qu’il a réalisé d’un menuisier, parce que ce dessin leur semblera le menuisier réel. GLAUCON : Oui, assurément. (…) SOCRATE : Par conséquent, posons que tous les experts en poésie, à commencer par Homère, sont des imitateurs des simulacres de la vertu et de tous les autres simulacres qui inspirent leurs compositions poétiques, et qu’ils n’atteignent pas la vérité.

Les questions :



[a] - Questions d'analyse
1) Comment l'auteur justifie-t-il le rejet absolu de la partie imitative de la poésie ?
2) Quelle est la différence entre les trois types de lits selon Socrate ?
3) Pourquoi Socrate affirme-t-il que l'art de la peinture est éloigné de la vérité ?
4) Selon l'auteur, qu'est-ce qui distingue un imitateur, tel que le peintre, des artisans qui produisent les objets originaux ?

[b] - Éléments de synth��se
1) Expliquez en quoi le texte remet en question le statut de l'imitation dans les arts, en particulier dans la poésie et la peinture.
2) En vous basant sur les éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de l'argumentation de l'auteur.

[c] - Commentaire
1) Quelle est la pertinence des réflexions de Socrate sur l'imitation dans les arts pour notre compréhension de la création artistique aujourd'hui ? Justifiez votre réponse.

L'analyse :

Dans ce texte extrait de La République de Platon, Socrate et Glaucon discutent de la poésie et plus particulièrement de la forme d'imitation présente dans la poésie.

Socrate affirme que la partie de la poésie qui est imitative doit être rejetée.

Il prend l'exemple des meubles tels que les lits et les tables pour illustrer son propos.

Socrate introduit l'idée que pour chaque meuble, il existe deux Idées, une Idée de lit et une Idée de table.

Ces Idées représentent la forme parfaite et universelle de ces objets.

Il soutient que les artisans, tels que les menuisiers, produisent des lits et des tables en s'inspirant de ces Idées, mais ils ne créent pas les Idées elles-mêmes.

Le peintre, quant à lui, produit une représentation apparente d'un lit, mais pas l'Idée elle-même.

Ainsi, Socrate distingue trois types de lits : le premier est l'Idée de lit, considérée comme l'œuvre d'un dieu ; le deuxième est le lit fabriqué par le menuisier ; et le troisième est le lit produit par le peintre, qui est une imitation apparente du lit.

Socrate conclut que le peintre est un imitateur, qui occupe le troisième rang par rapport à ce qui existe par nature.

Socrate pousse plus loin sa réflexion en interrogeant Glaucon sur le peintre.

Il lui demande si le peintre imite l'être unique qui existe pour chaque chose par nature, ou s'il imite les ouvrages des artisans.

Glaucon répond que le peintre imite les ouvrages des artisans tels qu'ils apparaissent.

Socrate souligne alors que la peinture est une imitation de l'apparence et non de la vérité.

Socrate explique ensuite que l'art de l'imitation est éloigné de la vérité.

Il affirme que les imitateurs, y compris les poètes tels qu'Homère, créent des simulacres de la vertu et d'autres simulacres dans leurs compositions poétiques, mais ils n'atteignent pas la vérité.

À travers cette analyse, Socrate remet en question la valeur de l'imitation dans la poésie.

Il soutient que l'imitation est éloignée de la vérité et qu'elle produit des simulacres qui trompent les spectateurs en leur faisant croire à la réalité.

Il souligne ainsi la nécessité de se tourner vers la vérité plutôt que vers les imitations dans l'art.

Par conséquent, Socrate remet en cause la légitimité de la poésie imitative et appelle à une approche plus philosophique de l'art.