• Bergson
Le mythe de l'observation passive
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Le contexte :

Henri bergson remet en question la conception traditionnelle de l'observation scientifique. il argue que l'assemblage passif de faits bruts sans questionnement préalable est non seulement erroné, mais aussi préjudiciable à  la science et à  la philosophie, soulignant l'importance cruciale de la question dans le processus de généralisation.

L' auteur :

Bergson

(1859-1941) Remet en question la vision selon laquelle l'histoire viserait un progrès dans les sciences. Il propose une nouvelle philosophie permettant d'analyser le contenu conscient de l'expérience immédiate.

Le repère :

analyse/synthèse

Le texte :

« Trop souvent nous nous représentons encore l'expérience comme destinée à nous apporter des faits bruts : l'intelligence, s'emparant de ces faits, les rapprochant les uns des autres, s'élèverait ainsi à des lois de plus en plus hautes. Généraliser serait donc une fonction, observer en serait une autre. Rien de plus faux que cette conception du travail de synthèse, rien de plus dangereux pour la science et pour la philosophie. Elle a conduit à croire qu'il y avait un intérêt scientifique à assembler des faits pour rien, pour le plaisir, à les noter paresseusement et même passivement, en attendant la venue d'un esprit capable de les dominer et de les soumettre à des lois. Comme si une observation scientifique n'était pas toujours la réponse à une question, précise ou confuse ! Comme si des observations notées passivement à la suite les unes des autres étaient autre chose que des réponses décousues à des questions posées au hasard ! Comme si le travail de généralisation consistait à venir, après coup, trouver un sens plausible à ce discours incohérent. »
Bergson

Les questions :



[A] - Questions d'analyse
1) Comment Bergson critique-t-il la conception traditionnelle de l'expérience ?
2) Quelle est la différence entre la fonction de généralisation et la fonction d'observation selon Bergson ?
3) Comment Bergson définit-il une observation scientifique ?
4) Pourquoi Bergson consid��re-t-il que l'assemblage passif de faits est dangereux pour la science et la philosophie ?

[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez la phrase : "Comme si une observation scientifique n'était pas toujours la réponse à une question, précise ou confuse !"
2) En vous aidant des éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[C] - Commentaire
1) Selon Bergson, quel est le lien entre l'observation et la question posée ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte de Bergson, vous vous demanderez si la généralisation est nécessaire pour la compréhension des faits scientifiques.

L'analyse :

Voici un possible développement de l'analyse du texte :

- le texte de bergson est un extrait de son ouvrage l'évolution créatrice, publié en 1907, dans lequel il propose une philosophie de la vie et de la connaissance qui s'oppose au mécanisme et au finalisme.

Il s'agit d'un texte argumentatif qui vise à critiquer une conception erronée et dangereuse de l'expérience scientifique, fondée sur la séparation entre l'observation des faits et la généralisation des lois.

Il défend au contraire l'idée que l'expérience est toujours guidée par une question, et que la synthèse est un travail créatif qui ne se réduit pas à une simple induction.



- dans la première phrase, bergson expose la thèse qu'il va réfuter, en utilisant le modalisateur "nous nous représentons encore" qui indique qu'il s'agit d'une opinion commune mais dépassée.

Il présente l'expérience comme une source de "faits bruts", c'est-à-dire de données objectives et indépendantes de l'esprit qui les observe.

Il oppose ensuite deux fonctions de l'intelligence : observer, qui consiste à recueillir ces faits, et généraliser, qui consiste à les rapprocher pour en déduire des lois.

Il suggère ainsi que l'expérience est un processus linéaire et passif, qui va du particulier au général, du simple au complexe.



- dans la deuxième phrase, bergson réfute cette conception en affirmant qu'elle est "fausse" et "dangereuse".

Il utilise des termes péjoratifs comme "paresseusement" et "passivement" pour dévaloriser l'attitude qui consiste à assembler des faits sans but ni méthode.

Il souligne le risque que cette attitude fait courir à la science et à la philosophie, qui sont les domaines de la connaissance rationnelle et critique.

Il montre que cette conception repose sur une illusion : celle de croire que les faits sont donnés d'avance, alors qu'ils sont en réalité construits par l'esprit qui les interroge.



- dans la troisième phrase, bergson expose sa propre conception de l'expérience, en utilisant des modalisateurs comme "comme si" et des points d'exclamation pour marquer son indignation face à la thèse adverse.

Il affirme que l'observation scientifique est toujours la réponse à une question, qu'elle soit "précise ou confuse".

Il implique ainsi que l'expérience est un dialogue entre l'esprit et la réalité, qui suppose une intention et une problématique.

Il dénonce ensuite le caractère incohérent et arbitraire des observations faites sans question, qu'il compare à des "réponses décousues" à des "questions posées au hasard".

Il récuse enfin l'idée que le travail de généralisation soit un simple ajout a posteriori, qui consisterait à trouver un "sens plausible" à ces observations.

Il suggère que la synthèse est plutôt un acte d'invention, qui donne un sens nouveau aux faits.

On peut conclure que bergson défend une conception dynamique et créatrice de l'expérience scientifique, qui implique une interaction constante entre l'esprit et la réalité, entre l'observation et la généralisation.

Il critique ainsi une conception statique et passive de l'expérience, qui repose sur une vision mécaniste de la nature et de la connaissance.

Il invite donc à renouveler notre rapport au réel, en reconnaissant le rôle de l'intuition et de la vie dans le processus de découverte.