• Bergson
La nature évolutive de l'être humain
temps - état



Le contexte :

Dans ce texte, bergson explore la notion de changement constant de l'être humain. il souligne que chaque état d'à¢me est en perpétuelle évolution, même les plus stables, et que le changement est inhérent à  notre nature. il invite à  prendre conscience de cette transformation permanente pour mieux appréhender notre existence.

L' auteur :

Bergson

(1859-1941) Remet en question la vision selon laquelle l'histoire viserait un progrès dans les sciences. Il propose une nouvelle philosophie permettant d'analyser le contenu conscient de l'expérience immédiate.

Le repère :

identité/égalité/différence

Le texte :

« Je change donc sans cesse. Mais ce n'est pas assez dire. Le changement est bien plus radical qu'on ne le croirait d'abord. Je parle en effet de chacun de mes états comme s'il formait un bloc. Je dis bien que je change, mais le changement m'a l'air de résider dans le passage d'un état à l'état suivant : de chaque état, pris à part, J'aime à croire qu'il reste ce qu'il est pendant tout le temps qu'il se produit. Pourtant, un léger effort d'attention me révélerait qu'il n'y a pas d'affection, pas de représentation, pas de volition  qui ne se modifie à tout moment ; si un état d'âme cessait de varier, sa durée cesserait de couler. Prenons le plus stable des états internes, la perception visuelle d'un objet extérieur immobile. L'objet a beau rester le même, j'ai beau le regarder du même côté, sous le même angle, au même jour : la vision que j'ai n'en diffère pas moins de celle que je viens d'avoir, quand ce ne serait que parce qu'elle a vieilli d'un instant. Ma mémoire est là, qui pousse quelque chose de ce passé dans ce présent. Mon état d'âme, en avançant sur la route du temps, s'enfle continuellement de la durée qu'il ramasse ; il fait, pour ainsi dire, boule de neige avec lui-même. A plus forte raison en est-il ainsi des états plus profondément intérieurs, sensations, affections, désirs, etc., qui ne correspondent pas, comme une simple perception visuelle, à un objet extérieur invariable. Mais il est commode de ne pas faire attention à ce changement ininterrompu, et de ne le remarquer que lorsqu'il devient assez gros pour imprimer au corps une nouvelle attitude, à l'attention une direction nouvelle. A ce moment précis on trouve qu'on a changé d'état. La vérité est qu'on change sans cesse, et que l'état lui-même est déjà du changement. »
Bergson

Les questions :



[A] - Questions d'analyse
1) Comment l'auteur décrit-il le processus du changement dans ce texte ?
2) En quoi consiste le changement selon l'auteur ?
3) Quelle est la différence entre l'état d'âme pris individuellement et le changement global ?
4) Quels exemples l'auteur utilise-t-il pour illustrer le changement constant ?

[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez la phrase : "Mon état d'âme, en avançant sur la route du temps, s'enfle continuellement de la durée qu'il ramasse ; il fait, pour ainsi dire, boule de neige avec lui-même."
2) Quelle est l'idée principale du texte et comment l'auteur développe-t-il son argumentation ?

[C] - Commentaire
1) Selon l'auteur, pourquoi est-il facile de ne pas remarquer le changement constant ?
2) En vous basant sur vos connaissances et vos lectures, commentez la notion de changement décrite par l'auteur et son lien avec la perception du temps.

L'analyse :

Voici une possible analyse du texte : l'auteur, bergson, s'interroge sur la nature du changement qui affecte notre vie intérieure.

Il commence par affirmer qu'il change sans cesse, mais qu'il a tendance à concevoir ce changement comme une succession d'états fixes et distincts.

Il utilise le terme de "bloc" pour désigner ces états, qui sont des manifestations de ses affections, représentations ou volitions.

Il oppose ainsi le changement, qui réside dans le passage d'un état à l'autre, à la permanence de chaque état pris isolément.

Ensuite, il remet en question cette conception du changement, en montrant qu'elle repose sur une illusion.

Il invite le lecteur à faire un effort d'attention pour se rendre compte que chaque état intérieur est lui-même en variation constante, et que la durée y joue un rôle essentiel.

Il prend l'exemple de la perception visuelle d'un objet immobile, qui semble être le plus stable des états internes, mais qui en réalité se modifie à chaque instant sous l'influence de la mémoire, qui y introduit quelque chose du passé.

Il généralise ensuite cette idée aux états plus profondément intérieurs, qui sont encore plus sensibles au changement, puisqu'ils ne correspondent pas à un objet extérieur invariable.

Enfin, il explique pourquoi nous avons tendance à ne pas faire attention à ce changement ininterrompu, et à ne le remarquer que lorsqu'il devient assez important pour entraîner une modification de notre corps ou de notre attention.

Il dit que c'est par commodité que nous ignorons ce changement continu, et que nous le découpons en états distincts.

Il conclut en affirmant que la vérité est que nous changeons sans cesse, et que l'état lui-même est déjà du changement.

L'enjeu de ce texte est donc de remettre en cause une conception superficielle et illusoire du changement intérieur, qui le réduit à une succession d'états fixes et séparés, et de proposer une conception plus profonde et plus vraie, qui le conçoit comme un flux continu et indivisible, dans lequel chaque état est déjà une variation.

Bergson veut ainsi nous faire prendre conscience de la nature dynamique et créatrice de notre vie intérieure, qui ne cesse de s'enrichir de la durée qu'elle accumule.

Il s'inscrit dans une perspective philosophique qui valorise l'intuition et l'expérience immédiate comme moyens d'accéder à la réalité du changement.