• Pascal
Les limites du langage dans la définition de l'être
langage - vérité



Le contexte :

Pascal remet en question la capacité du langage à  définir certains concepts, tels que l'être. il souligne l'absurdité de définir un mot en utilisant le mot lui-même, et met en avant l'importance de l'intelligence innée que la nature nous a donnée pour comprendre les expressions sans ambiguÂïté.

L' auteur :

Pascal

(1623 - 1662) Blaise Pascal, mathématicien, physicien, et philosophe du XVIIe siècle. Son œuvre est une exploration de la condition humaine, de la foi religieuse et de la raison. Pascal défend la religion chrétienne dans un contexte de scepticisme croissant à son époque : il examine la rationalité de croire en Dieu.

Le repère :

abstrait/concret

Le texte :

« Il y en a qui vont jusqu'à cette absurdité d'expliquer un mot par le mot même. J'en sais qui ont défini la lumière en cette sorte : �oeLa lumière est un mouvement luminaire des corps lumineux” ; comme si on pouvait entendre les mots de luminaire et de lumineux sans celui de lumière. On ne peut entreprendre de définir l'être sans tomber dans cette absurdité : car on ne peut définir un mot sans commencer par celui-ci, c'est, soit qu'on l'exprime ou qu'on le sous-entende. Donc pour définir l'être, il faudrait dire c'est, et ainsi employer le mot défini dans sa définition. On voit assez de là qu'il y a des mots incapables d'être définis ; et si la nature n'avait suppléé à ce défaut par une idée pareille qu'elle a donnée à tous les hommes, toutes nos expressions seraient confuses ; au lieu qu'on en use avec la même assurance et la même certitude que s'ils étaient expliqués d'une manière parfaitement exempte d'équivoques : parce que la nature nous en a elle-même donné sans paroles une intelligence plus nette que celle que l'art nous acquiert par nos explications. »
Pascal

Les questions :



[a] - Questions d'analyse
1) Quelle critique l'auteur fait-il par rapport à certaines définitions de mots ?
2) Selon l'auteur, pourquoi est-il impossible de définir un mot sans utiliser ce mot lui-même ?
3) Comment l'auteur explique-t-il que certains mots sont impossibles à définir ?
4) Quelle est la conséquence de l'incapacité à définir certains mots selon l'auteur ?

[b] - Éléments de synth��se
1) En vous basant sur les réponses précédentes, expliquez la phrase : "On ne peut entreprendre de définir l'être sans tomber dans cette absurdité".
2) En vous aidant des arguments présentés dans le texte, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[c] - Commentaire
1) Pourquoi l'auteur consid��re-t-il que les expressions sont claires malgré l'incapacité à définir certains mots ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si vous êtes d'accord avec l'idée que certaines définitions de mots sont impossibles. Justifiez votre réponse.

L'analyse :

Voici une possible analyse du texte de pascal :

- le texte traite de la question de la définition des mots, et plus particulièrement du mot "être", qui est le plus général et le plus abstrait de tous.

L'auteur cherche à montrer que ce mot est indéfinissable, et que c'est la nature qui nous en donne une idée claire, sans avoir besoin de l'expliquer par d'autres mots.



- le texte se compose de deux parties : la première, qui va du début jusqu'à "absurdité", expose le problème de la définition des mots, en prenant l'exemple de la lumière ; la seconde, qui va de "car" jusqu'à la fin, applique ce problème au mot "être" et propose une solution fondée sur l'intervention de la nature.



- dans la première partie, l'auteur critique la méthode de certains qui prétendent définir un mot par le mot lui-même, ce qu'il appelle une "absurdité".

Il illustre cette critique par un exemple tiré du domaine de la physique : la définition de la lumière comme "un mouvement luminaire des corps lumineux".

Il montre que cette définition est circulaire et vide de sens, puisqu'elle utilise des mots dérivés du mot à définir, et qu'elle ne fait qu'énoncer une propriété évidente de la lumière, sans en expliquer la nature.

L'auteur souligne ainsi l'insuffisance du langage pour rendre compte des réalités les plus simples et les plus universelles.



- dans la seconde partie, l'auteur étend son raisonnement au mot "être", qui est le plus général et le plus abstrait de tous.

Il affirme qu'il est impossible de définir ce mot sans tomber dans la même absurdité que celle qu'il a dénoncée auparavant.

Il explique que toute définition implique l'usage du verbe "être", soit explicitement, soit implicitement.

Par exemple, si l'on dit que "l'être est ce qui existe", on emploie le mot à définir dans sa définition.

Si l'on dit que "l'être est substance", on sous-entend que "la substance est".

Ainsi, le mot "être" est indéfinissable, car il présuppose lui-même ce qu'il veut exprimer.

L'auteur conclut que c'est la nature qui nous a donné une idée claire de l'être, sans avoir besoin de recourir au langage.

Il oppose ainsi la nature à l'art, c'est-à-dire à la technique humaine qui cherche à expliquer les choses par des mots.

Il suggère que l'idée d'être est innée en nous, et qu'elle est plus nette que celle que nous pouvons acquérir par nos explications.



- le texte présente donc un argument en faveur de l'innéisme, c'est-à-dire de la thèse selon laquelle certaines idées sont présentes en nous dès notre naissance, et ne dépendent pas de notre expérience sensible.

L'auteur rejoint ainsi la pensée de descartes, qui affirmait que l'idée d'être était une idée claire et distincte, dont nous ne pouvons douter.

Le texte pose aussi le problème du rapport entre le langage et la réalité, et montre les limites du premier pour rendre compte de la seconde.

L'auteur invite ainsi à distinguer entre les mots et les choses, et à ne pas confondre les noms avec les essences.