• Tocqueville
Le dilemme de la liberté et du bien-être
liberté - bonheur



Le contexte :

Dans cet extrait de "de la démocratie en amérique", tocqueville soulàùve le paradoxe selon lequel les individus attachés aux plaisirs matériels peuvent craindre les agitations de la liberté, tout en reconnaissant l'importance de la paix publique. il met en garde contre le danger de se contenter de la tranquillité au détriment de la liberté véritable.

L' auteur :

Tocqueville

(1805-1859) Interroge la légitimité de la démocratie à l'aune de la redécouverte de l'Amérique et de l'établissement de ce nouveau monde à l'aune de ce qui se fait en Europe au même moment.

Le repère :

public/privé

Le texte :

« Les hommes qui ont la passion des jouissances matérielles découvrent d'ordinaire comment les agitations de la liberté troublent le bien-être, avant que d'apercevoir comment la liberté sert à se le procurer ; et au moindre bruit des passions publiques qui pénètrent au milieu des petites jouissances de leur vie privée, ils s'éveillent et s'inquiètent ; pendant longtemps la peur de l'anarchie les tient sans cesse en suspens et toujours prêts à se jeter hors de la liberté au premier désordre. Je conviendrai sans peine que la paix publique est un grand bien ; mais je ne veux pas oublier cependant que c'est à travers le bon ordre que tous les peuples sont arrivés à la tyrannie. Il ne s'ensuit pas assurément que les peuples doivent mépriser la paix publique ; mais il ne faut pas qu'elle leur suffise. Une nation qui ne demande à son gouvernement que le maintien de l'ordre est déjà esclave au fond du cūur ; elle est esclave de son bien-être, et l'homme qui doit l'enchaîner peut paraître. »
Tocqueville, De la Démocratie en Amérique

Les questions :



[A] - Questions d'analyse
1) Quels sont les effets des agitations de la liberté sur les hommes qui recherchent les jouissances matérielles ?
2) Que représente la peur de l'anarchie pour ces hommes ?
3) Comment l'auteur décrit-il la relation entre le bon ordre et la tyrannie ?
4) Quelle est la signification de la phrase "Une nation qui ne demande à son gouvernement que le maintien de l'ordre est déjà esclave au fond du c�oeur" ?

[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez en quoi les hommes qui recherchent les jouissances matérielles sont influencés par les agitations de la liberté.
2) À partir des réponses précédentes, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[C] - Commentaire
1) Selon vous, pourquoi l'auteur affirme-t-il que "la paix publique ne doit pas suffire" à une nation ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, expliquez si vous êtes d'accord ou en désaccord avec l'idée que la paix publique seule peut rendre une nation esclave de son bien-être. Justifiez votre réponse.

L'analyse :

Voici une possible analyse du texte : le texte de tocqueville est un extrait de son ouvrage de la démocratie en amérique, dans lequel il étudie les caractéristiques et les effets du régime démocratique aux états-unis.

Il s'agit ici de montrer les dangers que représente la passion des jouissances matérielles pour la liberté politique.



- dans la première phrase, l'auteur oppose deux aspects de la liberté : les agitations qui la troublent et le bien-être qu'elle procure.

Il affirme que les hommes qui sont attachés aux plaisirs matériels ne voient que le premier aspect, et non le second.

Ils ne comprennent pas que la liberté est une condition nécessaire pour se procurer le bien-être, et qu'elle implique des conflits, des débats, des luttes.

Ils préfèrent donc une situation tranquille et confortable à une situation mouvementée et incertaine.



- dans la deuxième phrase, l'auteur décrit la réaction de ces hommes face aux passions publiques, c'est-à-dire aux intérêts et aux opinions qui animent la vie politique.

Il dit qu'ils s'éveillent et s'inquiètent, ce qui montre qu'ils sont habitués à une sorte de sommeil ou d'indifférence.

Il dit aussi qu'ils sont sans cesse en suspens et prêts à se jeter hors de la liberté au premier désordre, ce qui montre qu'ils sont craintifs et irresolus.

Ils n'ont pas le courage ni la volonté de défendre leur liberté, mais au contraire ils sont tentés de l'abandonner pour éviter les troubles.



- dans la troisième phrase, l'auteur reconnaît que la paix publique est un grand bien, mais il ne veut pas oublier que c'est aussi un moyen pour arriver à la tyrannie.

Il fait ici appel à l'histoire, en rappelant que de nombreux peuples ont perdu leur liberté au nom de l'ordre.

Il ne s'agit pas de mépriser la paix publique, mais de ne pas s'en contenter.

Il faut aussi exiger du gouvernement qu'il respecte les droits et les libertés des citoyens.



- dans la dernière phrase, l'auteur tire la conclusion de son raisonnement : une nation qui ne demande à son gouvernement que le maintien de l'ordre est déjà esclave au fond du c£ur.

Il emploie ici un terme fort, esclave, pour souligner le renoncement à la liberté.

Il dit aussi que cette nation est esclave de son bien-être, ce qui signifie qu'elle sacrifie sa dignité et sa responsabilité pour des jouissances matérielles.

Il ajoute enfin que l'homme qui doit l'enchaîner peut paraître, ce qui suggère qu'un tyran peut facilement profiter de cette situation pour s'emparer du pouvoir.

Le texte de tocqueville met donc en garde contre le risque de perdre la liberté politique par amour du bien-être matériel.

Il invite à ne pas se laisser séduire par le calme apparent de l'ordre, mais à rester vigilant et actif dans la vie publique.

Il défend ainsi une conception exigeante et dynamique de la démocratie.