Dans cet extrait tiré de "la crise de la culture" d'arendt, l'auteure remet en question les liens entre les arts et les besoins fonctionnels de la société. elle met en avant le fait que la beauté des Âoeuvres d'art, qu'elles soient religieuses ou profanes, transcende ces besoins et leur donne une dimension intemporelle.
(1906-1975) Philosophe politique et théoricienne de la pensée politique. Elle a développé des concepts influents tels que "la banalité du mal" et a exploré la nature de la condition humaine, la liberté, et la politique dans un monde moderne marqué par les totalitarismes et la violence.
transcendant/immanent
« Que les arts soient fonctionnels, que les cathédrales satisfassent un besoin religieux de la société, qu'un tableau soit né du besoin de s'exprimer de l'individu peintre, que le spectateur le regarde par désir de se perfectionner, toutes ces questions ont si peu de rapport avec l'art et sont historiquement si neuves qu'on est tenté simplement de les évacuer comme préjugés modernes. Les cathédrales furent bâties ad majorem gloriam Dei ; si, comme constructions, elles servaient certainement les besoins de la communauté, leur beauté élaborée ne pourra jamais être expliquée par ces besoins, qui auraient pu être satisfaits tout aussi bien par quelque indescriptible bâtisse. Leur beauté transcende tout besoin, et les fait durer à travers les siècles. Mais si la beauté, beauté d'une cathédrale comme beauté d'un bâtiment séculier, transcende besoins et fonctions, jamais elle ne transcende le monde, même s'il arrive que l'ūuvre ait un contenu religieux. Au contraire, c'est la beauté même de l'art religieux qui transforme les contenus et les soucis religieux ou autres de ce monde en réalités tangibles. »
Arendt, La Crise de la culture
[A] - Questions d'analyse
1) Quel est le lien entre la fonctionnalité des arts et la construction des cathédrales ?
2) Quelle est la relation entre le besoin de s'exprimer de l'individu peintre et le regard du spectateur sur un tableau ?
3) Comment l'auteur explique-t-il que la beauté d'une cathédrale ne peut être expliquée par les besoins de la communauté ?
4) Quelle est la signification de l'expression "ad majorem gloriam Dei" utilisée pour décrire la construction des cathédrales ?
[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez en quoi la beauté d'une cathédrale transcende les besoins et les fonctions.
2) En vous basant sur les éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.
[C] - Commentaire
1) Selon l'auteur, pourquoi la beauté de l'art religieux transforme les contenus et les préoccupations de ce monde en réalités tangibles ?
Voici un possible développement de l'analyse du texte :
dans ce texte, arendt s'interroge sur la nature de l'art et sa relation avec les besoins et les fonctions de la société ou de l'individu.
Elle défend l'idée que l'art transcende ces aspects utilitaires et exprime une beauté qui se situe dans le monde, mais qui n'en dépend pas.
Elle commence par rejeter les conceptions modernes qui réduisent l'art à une fonction sociale, religieuse ou personnelle.
Elle affirme que ces questions sont "historiquement si neuves" et "ont si peu de rapport avec l'art" qu'elles doivent être écartées comme des "préjugés".
Elle oppose ainsi sa vision de l'art à celle de son époque, qu'elle juge superficielle et erronée.
Elle prend ensuite l'exemple des cathédrales pour illustrer son propos.
Elle reconnaît que ces édifices religieux répondent à un besoin de la communauté, mais elle souligne que leur beauté ne peut pas être expliquée par ce besoin.
Elle affirme que leur beauté "transcende tout besoin" et leur confère une valeur durable, qui dépasse les circonstances historiques et les intentions des bâtisseurs.
Elle utilise l'expression latine "ad majorem gloriam dei" (pour la plus grande gloire de dieu) pour montrer que les cathédrales visent à exprimer une idée supérieure, qui n'est pas réductible à une fonction.
Elle généralise ensuite son raisonnement à tout type d'art, qu'il soit religieux ou non.
Elle soutient que la beauté de l'art "transcende besoins et fonctions", c'est-à-dire qu'elle n'est pas subordonnée à un but pratique ou moral.
Elle précise toutefois que la beauté de l'art ne transcende pas le monde, mais qu'elle le transforme.
Elle explique que l'art rend "tangibles" les contenus et les soucis religieux ou autres, c'est-à-dire qu'il leur donne une forme sensible et concrète.
Elle suggère ainsi que l'art a une puissance de révélation et de création, qui lui permet d'enrichir le monde sans s'en détacher.
Ainsi, arendt défend une conception de l'art comme expression d'une beauté qui n'est pas liée aux besoins ou aux fonctions, mais qui est capable de transformer le monde en lui donnant du sens.
Elle s'oppose aux visions modernes qui réduisent l'art à un rôle utilitaire ou expressif, et elle valorise la dimension esthétique et spirituelle de l'art.