• Platon
L'injustice, un mal inévitable ?
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Le contexte :

Dans ce dialogue entre socrate et criton, platon soulàùve la question de la nécessité de ne jamais agir injustement. socrate argumente en faveur de l'idée qu'il est toujours mauvais et honteux de faire le mal volontairement, même en réponse à  une injustice subie. il remet ainsi en question l'idée communément admise selon laquelle il est acceptable de rendre le mal pour le mal.

L' auteur :

Platon

(-428--348) Platon, philosophe de la Grèce antique, explore des concepts tels que la réalité, la connaissance et la justice. À travers ses dialogues, il met en scène son mentor Socrate pour examiner les idées et les valeurs de son époque, tout en proposant une vision idéale de la cité idéale dans "La République".

Le repère :

obligation/contrainte

Le texte :

« SOCRATE. - Admettons-nous qu'il ne faut jamais faire le mal volontairement, ou qu'on peut le faire à certaines conditions, à d'autres non ? ou bien reconnaissons-nous que faire le mal n'est jamais bon, jamais beau, comme nous en sommes convenus plus d'une fois antérieurement ? et c'est ce que nous venons encore de dire. Est-ce que par hasard tous ces principes dont nous convenions jusqu'ici se seraient dissipés dans ces derniers jours ? Est-ce que vraiment, à notre âge, Criton, vieux comme nous le sommes, nous avons pu, depuis si longtemps, nous entretenir sérieusement ensemble, sans nous apercevoir que nous parlions comme des enfants ? Quoi ? ces affirmations ne subsistent-elles pas toujours les mêmes, acceptées ou rejetées par le grand nombre ? Qu'il nous faille attendre un sort encore pire ou un sort meilleur, en tout cas agir injustement n'est-ce pas toujours un mal et une honte pour qui le fait ? L'affirmons-nous oui ou non ? CRITON - Nous l'affirmons. SOCRATE - Ainsi, jamais on ne doit agir injustement. CRITON - Non, assurément. SOCRATE - Même à l'injustice on ne doit pas répondre par l'injustice comme on le pense communément, puisqu'il ne faut jamais être injuste. CRITON - Cela est évident. SOCRATE - Et faire du mal à quelqu'un, Criton, le doit-on, oui ou non ? CRITON - Non certes, Socrate. SOCRATE - Mais rendre le mal pour le mal, cela est-il juste, comme on le dit communément, ou injuste ? CRITON - Non, cela n'est pas juste. SOCRATE - Car faire du mal à quelqu'un, ce n'est pas autre chose qu'être injuste. CRITON - Tu dis vrai. SOCRATE - Ainsi, il ne faut ni répondre à l'injustice par l'injustice ni faire du mal à personne, pas même à qui nous en aurait fait. Fais bien attention, Criton, en concédant cela, à ne pas le concéder contre ta pensée ; car je sais que peu d'hommes en conviennent, que peu en conviendront. »
Platon, Criton

Les questions :



[a] - questions d'analyse
1) Selon Socrate, est-il possible de faire le mal volontairement dans certaines conditions ?
2) Quelle est la signification de l'affirmation selon laquelle faire le mal n'est jamais bon ni beau ?
3) Comment les principes sur lesquels nous étions d'accord précédemment se manifestent-ils dans ce dialogue entre Socrate et Criton ?
4) Quels sont les arguments utilisés par Socrate pour soutenir que l'injustice ne doit jamais être répondue par l'injustice ?

[b] - éléments de synth��se
1) Expliquez la phrase : "Agir injustement n'est-ce pas toujours un mal et une honte pour qui le fait ?"
2) En vous aidant des éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[c] - commentaire
1) Est-il légitime de conclure que l'on ne doit jamais répondre à l'injustice par l'injustice ? Justifiez votre réponse.
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si la conception de Socrate sur l'injustice et le mal est pertinente dans le contexte actuel de la société.

L'analyse :

Voici un exemple de commentaire possible du texte : dans ce texte, platon rapporte un dialogue entre socrate et criton, son ami qui lui propose de s'évader de prison avant son exécution.

Socrate refuse cette proposition et expose les raisons qui le poussent à accepter son sort.

Il s'agit de montrer que la justice est une valeur supérieure à la vie et que l'on ne doit jamais commettre d'injustice, même en réponse à une injustice.



- dans le premier paragraphe, socrate rappelle le principe qu'il a toujours défendu : il ne faut jamais faire le mal volontairement.

Il s'agit d'une thèse éthique qui affirme que le mal est toujours le résultat de l'ignorance et que celui qui sait ce qui est bien et beau ne peut pas agir mal.

Il demande à criton s'il partage cette thèse ou s'il pense qu'il y a des circonstances où l'on peut faire le mal.

Il met ainsi en évidence le dilemme moral auquel il est confronté : doit-il obéir aux lois de la cité qui l'ont condamné injustement ou doit-il les transgresser pour sauver sa vie ? il souligne aussi la force de son engagement philosophique, qui ne dépend pas de l'opinion du grand nombre ni des circonstances changeantes.

Il cherche à convaincre criton que sa thèse est fondée sur des principes rationnels et non sur des sentiments enfantins.



- dans le deuxième paragraphe, socrate tire une conséquence de sa thèse : il ne faut jamais agir injustement, car c'est toujours un mal et une honte pour celui qui le fait.

Il s'agit d'une règle morale universelle et absolue, qui ne souffre aucune exception.

Il demande à criton de confirmer qu'il est d'accord avec cette règle, ce que criton fait sans hésiter.

Socrate montre ainsi que son ami partage ses convictions sur la justice et qu'il ne peut pas lui conseiller de commettre une injustice en s'évadant.



- dans le troisième paragraphe, socrate renforce sa règle morale en la généralisant : il ne faut pas seulement éviter d'être injuste soi-même, mais aussi de répondre à l'injustice par l'injustice.

Il s'agit d'une critique de la conception commune du droit de vengeance, qui consiste à rendre le mal pour le mal.

Il demande à criton de reconnaître que cette conception est fausse et injuste, ce que criton fait encore une fois.

Socrate montre ainsi que son ami admet que la justice n'est pas relative aux situations ni aux personnes, mais qu'elle est fondée sur une exigence rationnelle et universelle.



- dans le quatrième paragraphe, socrate conclut son argumentation en identifiant l'injustice et le mal : faire du mal à quelqu'un, c'est être injuste.

Il s'agit d'une définition de l'injustice comme atteinte au bien d'autrui.

Il demande à criton de confirmer qu'il est d'accord avec cette définition, ce que criton fait une dernière fois.

Socrate montre ainsi que son ami accepte les principes qui fondent sa décision de rester en prison et de subir sa condamnation.

Il lui demande ensuite de faire attention à ne pas concéder ces principes contre sa pensée, car il sait qu'ils sont difficiles à admettre pour la plupart des hommes.

On peut donc dire que ce texte présente un raisonnement déductif qui part d'une thèse éthique générale pour aboutir à une règle morale particulière.

Socrate utilise la méthode du dialogue pour amener criton à reconnaître la validité de ses arguments et la cohérence de sa position.

Il illustre ainsi sa conception de la philosophie comme un exercice de la raison au service de la justice.