• Rousseau
La pitié, fondement naturel de la morale
justice - nature



Le contexte :

Dans ce texte, rousseau affirme que la pitié est un sentiment naturel qui, en modérant l'amour de soi-même, contribue à  la conservation de l'espàùce. il soutient que la pitié, plus que la raison, est à  la base de notre répugnance à  faire le mal et de notre inclination naturelle à  aider les autres.

L' auteur :

Rousseau

(1712-1778) Repense les structures de la société et de l'éducation à son époque. Son effort philosophique vise à unifier sous une même pensée la relation qu'ont les hommes entre eux dans la société, l'effet de la société moderne sur ces derniers, et la source de cette relation.

Le repère :

objectif/subjectif/intersubjectif

Le texte :

« Il est donc bien certain que la pitié est un sentiment naturel, qui, modérant dans chaque individu l'amour de soi même, concourt à la conservation mutuelle de toute l'espèce. C'est elle qui nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir, c'est elle qui, dans l'état de nature, tient lieu de lois, de mūurs et de vertu, avec cet avantage que nul n'est tenté de désobéir à sa douce voix : c'est elle qui détournera tout sauvage robuste d'enlever à un faible enfant ou à un vieillard infirme sa subsistance acquise avec peine, si lui-même espère pouvoir trouver la sienne ailleurs : c'est elle qui, au lieu de cette maxime sublime de justice raisonnée, Fais à autrui comme tu veux qu'on te fasse, inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle, bien moins parfaite, mais plus utile peut être que la précédente : Fais ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible. C'est en un mot, dans ce sentiment naturel, plutôt que dans des arguments subtils, qu'il faut chercher la cause de la répugnance que tout homme éprouverait à mal faire, même indépendamment des maximes de l'éducation. Quoiqu'il puisse appartenir à Socrate et aux esprits de sa trempe d'acquérir de la vertu par raison, il y a longtemps que le genre humain ne serait plus si sa conservation n'eût dépendu que des raisonnements de ceux qui le composent. »
Rousseau

Les questions :



[A] - Questions d'analyse
1) Qu'est-ce que la pitié selon Rousseau et quel r��le joue-t-elle dans la préservation de l'esp��ce ?
2) Comment la pitié remplace-t-elle les lois, les m�oeurs et la vertu dans l'état de nature ?
3) Quelle est la différence entre la maxime de justice raisonnée et la maxime de bonté naturelle selon Rousseau ?
4) Selon Rousseau, pourquoi l'homme éprouve-t-il naturellement une répugnance à faire le mal ?

[B] - Éléments de synth��se
1) Que signifie la phrase : "C'est elle qui, au lieu de cette maxime sublime de justice raisonnée, Fais à autrui comme tu veux qu'on te fasse, inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle, bien moins parfaite, mais plus utile peut être que la précédente" ?
2) En vous basant sur les éléments précédents, quelle est l'idée principale du texte et quelles sont les étapes de l'argumentation de Rousseau ?

[C] - Commentaire
1) Selon Rousseau, est-ce que l'ignorant est aussi libre que l'homme éduqué ? Justifiez votre réponse.
2) En vous appuyant sur vos connaissances et vos lectures, et en tenant compte du texte de Rousseau, réfléchissez à la fiabilité des leçons tirées de l'expérience.

L'analyse :

Voici un possible développement de l'analyse du texte : l'auteur défend l'idée que la pitié est un sentiment naturel qui contribue à la préservation de l'espèce humaine.

Il s'agit de montrer comment ce sentiment permet de réguler les rapports entre les hommes dans l'état de nature, c'est-à-dire avant l'instauration de la société et des lois.

Pour cela, il commence par affirmer que la pitié modère l'amour de soi, qui est le premier principe de l'action humaine.

L'amour de soi est le désir de conserver son être et de satisfaire ses besoins.

La pitié vient tempérer cet amour de soi en nous faisant ressentir la souffrance d'autrui et en nous incitant à lui porter secours.

Ainsi, la pitié assure la conservation mutuelle de toute l'espèce, car elle favorise l'entraide et la solidarité entre les hommes.

Ensuite, il illustre le rôle de la pitié dans l'état de nature en donnant des exemples concrets.

Il montre que la pitié nous fait agir sans réflexion, c'est-à-dire sans calcul ni intérêt.

Elle nous fait obéir à une voix douce, qui n'est pas celle de la raison, mais celle du c£ur.

Elle nous empêche de nuire aux plus faibles, si nous pouvons trouver notre subsistance ailleurs.

Elle nous inspire une maxime de bonté naturelle, qui consiste à faire son bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible.

Cette maxime est moins parfaite que celle de la justice raisonnée, qui nous commande de faire à autrui ce que nous voudrions qu'il nous fasse, mais elle est plus utile dans l'état de nature, où les hommes n'ont pas encore développé leur raison.

Enfin, il conclut en affirmant que c'est dans ce sentiment naturel qu'il faut chercher la cause de la répugnance à mal faire, et non dans des arguments subtils.

Il oppose ainsi socrate, qui représente le modèle du sage qui acquiert la vertu par raison, au genre humain en général, qui ne doit sa conservation qu'à la pitié.

Il suggère que la raison n'est pas suffisante pour rendre les hommes vertueux, et qu'elle peut même les éloigner de leur nature et de leur bonheur.