• Cicéron
La flexibilité des devoirs moraux
devoir - justice



Le contexte :

Dans son "traité des devoirs", cicéron remet en question la rigidité des devoirs moraux en soulignant que certaines circonstances peuvent justifier de transgresser des principes de justice tels que tenir une promesse ou rendre un dépàït. selon lui, les fondements de la justice doivent être adaptés aux situations particuliàùres, et il est légitime de ne pas respecter des promesses qui seraient nuisibles à  soi-même ou à  autrui.

L' auteur :

Cicéron

Le repère :

obligation/contrainte

Le texte :

« Il y a pourtant des circonstances où les actes qui nous paraissent les plus dignes d'un homme juste, de l'homme que nous appelons homme de bien, se transforment en leurs contraires ; rendre un dépôt, faire une promesse et d'une manière générale accomplir ce qu'exigent la sincérité et la bonne foi, ce sont des devoirs que, dans certains cas, il devient juste d'enfreindre et de ne pas observer. Il convient de se rapporter ici aux fondements de la justice que j'ai posés au début : d'abord ne pas nuire à quiconque, ensuite être au service de l'intérêt commun. Quand les circonstances changent, le devoir change lui aussi, et il n'est pas toujours le même : il peut arriver que tenir une promesse convenue soit nuisible ou à celui à qui on a fait la promesse, ou à celui qui a promis. […] Il ne faut donc pas tenir les promesses qui sont nuisibles à ceux à qui on les a faites ; et, également, si elles nous nuisent plus qu'elles ne servent à celui à qui nous les avons faites, il n'est pas contraire au devoir de préférer le plus au moins : par exemple, si l'on s'est engagé envers quelqu'un à venir en personne pour l'assister, et si dans l'intervalle on a un fils qui tombe gravement malade, il n'est pas contraire au devoir de ne pas faire ce qu'on avait dit qu'on ferait ; et c'est plutôt celui à qui l'on a fait la promesse qui s'écarterait de son devoir s'il se plaignait d'avoir été abandonné. Et qui ne voit qu'il ne faut pas tenir des promesses qu'on nous a arrachées par peur ou par ruse ? De ces promesses nous délie parfois la loi. »
Cicéron, Traité des devoirs

Les questions :



[A] - Questions d'analyse :
1. Comment Cicéron définit-il la justice au début du texte ?
2. Pourquoi Cicéron affirme-t-il que les devoirs peuvent changer selon les circonstances ?
3. Quels sont les exemples de devoirs qui peuvent être enfreints selon Cicéron ?
4. Comment la loi peut-elle délier certaines promesses selon Cicéron ?

[B] - Éléments de synth��se :
1. Expliquez la phrase : "Quand les circonstances changent, le devoir change lui aussi, et il n'est pas toujours le même".

L'analyse :

Voici une possible analyse du texte de cicéron :

- dans ce texte, cicéron s'interroge sur la notion de justice et de devoir, et plus précisément sur le cas des promesses, qui sont souvent considérées comme des actes vertueux et obligatoires.

Il cherche à montrer que les promesses ne sont pas toujours à tenir, et qu'il faut prendre en compte les circonstances et les conséquences de nos actions pour déterminer ce qui est juste.



- pour cela, il commence par énoncer une thèse paradoxale, qui va à l'encontre de l'opinion commune : "il y a pourtant des circonstances où les actes qui nous paraissent les plus dignes d'un homme juste, de l'homme que nous appelons homme de bien, se transforment en leurs contraires".

Il utilise le terme "pourtant" pour marquer le contraste avec ce qu'on attendrait normalement, et il renforce son propos en donnant des exemples précis de ces actes : "rendre un dépôt, faire une promesse et d'une manière générale accomplir ce qu'exigent la sincérité et la bonne foi".

Il s'agit là de devoirs moraux qui semblent universels et intangibles, mais que cicéron va remettre en question.

Il affirme ainsi que ces actes peuvent devenir injustes selon les situations : "il devient juste d'enfreindre et de ne pas observer" ces devoirs.

Il introduit donc une relativité dans la notion de justice, qui dépend des circonstances.



- ensuite, il rappelle les principes généraux de la justice qu'il a exposés auparavant dans son traité : "d'abord ne pas nuire à quiconque, ensuite être au service de l'intérêt commun".

Il s'agit là de deux règles fondamentales qui guident l'action morale, et qui sont plus importantes que le respect des promesses.

Il en déduit que le devoir n'est pas fixe ni absolu, mais qu'il varie selon les cas : "quand les circonstances changent, le devoir change lui aussi, et il n'est pas toujours le même".

Il utilise ici une expression répétitive ("change lui aussi") pour souligner le lien entre le devoir et les circonstances, et il renforce son idée par une négation ("il n'est pas toujours le même").

Il montre ainsi que le devoir n'est pas une notion rigide ni dogmatique, mais qu'il requiert du discernement et du jugement.



- enfin, il illustre sa thèse par plusieurs exemples concrets, qui visent à convaincre le lecteur par l'évidence.

Il distingue trois cas où il ne faut pas tenir une promesse : quand elle est nuisible à celui à qui on l'a faite, quand elle est nuisible à celui qui l'a faite, ou quand elle a été obtenue par la force ou la tromperie.

Il utilise des connecteurs logiques ("et", "également", "par exemple", "et c'est plutôt", "et qui ne voit") pour enchaîner ses arguments et ses exemples.

Il fait appel au bon sens du lecteur ("qui ne voit") pour lui faire admettre que certaines promesses sont contraires à la justice.

Il invoque même l'autorité de la loi ("de ces promesses nous délie parfois la loi") pour appuyer son raisonnement.

Il conclut ainsi son texte en montrant que la justice n'est pas une simple affaire de respect des conventions, mais qu'elle implique une réflexion sur les conséquences de nos actions et sur le bien commun.