• Hume
La justice naturelle, frein suffisant ?
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Le contexte :

Dans ce texte, hume remet en question l'utilité du gouvernement et de la loi positive en soulignant que si chaque individu était capable de percevoir l'intérêt général et de résister aux séductions du plaisir immédiat, la société pourrait fonctionner harmonieusement sans besoin de contraintes extérieures. il interroge ainsi le fondement du devoir d'allégeance en mettant en avant l'avantage que procure le gouvernement à  la préservation de la paix et de l'ordre social.

L' auteur :

Hume

(1711 - 1776) David Hume, philosophe écossais du XVIIIe siècle, remet en question les fondements de la connaissance humaine. Il soutient que toute notre compréhension repose sur l'expérience sensorielle et nie l'existence de concepts innés. Son œuvre majeure explore la nature de la croyance, de la causalité et de la moralité.

Le repère :

obligation/contrainte

Le texte :

« Si tout homme avait suffisamment de sagacité  pour percevoir à tout moment le puissant intérêt qui l'oblige à l'observance  de la justice et de l'équité, et une force de caractère suffisante pour persévérer dans une constante adhésion à un intérêt général et lointain, en résistant aux séductions du plaisir et de l'avantage présents, il n'y aurait jamais eu, dans ce cas, de choses telles que le gouvernement ou la société politique, mais chacun, en suivant sa liberté naturelle, aurait vécu en toute paix et en parfaite harmonie avec tous les autres. Où est le besoin d'une loi positive, là où la justice naturelle est, en soi, un frein suffisant ? Pourquoi créer des magistrats, là où n'apparaissent jamais de désordre ou d'iniquité ? Pourquoi réduire notre liberté naturelle, lorsque, dans tous les cas, son entier exercice se révèle innocent et bénéfique ? Il est évident que, si le gouvernement était totalement inutile, il n'aurait pas lieu d'être, et que l'unique fondement du devoir d'allégeance  est l'avantage qu'il procure à la société, en préservant la paix et l'ordre parmi les hommes. »
Hume

Les questions :



[A] û Questions dÆanalyse
1) Quel est le lien entre la sagacité et l'observance de la justice et de l'équité selon l'auteur ?
2) Pourquoi l'auteur affirme-t-il que si tout homme avait suffisamment de sagacité, il n'y aurait pas besoin de gouvernement ou de société politique ?
3) Comment l'auteur définit-il la justice naturelle et quel r��le joue-t-elle dans l'absence de désordre ou d'iniquité ?
4) Quel est le lien entre la liberté naturelle et l'innocence et le bénéfice de son exercice selon l'auteur ?

L'analyse :

Dans ce texte, hume imagine une situation hypothétique où les hommes seraient capables de respecter la justice et l'équité sans avoir besoin de lois ni de gouvernement.

Il en tire la conclusion que le fondement du devoir d'obéissance au pouvoir politique est l'utilité qu'il apporte à la société.



- dans un premier temps, il expose les conditions nécessaires pour qu'une telle situation se réalise : il faudrait que chaque homme ait "suffisamment de sagacité" pour comprendre son intérêt à long terme, et "une force de caractère suffisante" pour y rester fidèle malgré les tentations du présent.

Il s'agit donc d'un idéal de rationalité et de vertu qui suppose une parfaite maîtrise de soi et une vision claire des conséquences de ses actions.



- dans un deuxième temps, il montre les conséquences qui découleraient de cette situation : il n'y aurait plus besoin ni de "loi positive", c'est-à-dire de règles établies par une autorité humaine, ni de "magistrats", c'est-à-dire de représentants du pouvoir chargés de faire respecter ces règles.

Chacun pourrait suivre sa "liberté naturelle", c'est-à-dire son droit originel à agir selon sa volonté, sans craindre de nuire aux autres ni d'être nuisible à soi-même.

Il y aurait donc une "paix" et une "harmonie" universelles, fondées sur la "justice naturelle", c'est-à-dire sur le respect du droit naturel de chacun.



- dans un troisième temps, il tire la leçon de cette hypothèse : il affirme que si le gouvernement était "totalement inutile", il n'aurait pas lieu d'être, et que le seul motif qui justifie le "devoir d'allégeance" est l'"avantage qu'il procure à la société".

Il suggère donc que le pouvoir politique n'est pas fondé sur un contrat originel entre les hommes, mais sur une nécessité pratique : il permet de préserver l'"ordre" et la "paix" parmi les hommes, qui ne sont pas capables par eux-mêmes de respecter la justice et l'équité.

Il adopte ainsi une position utilitariste, qui évalue la légitimité du pouvoir en fonction des bienfaits qu'il apporte au plus grand nombre.