Dans cet extrait des "formes élémentaires de la vie religieuse", durkheim souligne le pouvoir de la société sur les individus, la comparant à une divinité. il met en évidence la dépendance que nous ressentons envers elle et les sacrifices que nous devons faire pour maintenir la vie sociale.
(1858-1917) Est le père fondateur de la sociologie, une science qui se distingue de la philosophie pour établir des bases scientifiques à l'étude des phénomènes sociaux.
obligation/contrainte
« D'une manière générale, il n'est pas douteux qu'une société a tout ce qu'il faut pour éveiller dans les esprits, par la seule action qu'elle exerce sur eux, la sensation du divin ; car elle est à ses membres ce qu'un dieu est à ses fidèles. Un dieu, en effet, c'est d'abord un être que l'homme se représente, par certains côtés, comme supérieur à soi-même et dont il croit dépendre. […] Or la société, elle aussi, entretient en nous la sensation d'une perpétuelle dépendance. Parce qu'elle a une nature qui lui est propre, différente de notre nature d'individu, elle poursuit des fins qui lui sont également spéciales : mais, comme elle ne peut les atteindre que par notre intermédiaire, elle réclame impérieusement notre concours. Elle exige que, oublieux de nos intérêts, nous nous fassions ses serviteurs et elle nous astreint à toute sorte de gênes, de privations et de sacrifices sans lesquels la vie sociale serait impossible. C'est ainsi qu'à chaque instant nous sommes obligés de nous soumettre à des règles de conduite et de pensée que nous n'avons ni faites ni voulues, et qui même sont parfois contraires à nos penchants et à nos instincts les plus fondamentaux. »
Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie religieuse
[A] û Questions dÆanalyse
1) Comment la société éveille-t-elle la sensation du divin dans les esprits ?
2) Quelle est la nature de la société et en quoi est-elle différente de notre nature d'individu ?
3) Pourquoi la société réclame-t-elle impérieusement notre concours ?
4) En quoi consiste la soumission à des r��gles de conduite et de pensée imposées par la société ?
[B] û Éléments de synth��se
1) Expliquez en quoi la société est comparable à un dieu pour ses membres.
2) À partir des éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.
[C] û Commentaire
1) Selon vous, pourquoi est-il nécessaire pour la société d'exiger notre concours et de nous astreindre à des r��gles de conduite et de pensée ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si la société peut réellement être considérée comme un dieu pour ses membres.
Voici un possible développement de l'analyse du texte :
dans ce texte, durkheim cherche à expliquer comment la société peut être à l'origine de la religion, en montrant qu'elle suscite chez les individus une sensation du divin.
Il procède par analogie entre la société et un dieu, puis par analyse des caractéristiques de la société qui la rendent semblable à une puissance supérieure.
- il commence par définir ce qu'est un dieu, en le présentant comme "un être que l'homme se représente, par certains côtés, comme supérieur à soi-même et dont il croit dépendre".
Il s'agit donc d'une représentation mentale qui implique un rapport de subordination et d'admiration.
Cette définition est assez large pour englober les différentes formes de divinités que l'on peut trouver dans les religions.
- il affirme ensuite que la société a tout ce qu'il faut pour éveiller cette sensation du divin, "par la seule action qu'elle exerce" sur les esprits.
Il suggère ainsi que la société a une influence directe et constante sur les individus, qui ne peuvent pas s'en détacher ni s'en rendre compte.
Il pose donc l'hypothèse que la religion est un produit social, et non pas une révélation d'une réalité transcendante.
- il développe son analogie entre la société et un dieu, en montrant que la société a aussi "une nature qui lui est propre", différente de celle des individus, et qu'elle poursuit des fins "qui lui sont également spéciales".
Il souligne ainsi que la société a une existence autonome et une rationalité qui lui sont propres, et qui ne se réduisent pas à la somme des volontés individuelles.
Il attribue donc à la société une sorte de personnalité et de finalité, comme on le fait pour un dieu.
- il montre enfin que la société exerce une contrainte sur les individus, en leur demandant de se soumettre à ses règles et à ses exigences, au prix de sacrifices et de renoncements.
Il met en évidence le caractère impérieux et absolu de la société, qui impose sa volonté aux hommes sans tenir compte de leurs désirs ou de leurs besoins.
Il compare ainsi la société à un maître ou à un souverain, qui dispose de ses sujets comme il l'entend.
Le texte de durkheim vise donc à montrer que la religion est une forme de projection de la société sur le plan symbolique, et que la sensation du divin n'est autre que le sentiment d'appartenir à une collectivité qui nous dépasse et nous domine.
Il cherche ainsi à dévoiler les fondements sociaux de la religion, en s'appuyant sur une méthode comparative et analytique.