• Bergson
L'influence du langage sur la perception des sensations
langage - conscience



Le contexte :

Dans ce texte, bergson explore l'impact du langage sur notre perception des sensations. il soutient que le langage peut altérer notre compréhension et notre appréciation des sensations en les recouvrant avec des mots qui représentent des idées stables et impersonnelles, plutàït que les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle.

L' auteur :

Bergson

(1859-1941) Remet en question la vision selon laquelle l'histoire viserait un progrès dans les sciences. Il propose une nouvelle philosophie permettant d'analyser le contenu conscient de l'expérience immédiate.

Le repère :

objectif/subjectif/intersubjectif

Le texte :

« Ce qu'il faut dire, c'est que toute sensation se modifie en se répétant, et que si elle ne me paraît pas changer du jour au lendemain, c'est parce que je l'aperçois maintenant à travers l'objet qui en est cause, à travers le mot qui la traduit. Cette influence du langage sur la sensation est plus profonde qu'on ne le pense généralement. Non seulement le langage nous fait croire à l'invariabilité de nos sensations, mais il nous trompera parfois sur le caractère de la sensation éprouvée. Ainsi, quand je mange d'un mets réputé exquis, le nom qu'il porte, gros de l'approbation qu'on lui donne, s'interpose entre ma sensation et ma conscience ; je pourrai croire que la saveur me plaît, alors qu'un léger effort d'attention me prouverait le contraire. Bref, le mot aux contours bien arrêtés, le mot brutal, qui emmagasine ce qu'il y a de stable, de commun et par conséquent d'impersonnel dans les impressions de l'humanité, écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle. Pour lutter à armes égales, celles-ci devraient s'exprimer par des mots précis ; mais ces mots, à peine formés, se retourneraient contre la sensation qui leur donna naissance, et inventés pour témoigner que la sensation est Instable, ils lui imposeraient leur propre stabilité. »
Bergson

Les questions :



[A] û Questions dÆanalyse
1) En quoi consiste la modification d'une sensation lorsqu'elle se rép��te ?
2) Quel est l'impact du langage sur notre perception des sensations ?
3) Comment le langage peut-il nous tromper sur le caract��re d'une sensation ?
4) Quel est le r��le du mot dans la perception des impressions individuelles de conscience ?

[B] û Eléments de synth��se
1) Expliquez en quoi le langage influence notre perception des sensations.
2) En vous basant sur les éléments précédents, résumez l'idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

[C] û Commentaire
1) Selon vous, pourquoi le langage a-t-il un tel impact sur notre perception des sensations ?

L'analyse :

Dans ce texte, bergson s'intéresse à la relation entre le langage et la sensation, c'est-à-dire la perception immédiate que nous avons des choses.

Il va montrer que le langage a une influence négative sur la sensation, en la déformant et en l'empêchant de s'exprimer.

Il commence par affirmer que toute sensation se modifie en se répétant, c'est-à-dire qu'elle n'est jamais identique à elle-même, mais qu'elle varie selon les circonstances, les états d'âme, les associations d'idées, etc.

Il illustre ce point en disant que si nous ne remarquons pas le changement de nos sensations, c'est parce que nous les percevons à travers l'objet qui en est cause, ou le mot qui la traduit.

Par exemple, si je vois une rose rouge tous les jours, je ne fais pas attention aux nuances de sa couleur ou de son parfum, mais je me contente de l'identifier comme une rose rouge.

Le mot "rose" résume et fixe ma sensation, sans rendre compte de sa diversité.

Il poursuit en disant que cette influence du langage sur la sensation est plus profonde qu'on ne le pense généralement.

Il explique que non seulement le langage nous fait croire à l'invariabilité de nos sensations, mais qu'il nous trompe parfois sur le caractère de la sensation éprouvée.

Il donne un exemple tiré du domaine gustatif : quand je mange d'un mets réputé exquis, le nom qu'il porte, qui reflète l'opinion générale, s'interpose entre ma sensation et ma conscience.

Je peux alors me persuader que j'aime ce mets, alors qu'en réalité, il ne me plaît pas.

Le mot "exquis" altère ma sensation, en lui imposant un jugement qui n'est pas le mien.

Il conclut en disant que le mot aux contours bien arrêtés, le mot brutal, qui emmagasine ce qu'il y a de stable, de commun et par conséquent d'impersonnel dans les impressions de l'humanité, écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle.

Il oppose ainsi le mot, qui est un signe conventionnel et collectif, à la sensation, qui est une expérience singulière et changeante.

Il montre que pour exprimer nos sensations avec fidélité, il faudrait des mots précis, adaptés à chaque cas particulier.

Mais il ajoute que ces mots, à peine formés, se retourneraient contre la sensation qui leur donna naissance, et inventés pour témoigner que la sensation est instable, ils lui imposeraient leur propre stabilité.

Il souligne ainsi le paradoxe du langage : il est nécessaire pour communiquer nos sensations, mais il est aussi incapable de les rendre dans leur vérité.

L'enjeu de ce texte est donc de mettre en évidence les limites du langage face à la richesse et à la variabilité de la sensation.

Bergson veut nous faire prendre conscience que le langage n'est pas neutre ni transparent, mais qu'il a une influence sur notre perception du réel.

Il nous invite à dépasser les mots pour accéder à une intuition directe des choses.