à travers une réflexion sur l'existence et les sensations, rousseau remet en question la relation entre le moi et les objets qui affectent nos sens. il soulàùve le doute quant à la possibilité de distinguer notre propre sentiment d'existence des sensations qui nous affectent, et interroge la nature de ces sensations qui sont à la fois en nous et extérieures à nous.
(1712-1778) Repense les structures de la société et de l'éducation à son époque. Son effort philosophique vise à unifier sous une même pensée la relation qu'ont les hommes entre eux dans la société, l'effet de la société moderne sur ces derniers, et la source de cette relation.
objectif/subjectif/intersubjectif
« J'existe, et j'ai des sens par lesquels je suis affecté. Voilà la première vérité qui me frappe et à laquelle je suis forcé d'acquiescer. Ai-je un sentiment propre de mon existence, ou ne la sens-je que par mes sensations ? Voilà mon premier doute, qu'il m'est, quant à présent, impossible de résoudre. Car, étant continuellement affecté de sensations, ou immédiatement, ou par la mémoire, comment puis-je savoir si le sentiment du moi est quelque chose hors de ces mêmes sensations, et s'il peut être indépendant d'elles ? Mes sensations se passent en moi, puisqu'elles me font sentir mon existence ; mais leur cause m'est étrangère, puisqu'elles m'affectent malgré que j'en aie, et qu'il ne dépend de moi ni de les produire ni de les anéantir. Je conçois donc clairement que ma sensation qui est en moi, et sa cause ou son objet qui est hors de moi, ne sont pas la même chose. Ainsi, non seulement j'existe, mais il existe d'autres êtres, savoir, les objets de mes sensations ; et quand ces objets ne seraient que des idées, toujours est-il vrai que ces idées ne sont pas moi. Or, tout ce que je sens hors de moi et qui agit sur mes sens, je l'appelle matière […]. »
Rousseau, Émile ou de l'Éducation
"J'existe, et j'ai des sens par lesquels je suis affecté. Voilà la premi��re vérité qui me frappe et à laquelle je suis forcé d'acquiescer. Ai-je un sentiment propre de mon existence, ou ne la sens-je que par mes sensations ? Voilà mon premier doute, qu'il m'est, quant à présent, impossible de résoudre. Car, étant continuellement affecté de sensations, ou immédiatement, ou par la mémoire, comment puis-je savoir si le sentiment du moi est quelque chose hors de ces mêmes sensations, et s'il peut être indépendant d'elles ? Mes sensations se passent en moi, puisqu'elles me font sentir mon existence ; mais leur cause m'est étrang��re, puisqu'elles m'affectent malgré que j'en aie, et qu'il ne dépend de moi ni de les produire ni de les anéantir. Je conçois donc clairement que ma sensation qui est en moi, et sa cause ou son objet qui est hors de moi, ne sont pas la même chose. Ainsi, non seulement j'existe, mais il existe d'autres êtres, savoir, les objets de mes sensations ; et quand ces objets ne seraient que des idées, toujours est-il vrai que ces idées ne sont pas moi. Or, tout ce que je sens hors de moi et qui agit sur mes sens, je l'appelle mati��re [à]." (Rousseau, Émile ou de l'Éducation)
Voici une possible analyse du texte de rousseau :
- l'auteur commence par affirmer son existence, qu'il tient pour une vérité indubitable, fondée sur son expérience sensible.
Il se demande ensuite s'il a un sentiment propre de son existence, c'est-à-dire s'il a une conscience de soi distincte de ses sensations.
Il exprime son doute sur ce point, car il ne peut pas se détacher de ses sensations, qui sont toujours présentes, soit directement, soit par la mémoire.
Il utilise le terme de "sentiment" pour désigner sa perception intérieure, qui n'est pas encore clairement définie comme une faculté rationnelle.
- il poursuit en distinguant deux aspects de ses sensations : l'un qui se passe en lui, et qui lui fait sentir son existence, et l'autre qui lui est étranger, et qui lui fait subir les impressions des objets extérieurs.
Il en déduit que sa sensation, qui est en lui, et sa cause, qui est hors de lui, ne sont pas la même chose.
Il utilise le terme de "concevoir" pour marquer le passage d'une perception confuse à une représentation distincte.
Il affirme ainsi l'existence d'autres êtres que lui-même, qu'il nomme les objets de ses sensations.
Il reconnaît toutefois qu'il ne peut pas être certain de la nature de ces objets, qui pourraient n'être que des idées.
Mais il maintient que ces idées ne sont pas lui, et qu'il y a donc une différence entre le sujet et l'objet de la connaissance.
- il conclut en définissant la matière comme tout ce qu'il sent hors de lui et qui agit sur ses sens.
Il introduit ainsi la notion de causalité, qui implique une relation nécessaire entre les phénomènes.
Il pose aussi la matière comme le principe commun des objets extérieurs, quels qu'ils soient.
Il utilise le terme d'"appeler" pour indiquer qu'il s'agit d'une convention linguistique, et non d'une connaissance certaine.
L'enjeu du texte est donc de montrer comment l'auteur passe de l'expérience sensible à la connaissance rationnelle, en distinguant son existence de celle des autres êtres, et en définissant la matière comme le fondement des objets extérieurs.
Il s'agit d'une démarche empiriste, qui part des faits observés pour en tirer des principes généraux.
Le texte illustre ainsi la problématique du rapport entre le sujet et l'objet dans la connaissance.