Le texte :
« L'esprit possède une puissance d'autant plus grande de former des fictions qu'il comprend moins et perçoit plus ; et plus il comprend, plus cette puissance diminue. De même que, par exemple, […] nous ne pouvons pas tant que nous pensons, former la fiction que nous pensons et ne pensons pas, de même nous ne pouvons pas, après avoir compris la nature du corps, former la fiction d'une mouche infinie ; ou bien, après avoir compris la nature de l'âme, nous ne pouvons pas former la fiction qu'elle est carrée, bien que nous puissions énoncer tout cela en paroles. Mais […] les hommes peuvent former des fictions d'autant plus facilement et en nombre d'autant plus grand qu'ils connaissent moins la Nature ; comme, par exemple, que des arbres parlent, que des hommes se changent brusquement en pierres ou en sources, que des spectres apparaissent dans les miroirs, que le rien devienne quelque chose et même que des dieux se transforment en bêtes et en hommes, ainsi qu'une infinité de choses de ce genre. »
Spinoza