• Durkheim
Le langage, architecte de la pensée
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Le contexte :

Dans cet extrait de "les formes élémentaires de la vie religieuse", durkheim explore le lien étroit entre le langage et la pensée. il souligne que le langage ne se contente pas de traduire nos idées, mais qu'il contribue à  les faà§onner en les classant et en leur donnant une existence concràùte. ainsi, la langue d'un peuple influence la maniàùre dont les nouvelles idées sont pensées et classées, laissant une empreinte indélébile sur le systàùme d'idées d'une société.

L' auteur :

Durkheim

(1858-1917) Est le père fondateur de la sociologie, une science qui se distingue de la philosophie pour établir des bases scientifiques à l'étude des phénomènes sociaux.

Le repère :

abstrait/concret

Le texte :

« Le langage n'est pas seulement le revêtement extérieur de la pensée ; c'en est l'armature interne. Il ne se borne pas à la traduire au-dehors une fois qu'elle est formée ; il sert à la faire. Cependant, il a une nature qui lui est propre, et, par suite, des lois qui ne sont pas celles de la pensée. Puisque donc il contribue à l'élaborer, il ne peut manquer de lui faire violence en quelque mesure et de la déformer […]. Penser, en effet, c'est ordonner nos idées ; c'est, par conséquent, classer. Penser le feu, par exemple, c'est le ranger dans telle ou telle catégorie de choses, de manière à pouvoir dire qu'il est ceci ou cela, ceci et non cela. Mais, d'un autre côté, classer, c'est nommer ; car une idée générale n'a d'existence et de réalité que dans et par le mot qui l'exprime et qui fait, à lui seul, son individualité. Aussi la langue d'un peuple a-t-elle toujours une influence sur la façon dont sont classées dans les esprits et, par conséquent, pensées les choses nouvelles qu'il apprend à connaître ; car elles sont tenues de s'adapter aux cadres préexistants. Pour cette raison, la langue que parlaient les hommes, quand ils entreprirent de se faire une représentation élaborée de l'univers, marqua le système d'idées qui prit alors naissance d'une empreinte ineffaçable. »
Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie religieuse

Les questions :



[A] - Questions d'analyse :
1) Quel r��le le langage joue-t-il dans la pensée selon le texte ?
2) Que signifie l'expression "l'armature interne de la pensée" ?
3) Comment le langage contribue-t-il à l'élaboration de la pensée ?
4) Quelles sont les différences entre les lois du langage et les lois de la pensée selon le texte ?

[B] - Éléments de synth��se :
1) Expliquez la phrase "Penser, en effet, c'est ordonner nos idées ; c'est, par conséquent, classer."
2) En vous aidant des éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

L'analyse :

Voici une possible analyse du texte : le texte de durkheim traite du rapport entre le langage et la pensée, et plus précisément de l'influence du langage sur la formation et la classification des idées.

L'auteur défend la thèse selon laquelle le langage n'est pas seulement un moyen d'expression de la pensée, mais aussi un facteur de déformation et d'orientation de celle-ci.

Il développe son argumentation en trois étapes :

- dans la première phrase, il affirme que le langage n'est pas seulement le revêtement extérieur de la pensée, c'est-à-dire qu'il ne se contente pas de refléter fidèlement ce que l'esprit conçoit, mais qu'il en est l'armature interne, c'est-à-dire qu'il contribue à structurer et à organiser la pensée.

Il utilise une métaphore architecturale pour souligner le rôle du langage dans la construction de la pensée.



- dans la deuxième phrase, il explique que le langage a une nature qui lui est propre, et donc des lois qui ne sont pas celles de la pensée.

Il s'agit d'une affirmation qui implique que le langage n'est pas un simple instrument neutre et transparent, mais qu'il a une autonomie et une spécificité qui peuvent entrer en conflit avec les exigences de la pensée.

Il introduit ainsi l'idée d'une violence et d'une déformation exercées par le langage sur la pensée, qu'il va développer dans la suite du texte.



- dans les dernières phrases, il illustre son propos en prenant l'exemple du processus de classification des idées, qui est essentiel pour la pensée.

Il montre que penser, c'est ordonner nos idées, c'est-à-dire les ranger dans des catégories générales qui permettent de les identifier et de les distinguer.

Mais il ajoute que classer, c'est nommer, c'est-à-dire utiliser des mots qui expriment et individualisent ces catégories.

Il en déduit que la langue d'un peuple a une influence sur la façon dont sont classées et pensées les choses nouvelles qu'il apprend à connaître, car elles doivent s'adapter aux cadres préexistants du langage.

Il conclut en affirmant que la langue que parlaient les hommes quand ils entreprirent de se faire une représentation élaborée de l'univers marqua le système d'idées qui prit alors naissance d'une empreinte ineffaçable.

Il utilise ainsi un exemple historique pour montrer l'impact du langage sur la formation des concepts et des représentations.

Le texte de durkheim vise donc à mettre en évidence le rôle du langage dans la genèse et l'évolution de la pensée, tout en soulignant les limites et les contraintes qu'il impose à celle-ci.

Il invite à réfléchir sur les rapports entre le langage et la réalité, entre le langage et la culture, entre le langage et la science.