Bergson explore la relation entre les lois de la nature et les lois sociales ou morales. il souligne que bien que les lois de la nature puissent être observées et obéies, les lois sociales ou morales sont souvent perà§ues comme des commandements. cette confusion entre les deux types de lois crée une perception d'infraction antinaturelle à l'ordre social.
(1859-1941) Remet en question la vision selon laquelle l'histoire viserait un progrès dans les sciences. Il propose une nouvelle philosophie permettant d'analyser le contenu conscient de l'expérience immédiate.
obligation/contrainte
« Les lois qu'elle édicte, et qui maintiennent l'ordre social, ressemblent […] par certains côtés aux lois de la nature. Je veux bien que la différence soit radicale aux yeux du philosophe. Autre chose, dit-il, est la loi qui constate, autre chose celle qui ordonne. A celle-ci l'on peut se soustraire ; elle oblige, mais ne nécessite pas. Celle-là est au contraire inéluctable, car si quelque fait s'écartait d'elle, c'est à tort qu'elle aurait été prise pour une loi ; il y en aurait une autre qui serait la vraie, qu'on énoncerait de manière à exprimer tout ce qu'on observe, et à laquelle alors le fait réfractaire se conformerait comme les autres. - Sans doute ; mais il s'en faut que la distinction soit aussi nette pour la plupart des hommes. Loi physique, loi sociale ou morale, toute loi est à leurs yeux un commandement. Il y a un certain ordre de la nature, lequel se traduit par des lois : les faits �oeobéiraient” à ces lois pour se conformer à cet ordre. […] Mais si la loi physique tend à revêtir pour notre imagination la forme d'un commandement quand elle atteint une certaine généralité, réciproquement un impératif qui s'adresse à tout le monde se présente un peu à nous comme une loi de la nature. Les deux idées se rencontrent dans notre esprit, y font des échanges. La loi prend au commandement ce qu'il a d'impérieux ; le commandement reçoit de la loi ce qu'elle a d'inéluctable. Une infraction à l'ordre social revêt ainsi un caractère antinaturel : même si elle est fréquemment répétée, elle nous fait l'effet d'une exception qui serait à la société ce qu'un monstre est à la nature. »
Bergson, Les deux Sources de la morale et de la religion
[A] - Questions d'analyse :
1. Quelle est la comparaison faite entre les lois sociales et les lois de la nature ?
2. Quelle est la différence entre la loi qui constate et celle qui ordonne ?
3. Qu'est-ce qui rend la loi physique inéluctable ?
4. Quelle est la perception commune des lois sociales et morales chez la plupart des hommes ?
[B] - Éléments de synth��se :
1. Expliquez la phrase : "Mais si la loi physique tend à revêtir pour notre imagination la forme d'un commandement quand elle atteint une certaine généralité, réciproquement un impératif qui s'adresse à tout le monde se présente un peu à nous comme une loi de la nature."
2. En vous aidant des éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.
[C] - Commentaire :
1. Selon vous, quelle est la différence fondamentale entre les lois sociales et les lois de la nature ? Justifiez votre réponse.
2. À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si l'infraction à l'ordre social est vraiment antinaturelle.
Voici un possible développement de l'analyse du texte :
dans ce texte, bergson compare les lois sociales et les lois de la nature, et montre comment elles sont perçues par la plupart des hommes.
Il distingue deux points de vue : celui du philosophe, qui fait une différence radicale entre les deux types de lois, et celui du sens commun, qui tend à les confondre.
- il commence par présenter le point de vue du philosophe, qui oppose la loi qui constate à la loi qui ordonne.
La loi qui constate est la loi de la nature, qui exprime les rapports nécessaires entre les faits observables.
Elle ne peut être transgressée, car elle est fondée sur l'expérience et la raison.
La loi qui ordonne est la loi sociale ou morale, qui impose des règles de conduite aux hommes.
Elle peut être violée, car elle relève de la volonté et du devoir.
Bergson utilise le vocabulaire de l'obligation et de la nécessité pour marquer cette opposition.
Il souligne aussi que la loi sociale est contingente, c'est-à-dire qu'elle dépend des circonstances et des choix humains, alors que la loi naturelle est invariable, c'est-à-dire qu'elle ne dépend pas des cas particuliers.
- il passe ensuite au point de vue du sens commun, qui ne fait pas cette distinction nette entre les deux types de lois.
Il explique que les hommes ont tendance à attribuer à la loi physique un caractère impératif, comme si elle exprimait un ordre de la nature auquel les faits obéiraient.
Il montre que cette conception repose sur une confusion entre l'ordre logique et l'ordre moral, entre le rapport de causalité et le rapport d'autorité.
Il utilise le terme de "commandement" pour désigner cette idée fausse de la loi physique.
Il ajoute que, réciproquement, les hommes ont tendance à attribuer à la loi sociale un caractère inéluctable, comme si elle exprimait une nécessité de la nature à laquelle les hommes se conformeraient.
Il montre que cette conception repose sur une confusion entre l'ordre moral et l'ordre naturel, entre le rapport de conformité et le rapport de contrainte.
Il utilise le terme de "loi" pour désigner cette idée fausse de la loi sociale.
- il termine par montrer les conséquences de cette confusion entre les deux types de lois.
Il affirme que la loi prend au commandement ce qu'il a d'impérieux, c'est-à-dire qu'elle acquiert une force coercitive qui s'impose aux hommes.
Il affirme que le commandement reçoit de la loi ce qu'elle a d'inéluctable, c'est-à-dire qu'il acquiert une valeur universelle qui s'applique à tous les cas.
Il en résulte que toute infraction à l'ordre social apparaît comme une anomalie antinaturelle, comparable à un monstre dans l'ordre naturel.
Bergson utilise le terme d'"exception" pour désigner cette idée erronée de la transgression.
On peut donc dire que bergson critique dans ce texte le point de vue du sens commun, qui mélange les lois sociales et les lois de la nature, et qui leur attribue des caractères inverses.
Il invite ainsi le lecteur à adopter le point de vue du philosophe, qui distingue clairement les deux types de lois, et qui reconnaît leur différence essentielle.