Dans cet pré extrait de "sens et non-sens" de merleau-ponty, l'auteur explore la nature de la perception en soulignant que lorsque nous percevons, nous ne pensons pas le monde, mais le monde s'organise devant nous. il met en évidence le fait que la perception ne dépend pas uniquement de l'intelligence, mais aussi de notre relation avec le monde et de la maniàùre dont notre corps s'y inscrit. selon lui, la perception est une présence au monde plus ancienne et fondamentale que l'intelligence.
(1908 - 1961) Maurice Merleau-Ponty, philosophe phénoménologue du XXe siècle, met en lien la perception, la corporéité et la relation entre le corps et l'esprit. Son œuvre explore la manière dont nous appréhendons le monde à travers nos sens et notre expérience corporelle, et remet en question les conceptions dualistes traditionnelles.
objectif/subjectif/intersubjectif
« Quand je perçois, je ne pense pas le monde, il s'organise devant moi. Quand je perçois un cube, ce n'est pas que ma raison redresse les apparences perspectives et pense à propos d'elles la définition géométrique du cube. Loin que je les corrige, je ne remarque pas même les déformations perspectives, à travers ce que je vois, je suis au cube lui-même dans son évidence. Et de même les objets derrière mon dos ne me sont pas représentés par quelque opération de la mémoire ou du jugement, ils me sont présents, ils comptent pour moi, comme le fond que je ne vois pas n'en continue pas moins d'être présent sous la figure qui le masque en partie. Même la perception du mouvement, qui d'abord paraît dépendre directement du point de repère que l'intelligence choisit, n'est à son tour qu'un élément dans l'organisation globale du champ. Car s'il est vrai que mon train et le train voisin peuvent tour à tour m'apparaître en mouvement au moment où l'un d'eux démarre, il faut remarquer que l'illusion n'est pas arbitraire ou que je ne puis la provoquer à volonté par le choix tout intellectuel et désintéressé d'un point de repère. Si je joue aux cartes dans mon compartiment, c'est le train voisin qui démarre. Si, au contraire, je cherche des yeux quelqu'un dans le train voisin, c'est alors le mien qui démarre. A chaque fois nous apparaît fixe celui des deux où nous avons élu domicile et qui est notre milieu du moment. Le mouvement et le repos se distribuent pour nous dans notre entourage, non pas selon les hypothèses qu'il plaît à notre intelligence de construire, mais selon la manière dont nous nous fixons dans le monde, et selon la situation que notre corps y assume. […] La perception n'est pas une sorte de science commençante, et un premier exercice de l'intelligence, il nous faut retrouver un commerce avec le monde et une présence au monde plus vieux que l'intelligence. »
Merleau-Ponty, Sens et non-sens
[A] - Questions d'analyse
1) Comment le monde s'organise-t-il devant nous lorsque nous percevons ?
2) Pourquoi est-il dit que la raison ne redresse pas les apparences perspectives lorsque nous percevons un cube ?
3) Quelle est la relation entre la perception et les déformations perspectives ?
4) Comment les objets qui sont derri��re nous sont-ils présents pour nous lors de la perception ?
[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez la signification de l'affirmation selon laquelle "à travers ce que je vois, je suis au cube lui-même dans son évidence".
Voici une possible analyse du texte :
l'auteur défend l'idée que la perception n'est pas une activité intellectuelle, mais une manière d'être en relation avec le monde.
Il s'appuie sur plusieurs exemples pour illustrer son propos.
- il commence par affirmer que quand il perçoit un cube, il ne le pense pas comme un objet géométrique, mais il le saisit directement dans son évidence.
Il montre ainsi que la perception n'est pas une correction des apparences par la raison, mais une présence immédiate à l'objet.
Il souligne que les déformations perspectives ne sont pas remarquées, mais traversées pour atteindre le cube lui-même.
- il poursuit en disant que les objets qui sont hors de son champ visuel ne sont pas non plus représentés par la mémoire ou le jugement, mais qu'ils lui sont présents comme le fond sur lequel se détachent les figures.
Il illustre ainsi que la perception n'est pas une construction mentale, mais une organisation globale du champ perceptif.
- il aborde ensuite le cas de la perception du mouvement, qui semble dépendre du point de repère choisi par l'intelligence.
Il nuance cette idée en montrant que le mouvement et le repos se distribuent selon la manière dont il se fixe dans le monde et selon la situation de son corps.
Il prend l'exemple des deux trains qui peuvent paraître en mouvement ou en repos selon qu'il joue aux cartes dans son compartiment ou qu'il cherche quelqu'un dans le train voisin.
Il met en évidence que la perception n'est pas une hypothèse arbitraire, mais une implication dans le monde.
- il conclut en affirmant que la perception n'est pas une science commençante ni un exercice de l'intelligence, mais un commerce et une présence au monde plus vieux que l'intelligence.
Il oppose ainsi la perception à la pensée conceptuelle et rationnelle, et lui attribue un caractère originaire et pré-réflexif.
L'enjeu du texte est de remettre en cause une conception intellectualiste de la perception, qui la réduirait à une opération de l'esprit sur les données sensibles.
L'auteur veut au contraire montrer que la perception est une manière d'habiter le monde et d'y être engagé par son corps.
Il s'inscrit ainsi dans une perspective phénoménologique, qui vise à décrire l'expérience vécue telle qu'elle se donne à la conscience.