(1868-1951) Il effectue un mouvement de retour au Cartésianisme en niant l'inconscient Freudien, selon lui ce dernier doit être réduit aux pulsions du corps opposées à la rationalité de l'Esprit.
origine/fondement
« On serait tenté d'expliquer toute l'organisation sociale par le besoin de manger et de se vêtir, l'Economique dominant et expliquant alors tout le reste ; seulement il est probable que le besoin d'organisation est antérieur au besoin de manger. On connaît des peuplades heureuses qui n'ont point besoin de vêtements et cueillent leur nourriture en étendant la main ; or elles ont des rois, des prêtres, des institutions, des lois, une police ; j'en conclus que l'homme est citoyen par nature. J'en conclus autre chose, c'est que l'Economique n'est pas le premier des besoins. Le sommeil est bien plus tyrannique que la faim. On conçoit un état où l'homme se nourrirait sans peine ; mais rien ne le dispensera de dormir, si fort et si audacieux qu'il soit, il sera sans perceptions, et par conséquent sans défense, pendant le tiers de sa vie à peu près. Il est donc probable que ses premières inquiétudes lui vinrent de ce besoin-là ; il organisa le sommeil et la veille : les uns montèrent la garde pendant que les autres dormaient ; telle fut la première esquisse de la cité. La cité fut militaire avant d'être économique. Je crois que la Société est fille de la peur, et non pas de la faim. Bien mieux, je dirais que le premier effet de la faim a dû être de disperser les hommes plutôt que de les rassembler, tous allant chercher leur nourriture justement dans les régions les moins explorées. Seulement, tandis que le désir les dispersait, la peur les rassemblait. Le matin, ils sentaient la faim et devenaient anarchistes. Mais le soir ils sentaient la fatigue et la peur, et ils aimaient les lois. »
Alain, Propos sur les pouvoirs
[A] û Questions dÆanalyse
1) Quel est le lien entre l'organisation sociale et le besoin de manger et de se vêtir selon l'auteur ?
2) Pourquoi l'auteur affirme-t-il que le besoin d'organisation est antérieur au besoin de manger ?
3) Comment l'auteur justifie-t-il le fait que l'homme est citoyen par nature ?
4) Quel est le r��le de la peur dans la formation de la société selon l'auteur ?
[B] û Éléments de synth��se
1) Expliquez en quoi l'auteur affirme que l'économique n'est pas le premier des besoins.
Dans ce texte, alain s'interroge sur les causes qui ont poussé les hommes à s'organiser en société.
Il remet en cause l'idée selon laquelle le besoin économique serait le principal moteur de la vie sociale, et propose une autre hypothèse : la société serait née de la peur.
- il commence par énoncer l'opinion commune qui attribue à l'économique le rôle d'explication de toute l'organisation sociale (l.
Il utilise le conditionnel ("on serait tenté") pour marquer sa distance avec cette opinion, et l'expression "toute l'organisation sociale" pour souligner son caractère excessif et réducteur.
- il conteste ensuite cette opinion en se fondant sur un argument empirique : il existe des peuples qui vivent sans difficulté matérielle, sans avoir à produire ni à échanger des biens, et qui pourtant ont des institutions politiques et religieuses (l.
Il cite comme exemple des "peuplades heureuses" qui n'ont pas besoin de vêtements ni de culture, et qui ont néanmoins des "rois, des prêtres, des institutions, des lois, une police".
Il s'appuie sur le contraste entre ces deux aspects pour montrer que l'économique n'est pas le facteur déterminant de la société.
- il en tire deux conclusions : la première est que "l'homme est citoyen par nature" (l.
5-6), c'est-à-dire qu'il a un besoin inné d'organisation sociale, indépendamment de ses besoins matériels ; la deuxième est que "l'économique n'est pas le premier des besoins" (l.
6), c'est-à-dire qu'il y a d'autres besoins plus fondamentaux et plus impérieux que celui de se nourrir et de se vêtir.
- il introduit alors son hypothèse alternative : le besoin qui a conduit les hommes à former la société est celui du sommeil (l.
6-11).
Il affirme que le sommeil est "bien plus tyrannique que la faim", car il est inévitable et rend l'homme vulnérable.
Il imagine que les premières inquiétudes des hommes ont été liées à ce besoin, et qu'ils ont d¹ s'organiser pour assurer leur sécurité pendant leur sommeil.
Il suppose que la première forme de société a été celle d'une répartition des rôles entre ceux qui veillent et ceux qui dorment, et qu'elle a eu un caractère militaire plutôt qu'économique.
Il utilise le mode conditionnel ("il est probable", "il organisa", "telle fut") pour exprimer son hypothèse comme une conjecture plausible, mais non certaine.
- il termine par une formule lapidaire qui résume sa thèse : "je crois que la société est fille de la peur, et non pas de la faim" (l.
11-12).
Il oppose ainsi deux sentiments qui animent les hommes : le désir et la peur.
Il soutient que le désir, lié à la faim, tend à disperser les hommes, car il les pousse à chercher leur nourriture dans des lieux différents ; tandis que la peur, liée au sommeil, tend à les rassembler, car elle les incite à se protéger mutuellement.
Il illustre cette opposition par une antithèse : "le matin, ils sentaient la faim et devenaient anarchistes.
Mais le soir ils sentaient la fatigue et la peur, et ils aimaient les lois" (l.
12-13).
Il utilise le passé simple pour donner une impression de récit historique, et le verbe "aimer" pour montrer que les lois sont acceptées volontairement par les hommes.
Ainsi, alain propose une réflexion originale sur les origines de la société, en remettant en cause l'idée courante qui fait de l'économique le fondement de la vie sociale.
Il s'appuie sur des exemples empiriques et sur des hypothèses rationnelles pour soutenir sa thèse selon laquelle c'est la peur qui a poussé.