• Durkheim
La nécessaire coordination des centres régulateurs pour la liberté individuelle
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Le contexte :

Dans cet extrait, durkheim souligne que l'état n'est pas l'ennemi de l'individu, mais plutàït son libérateur. cependant, il met en garde contre le risque de despotisme si l'état n'est pas contraint par d'autres forces sociales. ainsi, pour garantir la liberté individuelle, il faut favoriser la multiplication de centres régulateurs coordonnés entre eux.

L' auteur :

Durkheim

(1858-1917) Est le père fondateur de la sociologie, une science qui se distingue de la philosophie pour établir des bases scientifiques à l'étude des phénomènes sociaux.

Le repère :

identité/égalité/différence

Le texte :

« On considère l'État comme l'antagoniste de l'individu et il semble que le premier ne puisse se développer qu'au détriment du second. La vérité, c'est que l'État a été bien plutôt le libérateur de l'individu. C'est l'État qui, à mesure qu'il a pris de la force, a affranchi l'individu des groupes particuliers et locaux qui tendaient à l'absorber, famille, cité, corporation, etc. L'individualisme a marché dans l'histoire du même pas que l'étatisme. Non pas que l'État ne puisse devenir despotique et oppresseur. Comme toutes les forces de la nature, s'il n'est limité par aucune puissance collective qui le contienne, il se développera sans mesure et deviendra à son tour une menace pour les libertés individuelles. D'où il suit que la force sociale qui est en lui doit être neutralisée par d'autres forces sociales qui lui fassent contrepoids. Si les groupes secondaires sont facilement tyranniques quand leur réaction n'est pas modérée par celle de l'État, inversement celle de l'État, pour rester normale, a besoin d'être modérée à son tour. Le moyen d'arriver à ce résultat, c'est qu'il y ait dans la société, en dehors de l'État, quoique soumis à son influence, des groupes plus restreints (territoriaux, ou professionnels, il n'importe pour l'instant) mais fortement constitués et doués d'une individualité et d'une autonomie suffisante pour pouvoir s'opposer aux empiètement du pouvoir central. Ce qui libère l'individu, ce n'est pas la suppression de tout centre régulateur, c'est leur multiplication, pourvu que ces centres multiples soient coordonnés et subordonnés les uns aux autres. »
Durkheim, L'État et la société civile

L'analyse :

Voici une possible analyse du texte de durkheim :

- dans la première phrase, l'auteur expose le problème qu'il veut traiter : le rapport entre l'état et l'individu, et la fausse opposition qui est souvent faite entre eux.

Il annonce qu'il va défendre une thèse originale : l'état est le libérateur de l'individu.

Cette thèse va à l'encontre du sens commun qui voit l'état comme une entrave à la liberté individuelle.



- dans la deuxième phrase, il commence à développer son argumentation en montrant que l'état a permis à l'individu de se détacher des groupes particuliers et locaux qui le dominaient, comme la famille, la cité ou la corporation.

Il affirme que l'individualisme et l'étatisme sont liés historiquement, c'est-à-dire que plus l'état s'affirme, plus l'individu se singularise.

Il s'appuie sur des exemples concrets pour illustrer son propos.



- dans la troisième phrase, il nuance sa thèse en reconnaissant que l'état peut aussi devenir despotique et oppresseur s'il n'est pas limité par d'autres forces sociales.

Il compare l'état à une force de la nature qui doit être régulée pour ne pas déborder.

Il introduit ainsi la notion d'équilibre social, qui sera le fil conducteur de sa réflexion.



- dans la quatrième phrase, il tire la conséquence de ce qu'il vient de dire : il faut que l'état soit neutralisé par d'autres groupes sociaux qui lui fassent contrepoids.

Il récuse donc la vision d'un état tout-puissant qui absorberait tous les autres groupes.

Il pose le principe d'une pluralité de forces sociales qui s'équilibrent mutuellement.



- dans la cinquième phrase, il précise quelles sont ces forces sociales qui peuvent limiter l'état : des groupes plus restreints, territoriaux ou professionnels, qui ont une certaine individualité et autonomie.

Il ne s'agit pas de nier l'influence de l'état, mais de lui opposer des résistances légitimes.

Il donne ainsi une définition de la société civile, qui est le domaine où s'exerce la liberté individuelle.



- dans la dernière phrase, il conclut en résumant sa thèse : ce qui libère l'individu, ce n'est pas l'absence de tout centre régulateur, mais leur multiplication, à condition qu'ils soient coordonnés et subordonnés les uns aux autres.

Il affirme ainsi que la liberté individuelle n'est pas incompatible avec l'ordre social, mais qu'elle en dépend.

Il propose donc une conception organique de la société, où chaque partie a sa fonction et sa place.