• Descartes
raison - bonheur



L' auteur :

Descartes

(1596-1650) Est considéré comme le premier philosophe Moderne. Critique du contenu de l'enseignement de son temps, il décide de n'accepter que les vérités qui viennent de lui-même et rejeter toutes les croyances qui lui ont été enseignées.

Le repère :

objectif/subjectif/intersubjectif

Le texte :

« Il me semble que la différence qui est entre les plus grandes âmes et celles qui sont basses et vulgaires, consiste, principalement, en ce que les âmes vulgaires se laissent aller à leurs passions, et ne sont heureuses ou malheureuses, que selon que les choses qui leur surviennent sont agréables ou déplaisantes ; au lieu que les autres ont des raisonnements si forts et si puissants que, bien qu'elles aient aussi des passions, et même souvent de plus violentes que celles du commun , leur raison demeure néanmoins toujours la maîtresse, et fait que les afflictions même leur servent, et contribuent à la parfaite félicité dont elles jouissent dès cette vie. Car, d'une part, se considérant comme immortelles et capables de recevoir de très grands contentements, puis, d'autre part, considérant qu'elles sont jointes à des corps mortels et fragiles, qui sont sujets à beaucoup d'infirmités, et qui ne peuvent manquer de périr dans peu d'années, elles font bien tout ce qui est en leur pouvoir pour se rendre la fortune  favorable en cette vie, mais néanmoins elles l'estiment si peu, au regard de l'éternité, qu'elles n'en considèrent quasi les événements que comme nous faisons ceux des comédies. Et comme les histoires tristes et lamentables, que nous voyons représenter sur un théâtre, nous donnent souvent autant de récréation que les gaies, bien qu'elles tirent des larmes de nos yeux ; ainsi ces plus grandes âmes, dont je parle, ont de la satisfaction, en elles-mêmes, de toutes les choses qui leur arrivent, même des plus fâcheuses et insupportables. »
Descartes, Lettre à Elisabeth

Les questions :



[A] - Questions d'analyse :
1) Quelle est la différence entre les âmes les plus grandes et les âmes basses et vulgaires selon l'auteur ?
2) Comment les âmes vulgaires réagissent-elles face aux événements qui leur arrivent ?
3) Comment les âmes les plus grandes parviennent-elles à être heureuses même lorsqu'elles rencontrent des afflictions ?
4) Quelle est l'importance de la raison dans le contr��le des passions selon l'auteur ?

[B] - Éléments de synth��se :
1) Expliquez la phrase : "leur raison demeure néanmoins toujours la maîtresse, et fait que les afflictions même leur servent".
2) En vous basant sur les éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[C] - Commentaire :
1) Pourquoi les âmes les plus grandes sont-elles satisfaites de toutes les choses qui leur arrivent, même des plus fâcheuses et insupportables ? Justifiez votre réponse.
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si la maîtrise de la raison sur les passions est une condition nécessaire pour être heureux.

L'analyse :

Voici une possible analyse du texte de descartes : dans ce texte, descartes oppose deux types d'âmes : les âmes vulgaires, qui se laissent dominer par leurs passions, et les plus grandes âmes, qui sont capables de maîtriser leurs passions par la raison.

Il montre que cette différence a des conséquences sur le bonheur des hommes, et qu'il est possible d'atteindre une félicité parfaite en cette vie, malgré les afflictions, si l'on adopte le point de vue de l'éternité.



- dans le premier paragraphe, descartes expose la différence principale entre les deux types d'âmes : les âmes vulgaires sont dépendantes de leurs passions, c'est-à-dire des mouvements de l'âme causés par le corps, qui les rendent sensibles aux événements extérieurs.

Elles sont donc heureuses ou malheureuses selon que ces événements leur sont agréables ou déplaisants.

Les plus grandes âmes, au contraire, ont des raisonnements si forts et si puissants qu'ils leur permettent de dominer leurs passions, et même de les utiliser à leur avantage.

Leur raison demeure toujours la maîtresse, c'est-à-dire qu'elle dirige leur conduite et leur jugement.

Descartes affirme que cette maîtrise de soi leur procure une parfaite félicité dès cette vie, c'est-à-dire un bonheur complet et stable, qui ne dépend pas des circonstances.



- dans le deuxième paragraphe, descartes explique comment les plus grandes âmes parviennent à cette félicité.

Il dit qu'elles se considèrent comme immortelles et capables de recevoir de très grands contentements, c'est-à-dire qu'elles ont conscience de la dignité et de la valeur de leur âme, qui est d'une nature supérieure à celle du corps.

Elles savent aussi que leur corps est mortel et fragile, et qu'il est sujet à beaucoup d'infirmités et de souffrances.

Elles font donc tout ce qui est en leur pouvoir pour se rendre la fortune favorable en cette vie, c'est-à-dire qu'elles agissent avec prudence et sagesse pour éviter le mal et rechercher le bien.

Mais elles n'estiment pas beaucoup la fortune, au regard de l'éternité, c'est-à-dire qu'elles ne se laissent pas affecter par les aléas du sort, qu'ils soient bons ou mauvais.

Elles considèrent les événements de cette vie comme des comédies, c'est-à-dire comme des spectacles fictifs et divertissants, qui ne touchent pas leur être véritable.



- dans le troisième paragraphe, descartes illustre son propos par une comparaison : il dit que les plus grandes âmes ont de la satisfaction en elles-mêmes de toutes les choses qui leur arrivent, même des plus fâcheuses et insupportables.

Il compare cela au fait que nous pouvons avoir autant de récréation à voir des histoires tristes et lamentables sur un théâtre, que des histoires gaies, bien qu'elles nous fassent pleurer.

Il suggère ainsi que les plus grandes âmes sont capables de prendre du recul par rapport à leurs passions, et de les regarder comme des effets naturels du corps, qui ne nuisent pas à leur bonheur intérieur.

Il montre aussi que les plus grandes âmes ont une certaine compassion pour les souffrances humaines, mais sans s'y attacher excessivement.

Le texte de descartes présente donc une conception du bonheur fondée sur la raison et l'éternité.

Il invite à se détacher des passions et des biens temporels, qui sont sources d'instabilité et d'illusion.

Il propose une morale sto´cienne, qui consiste à accepter ce qui ne dépend pas de nous, et à agir selon notre nature rationnelle.

Il affirme que le véritable bonheur réside dans la connaissance de soi et de dieu.