• Schopenhauer
La morale et l'état : deux perspectives sur l'injustice
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Le contexte :

Dans cet extrait de "le monde comme volonté et comme représentation" de schopenhauer, la distinction entre la morale et l'état est explorée. alors que la morale se concentre sur l'action juste ou injuste en se basant sur la volonté et l'intention, l'état se préoccupe principalement de la victime de l'injustice et considàùre le fait accompli. l'état cherche à  dissuader les actes injustes en plaà§ant des motifs plus forts, tels que des chà¢timents inévitables, à  càïté des tent

L' auteur :

Schopenhauer

(1788-1860) Philosophe allemand influent, célèbre pour sa vision pessimiste de la vie. Il a développé une métaphysique basée sur la volonté et la représentation, affirmant que la souffrance est inévitable. Il a également exploré les notions de la volonté de vivre et la recherche du bonheur à travers la philosophie de l'art.

Le repère :

en fait/en droit

Le texte :

« Si la morale ne considère que l'action juste ou injuste, si tout son rôle est de tracer nettement, à quiconque a résolu de ne pas faire d'injustice, les bornes où se doit contenir son activité, il en est tout autrement de la théorie de l'État. La science de l'État, la science de la législation n'a en vue que la victime de l'injustice ; quant à l'auteur, elle n'en aurait cure, s'il n'était le corrélatif forcé de la victime ; l'acte injuste, pour elle, n'est que l'adversaire à l'encontre de qui elle déploie ses efforts ; c'est à ce titre qu'il devient son objectif. Si l'on pouvait concevoir une injustice commise qui n'eût pas pour corrélatif une injustice soufferte, l'État n'aurait logiquement pas à l'interdire. Aux yeux de la morale, l'objet à considérer, c'est la volonté, l'intention ; il n'y a pour elle que cela de réel ; selon elle, la volonté bien déterminée de commettre l'injustice, fût-elle arrêtée et mise à néant, si elle ne l'est que par une puissance extérieure, équivaut entièrement à l'injustice consommée ; celui qui l'a conçue, la morale le condamne du haut de son tribunal comme un être injuste. Au contraire, l'État n'a nullement à se soucier de la volonté, ni de l'intention en elle-même ; il n'a affaire qu'au fait (soit accompli, soit tenté), et il le considère chez l'autre terme de la corrélation, chez la victime ; pour lui donc il n'y a de réel que le fait, l'événement. Si parfois il s'enquiert de l'intention, du but, c'est uniquement pour expliquer la signification du fait. Aussi l'État ne nous interdit pas de nourrir contre un homme des projets incessants d'assassinat, d'empoisonnement, pourvu que la peur du glaive et de la roue nous retienne non moins incessamment et tout à fait sûrement de passer à l'exécution. L'État n'a pas non plus la folle prétention de détruire le penchant des gens à l'injustice, ni les pensées malfaisantes ; il se borne à placer, à côté de chaque tentation possible, propre à nous entraîner vers l'injustice, un motif plus fort encore, propre à nous en détourner ; et ce second motif, c'est un châtiment inévitable. »
Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation

Les questions :



[A] - Questions d'analyse
1) Quelle est la différence entre la morale et la théorie de l'État selon le texte ?
2) Quel est le r��le de la science de l'État et de la législation selon le texte ?
3) Comment la science de l'État consid��re-t-elle l'auteur de l'injustice ?
4) Quel est l'objectif de l'acte injuste pour la science de l'État ?

[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez la phrase : "Si l'on pouvait concevoir une injustice commise qui n'e��t pas pour corrélatif une injustice soufferte, l'État n'aurait logiquement pas à l'interdire."
2) En vous aidant des éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[C] - Commentaire
1) Pourquoi l'État ne se soucie-t-il pas de la volonté ou de l'intention de commettre une injustice ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si la position de l'État décrite dans le texte est justifiable.

L'analyse :

Voici un possible développement de l'analyse du texte : le texte de schopenhauer oppose la morale et la théorie de l'état dans leur rapport à l'injustice.

Il cherche à montrer que ces deux disciplines ont des points de vue différents et des objectifs distincts.

Dans le premier paragraphe, l'auteur expose la différence entre la morale et la théorie de l'état.

Il affirme que la morale ne considère que l'action juste ou injuste, c'est-à-dire qu'elle évalue la conformité de l'action aux règles ou aux principes moraux.

La morale s'adresse donc à celui qui a résolu de ne pas faire d'injustice, et lui trace les limites de son activité.

La théorie de l'état, en revanche, n'a en vue que la victime de l'injustice, c'est-à-dire qu'elle cherche à protéger les droits et les intérêts des citoyens.

La théorie de l'état s'occupe donc de l'auteur de l'injustice, mais seulement parce qu'il est le corrélatif forcé de la victime.

L'acte injuste, pour elle, n'est que l'adversaire à combattre, et c'est à ce titre qu'il devient son objectif.

L'auteur illustre cette idée en imaginant une injustice commise qui n'aurait pas pour corrélatif une injustice soufferte : dans ce cas, l'état n'aurait pas à l'interdire, car il n'y aurait pas d'atteinte aux droits des citoyens.

L'enjeu de ce paragraphe est donc de distinguer deux perspectives sur l'injustice : celle de la morale, qui se place du côté du sujet agissant, et celle de la théorie de l'état, qui se place du côté de l'objet souffrant.

Dans le deuxième paragraphe, l'auteur approfondit la différence entre la morale et la théorie de l'état.

Il affirme que la morale s'intéresse à la volonté, à l'intention, c'est-à-dire au motif interne qui anime le sujet agissant.

Pour la morale, il n'y a que cela de réel, car c'est ce qui révèle le caractère juste ou injuste du sujet.

Selon la morale, la volonté déterminée de commettre l'injustice équivaut à l'injustice consommée, même si elle est empêchée par une puissance extérieure.

La morale condamne donc celui qui a conçu un tel projet comme un être injuste.

La théorie de l'état, au contraire, n'a pas à se soucier de la volonté, ni de l'intention en elle-même.

Elle n'a affaire qu'au fait, à l'événement, c'est-à-dire au résultat externe qui affecte le sujet souffrant.

Pour la théorie de l'état, il n'y a que cela de réel, car c'est ce qui entraîne des conséquences juridiques ou politiques.

Si la théorie de l'état s'enquiert parfois de l'intention, du but, c'est uniquement pour expliquer la signification du fait.

L'auteur illustre cette idée en affirmant que l'état ne nous interdit pas de nourrir des projets d'assassinat ou d'empoisonnement, pourvu que nous ne les mettions pas en £uvre.

L'état n'a pas non plus la prétention de détruire le penchant des gens à l'injustice, ni les pensées malfaisantes.

Il se borne à placer un motif plus fort encore que la tentation : un châtiment inévitable.

L'enjeu de ce paragraphe est donc d'opposer deux critères d'évaluation de l'injustice : celui de la morale, qui se fonde sur la volonté du sujet agissant, et celui de la théorie de l'état, qui se fonde sur le fait subi par le sujet souffrant.

On peut conclure que le texte de schopenhauer vise à mettre en évidence les divergences entre la morale et la théorie de l'état dans leur appréhension et leur traitement de l'injustice.

Il montre que ces deux disciplines ont des points de vue différents (celui du sujet agissant et celui du sujet souffrant), des objectifs distinct.