(1859-1941) Remet en question la vision selon laquelle l'histoire viserait un progrès dans les sciences. Il propose une nouvelle philosophie permettant d'analyser le contenu conscient de l'expérience immédiate.
objectif/subjectif/intersubjectif
« Vivre consiste à agir. Vivre, c'est n'accepter des objets que l'impression utile pour y répondre par des réactions appropriées : les autres impressions doivent s'obscurcir ou ne nous arriver que confusément. Je regarde et je crois voir, j'écoute et je crois entendre, je m'étudie et je crois lire dans le fond de mon cūur. Mais ce que je vois et ce que j'entends du monde extérieur, c'est simplement ce que mes sens en extraient pour éclairer ma conduite ; ce que je connais de moi-même, c'est ce qui affleure à la surface, ce qui prend part à l'action. Mes sens et ma conscience ne me livrent donc de la réalité qu'une simplification pratique. Dans la vision qu'ils me donnent des choses et de moi-même, les différences inutiles à l'homme sont effacées, les ressemblances utiles à l'homme sont accentuées, des routes me sont tracées· à l'avance où mon action s'engagera. Ces routes sont celles où l'humanité entière a passé avant moi. Les choses ont été classées en vue du parti que j'en pourrai tirer. Et c'est cette classification que j'aperçois, beaucoup plus que la couleur et la forme des choses. Sans doute l'homme est déjà très supérieur à l'animal sur ce point. Il est peu probable que l'ūil du loup fasse une différence entre le chevreau et l'agneau ; ce sont là, pour le loup, deux proies identiques, étant également faciles à saisir, également bonnes à dévorer. Nous faisons, nous, une différence entre la chèvre et le mouton ; mais distinguons-nous une chèvre d'une chèvre, un mouton d'un mouton ? L'individualité des choses et des êtres nous échappe toutes les fois qu'il ne nous est pas matériellement utile de l'apercevoir. Et là même où nous la remarquons (comme lorsque nous distinguons un homme d'un autre homme), ce n'est pas l'individualité même que notre ūil saisit, c'est-à-dire une certaine harmonie tout à fait originale de formes et de couleurs, mais seulement un ou deux traits qui faciliteront la reconnaissance pratique. »
Bergson, Le Rire
[A] - Questions d'analyse
1) Quelle est la signification de l'expression "vivre consiste à agir" dans le texte ?
2) Comment l'auteur explique-t-il notre perception du monde extérieur ?
3) Quel est le r��le de nos sens et de notre conscience dans notre compréhension de la réalité selon l'auteur ?
4) En quoi l'homme se distingue-t-il de l'animal dans sa perception des choses et des êtres ?
[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez en quoi la vision que nous avons des choses et de nous-mêmes est une simplification pratique de la réalité.
Dans ce texte, bergson expose sa conception de la vie comme une activité pratique qui oriente notre perception du réel.
Il distingue trois aspects de cette perception : les objets extérieurs, le moi intérieur et l'individualité des choses et des êtres.
- il commence par affirmer que vivre consiste à agir, c'est-à-dire à répondre aux impressions utiles par des réactions appropriées.
Il s'agit donc d'une adaptation constante à l'environnement, qui implique un tri sélectif des informations sensorielles.
Il utilise le verbe "n'accepter" pour souligner le caractère volontaire et limité de cette perception, qui ne vise qu'à éclairer notre conduite.
Il oppose ainsi les impressions utiles, qui doivent être claires et distinctes, aux autres impressions, qui doivent s'obscurcir ou rester confuses.
Il emploie le terme "impression" pour désigner à la fois les sensations externes et les sentiments internes, montrant ainsi que la perception concerne aussi bien le monde que le moi.
Il utilise le verbe "croire" pour marquer le caractère illusoire et relatif de cette perception, qui n'est pas une connaissance objective du réel, mais une simplification pratique.
Il en déduit que nos sens et notre conscience ne nous livrent qu'une vision partielle et déformée de la réalité, qui efface ou accentue certains aspects selon leur utilité pour l'action.
L'enjeu de ce premier paragraphe est donc de montrer que la perception est une fonction vitale qui répond à un besoin pratique, mais qui ne nous donne pas accès à la vérité des choses.
- il poursuit en comparant la perception humaine à la perception animale, pour montrer que l'homme a déjà dépassé le stade de la simple réaction instinctive.
Il prend l'exemple du loup qui ne distingue pas le chevreau de l'agneau, car ils sont pour lui des proies équivalentes.
Il oppose cet exemple à celui de l'homme qui fait une différence entre la chèvre et le mouton, car il a classé les choses en vue du parti qu'il peut en tirer.
Il utilise le terme "classification" pour désigner le travail intellectuel qui permet à l'homme de distinguer les espèces animales selon leurs caractéristiques et leurs usages.
Il emploie l'expression "apercevoir" pour indiquer que cette classification est plus importante que la perception sensible des formes et des couleurs, qui sont reléguées au second plan.
Il utilise le verbe "tracées" pour suggérer que cette classification est aussi une orientation de l'action, qui suit des routes préétablies par l'humanité entière.
L'enjeu de ce deuxième paragraphe est donc de montrer que la perception humaine est déjà une élaboration intellectuelle qui répond à un besoin social, mais qui ne nous donne pas accès à la singularité des choses.
- il termine en reconnaissant que l'homme peut remarquer l'individualité des choses et des êtres, mais seulement dans la mesure où elle lui est matériellement utile.
Il prend l'exemple de la distinction entre un homme et un autre homme, qui repose sur quelques traits saillants qui facilitent la reconnaissance pratique.
Il utilise le terme "individualité" pour désigner ce qui fait la spécificité et l'originalité de chaque chose ou être, au-delà de sa classification générique.
Il emploie l'expression "nous échappe" pour signifier que cette individualité nous reste inaccessible dans la plupart des cas, car elle n'a pas d'intérêt pour notre action.
Il utilise le verbe "saisir" pour indiquer que cette individualité exigerait une perception plus attentive et plus fine, qui capterait l'harmonie propre de chaque forme et couleur.
L'enjeu de ce troisième paragraphe est donc de montrer que la perception humaine est encore limitée par son utilitarisme pratique, mais qu'elle pourrait s'ouvrir à une dimension esthétique qui nous donnerait accès à la richesse du réel.
En conclusion, on peut dire que bergson critique la perception humaine comme une fonction vitale et sociale qui simplifie et déforme le réel au profit de l'action, mais qu.