• Platon
La métaphore des tonneaux percés
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Le contexte :

Dans ce passage tiré du "gorgias" de platon, socrate utilise la métaphore des tonneaux pour argumenter en faveur de la vie tempérante par opposition à  la vie déréglée. il souligne que l'homme tempérant, une fois satisfait, peut jouir d'une tranquillité d'esprit, tandis que l'homme déréglé, constamment en quête de plaisirs, est condamné à  une existence frénétique et insatisfaite.

L' auteur :

Platon

(-428--348) Platon, philosophe de la Grèce antique, explore des concepts tels que la réalité, la connaissance et la justice. À travers ses dialogues, il met en scène son mentor Socrate pour examiner les idées et les valeurs de son époque, tout en proposant une vision idéale de la cité idéale dans "La République".

Le repère :

identité/égalité/différence

Le texte :

« SOCRATE ※ Regarde bien si ce que tu veux dire, quand tu parles de ces deux genres de vie, une vie d'ordre et une vie de dérèglement, ne ressemble pas à la situation suivante. Suppose qu'il y ait deux hommes qui possèdent, chacun, un grand nombre de tonneaux. Les tonneaux de l'un sont sains, remplis de vin, de miel, de lait, et cet homme a encore bien d'autres tonneaux, remplis de toutes sortes de choses. Chaque tonneau est donc plein de ces denrées liquides qui sont rares, difficiles à recueillir et qu'on n'obtient qu'au terme de maints travaux pénibles. Mais, au moins, une fois que cet homme a rempli ses tonneaux, il n'a plus à y reverser quoi que ce soit ni à s'occuper d'eux ; au contraire, quand il pense à ses tonneaux, il est tranquille. L'autre homme, quant à lui, serait aussi capable de se procurer ce genre de denrées, même si elles sont difficiles à recueillir, mais comme ses récipients sont percés et fêlés, il serait forcé de les remplir sans cesse, jour et nuit, en s'infligeant les plus pénibles peines. Alors, regarde bien, si ces deux hommes représentent chacun une manière de vivre, de laquelle des deux dis-tu qu'elle est la plus heureuse ? Est-ce la vie de l'homme déréglé ou celle de l'homme tempérant ? En te racontant cela, est-ce que je te convaincs d'admettre que la vie tempérante vaut mieux que la vie déréglée ? Est-ce que je ne te convaincs pas ? CALLICLES ※ Tu ne me convaincs pas, Socrate. Car l'homme dont tu parles, celui qui a fait le plein en lui-même et en ses tonneaux, n'a plus aucun plaisir, il a exactement le type d'existence dont je parlais tout à l'heure : il vit comme une pierre. S'il a fait le plein, il n'éprouve plus ni joie ni peine. Au contraire, la vie de plaisirs est celle où on verse et on reverse autant qu'on peut dans son tonneau ! »
Platon, Gorgias

Les questions :



[A] - Questions d'analyse :
1. Comment peut-on décrire la métaphore des tonneaux utilisée par Socrate ?
2. Quelle est la différence entre les deux types de vie décrits par Socrate ?
3. Pourquoi Calllicl��s n'est-il pas convaincu par la métaphore des tonneaux ?
4. Quelle est la position de Socrate concernant les deux types de vie ?

[B] - Éléments de synth��se :
1. Que signifie la phrase "S'il a fait le plein, il n'éprouve plus ni joie ni peine" selon Calllicl��s ?
2. En vous basant sur les éléments précédents, quelle est l'idée principale du texte et comment Socrate l'argumente-t-il ?

[C] - Commentaire :
1. Selon vous, pourquoi Socrate utilise-t-il une métaphore pour illustrer son argumentation ?
2. À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si la vie tempérante est préférable à la vie de plaisirs selon Platon. Justifiez votre réponse.

L'analyse :

Voici un exemple de commentaire linéaire possible pour ce texte : dans ce texte, platon met en scène un dialogue entre socrate et calliclès, deux philosophes qui s'opposent sur la conception de la vie heureuse.

Socrate défend la thèse de la tempérance, c'est-à-dire la maîtrise de ses désirs et de ses passions, tandis que calliclès soutient la thèse du dérèglement, c'est-à-dire la satisfaction illimitée de ses envies et de ses plaisirs.

Pour illustrer son point de vue, socrate propose une comparaison entre deux hommes qui possèdent des tonneaux remplis de denrées liquides.

L'un a des tonneaux sains et pleins, l'autre a des tonneaux percés et vides.

Socrate demande à calliclès lequel des deux hommes mène la vie la plus heureuse.

Le but de ce texte est de montrer que la tempérance est préférable au dérèglement, mais aussi que calliclès n'est pas convaincu par l'argumentation de socrate.

Le texte se compose de trois parties :

- dans la première partie (lignes 1 à 9), socrate expose sa comparaison entre les deux hommes aux tonneaux.

Il utilise le mode du conditionnel ("suppose qu'il y ait", "serait") pour introduire une situation imaginaire qui sert à éclairer le problème réel.

Il décrit les caractéristiques des deux hommes : l'un a des tonneaux "sains", "remplis" de denrées "rares", "difficiles à recueillir" et "qu'on n'obtient qu'au terme de maints travaux pénibles".

L'autre a des tonneaux "percés et fêlés", qu'il doit "remplir sans cesse", en s'infligeant les "plus pénibles peines".

Socrate oppose ainsi deux modes de vie : l'un est fondé sur la modération, l'autre sur l'insatiabilité.

Il suggère que le premier homme est tranquille et satisfait, tandis que le second est tourmenté et frustré.



- dans la deuxième partie (lignes 9 à 11), socrate pose sa question à calliclès : "de laquelle des deux dis-tu qu'elle est la plus heureuse ? est-ce la vie de l'homme déréglé ou celle de l'homme tempérant ?" il reformule ainsi sa comparaison en termes moraux : il s'agit de savoir quelle vie est la meilleure, celle qui suit l'ordre ou celle qui suit le désordre.

Il espère que calliclès va reconnaître que la vie tempérante vaut mieux que la vie déréglée.

Il utilise le mode du présent ("dis-tu", "vaut mieux") pour marquer l'actualité et l'universalité de son propos.



- dans la troisième partie (lignes 11 à 15), calliclès répond à socrate en rejetant sa comparaison.

Il affirme qu'il n'est pas convaincu par son discours.

Il critique l'idée que l'homme qui a fait le plein soit heureux : il dit qu'il n'a plus aucun plaisir, qu'il vit comme une pierre, qu'il n'éprouve plus ni joie ni peine.

Il oppose à cette vie immobile et insensible une vie de plaisirs, où on verse et on reverse autant qu'on peut dans son tonneau.

Il utilise le mode du futur ("tu ne me convaincras pas") pour exprimer sa fermeté et son refus de changer d'avis.

On peut conclure que ce texte illustre le conflit entre deux conceptions antagonistes de la vie heureuse : celle qui repose sur la raison et celle qui repose sur le sentiment.

Socrate tente de persuader calliclès par une comparaison rationnelle, mais il se heurte à son obstination et à son attachement aux plaisirs sensibles.

Le texte montre ainsi les limites du dialogue philosophique face aux passions humaines.