• Montaigne
La vertu, bien au-delà  de la bonté innée
raison - devoir



Le contexte :

Montaigne explore la nature de la vertu et la distingue de la bonté innée. il soutient que la véritable vertu se manifeste lorsqu'une personne surmonte ses impulsions naturelles pour suivre la raison, soulignant ainsi l'importance de la lutte et du contraste dans l'exercice de la vertu, tout en évoquant la simplicité des actions divines par comparaison.

L' auteur :

Montaigne

Le repère :

essentiel/accidentel

Le texte :

« Il me semble que la vertu est chose autre, et plus noble, que les inclinations à la bonté qui naissent en nous. Les âmes réglées d'elles-mêmes et bien nées, elles suivent même train, et représentent en leurs actions même visage que les vertueuses ; mais la vertu sonne je ne sais quoi de plus grand et de plus actif que de se laisser, par une heureuse complexion , doucement et paisiblement conduire à la suite de la raison. Celui qui, d'une douceur et facilité naturelle, mépriserait les offenses reçues, ferait sans doute chose très belle et digne de louange ; mais celui qui, piqué et outré jusqu'au vif d'une offense, s'armerait des armes de la raison contre ce furieux appétit de vengeance, et après un grand conflit s'en rendrait enfin maître, ferait sans doute beaucoup plus. Celui-là ferait bien, et celui-ci vertueusement : l'une action se pourrait dire bonté, l'autre vertu ; car il semble que le nom de la vertu présuppose de la difficulté au combat et du contraste, et qu'elle ne peut être sans partie . C'est à l'aventure pourquoi nous nommons Dieu , bon, fort, et libéral, et juste ; mais nous ne le nommons pas vertueux ; ses opérations sont toutes naïves et sans effort. »
Montaigne, Essais

Les questions :



[A] û Questions dÆanalyse
1) Quelle différence l'auteur fait-il entre la vertu et les inclinations à la bonté ?
2) Comment les âmes "réglées d'elles-mêmes et bien nées" se comportent-elles par rapport aux vertueuses ?
3) Comment l'auteur définit-il la vertu par rapport à la raison ?
4) Quelle est la différence entre quelqu'un qui méprise les offenses reçues et quelqu'un qui se maîtrise apr��s avoir été outré par une offense ?

[B] û Eléments de synth��se
1) Expliquez la phrase : "Celui-là ferait bien, et celui-ci vertueusement : l'une action se pourrait dire bonté, l'autre vertu."
2) En vous aidant des éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[C] û Commentaire
1) Pourquoi l'auteur affirme-t-il que les opérations de Dieu sont na��ves et sans effort ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si la vertu nécessite un combat intérieur pour être accomplie.

L'analyse :

Voici une possible analyse du texte de montaigne :

- le texte est un extrait des essais, une £uvre où montaigne réfléchit sur divers sujets, dont la morale et la vertu.

Il s'agit d'un genre argumentatif, où l'auteur expose ses opinions et les justifie par des exemples, des citations ou des raisonnements.



- le texte se compose de deux paragraphes, qui présentent deux thèses opposées sur la nature de la vertu.

Le premier paragraphe défend l'idée que la vertu est quelque chose de différent et de plus noble que les inclinations naturelles à la bonté.

Le second paragraphe illustre cette idée par un exemple concret, celui du pardon des offenses, et montre que la vertu implique un effort et un conflit contre les passions.



- dans le premier paragraphe, montaigne commence par exprimer son point de vue personnel avec l'expression "il me semble".

Il oppose ensuite la vertu aux "inclinations à la bonté qui naissent en nous", qu'il qualifie de "douces" et "paisibles".

Il utilise des termes valorisants pour décrire la vertu, comme "chose autre", "plus noble", "plus grand" et "plus actif".

Il suggère que la vertu n'est pas un don inné, mais une conquête de la raison sur la nature.

Il emploie le terme "complexion" pour désigner le tempérament ou le caractère de chacun, qui peut être plus ou moins favorable à la vertu.



- dans le second paragraphe, montaigne donne un exemple précis pour illustrer sa thèse : celui du pardon des offenses.

Il compare deux cas de figure : celui qui pardonne par nature, et celui qui pardonne par raison.

Il montre que le premier agit bien, mais que le second agit vertueusement.

Il utilise des termes péjoratifs pour désigner les passions qui s'opposent à la vertu, comme "offenses", "piqué", "outré", "fureux", "appétit" et "vengeance".

Il utilise des termes mélioratifs pour désigner les moyens de la vertu, comme "armes", "raison", "maître" et "conflit".

Il souligne que la vertu présuppose une difficulté et une lutte, qu'il exprime par les mots "combat" et "contraste".

Il explique que la vertu ne peut être sans partie, c'est-à-dire sans adversaire ou sans opposition.

Il termine par une remarque sur dieu, qu'il dit ne pas nommer vertueux, car ses opérations sont toutes naturelles et sans effort.



- le texte de montaigne vise à définir la vertu comme une qualité morale qui suppose un effort de la raison contre les passions.

Il s'inscrit dans une tradition philosophique qui remonte à platon et aristote, qui ont distingué entre les vertus naturelles et les vertus acquises.

Il invite le lecteur à réfléchir sur sa propre conduite et sur les conditions d'une vie morale authentique.