• Nietzsche
La création artistique et philosophique : un travail de sélection et de transformation
art - travail



Le contexte :

Nietzsche souligne que les artistes et penseurs ne sont pas simplement guidés par des intuitions divines, mais par un processus continu de production, de sélection et de combinaison. il met en avant l'importance du jugement et du travail acharné dans la création artistique et philosophique, soulignant que les grands hommes sont ceux qui ont su choisir avec rigueur et sérieux les idées qui composent leurs Âoeuvres.

L' auteur :

Nietzsche

(1844-1900) Répond aux attaques faites à l'encontre de la philosophie à son époque : elle serait inutile et incertaine, contrairement aux nouvelles sciences expérimentales et humaines. Toute sa philosophie vise à contredire cette invective.

Le repère :

intuitif/discursif

Le texte :

« Les artistes ont quelque intérêt à ce que l'on croie à leurs intuitions subites, à leurs prétendues inspirations ; comme si l'idée de l'ūuvre d'art, du poème, la pensée fondamentale d'une philosophie tombaient du ciel tel un rayon de la grâce. En vérité, l'imagination du bon artiste, ou penseur, ne cesse pas de produire, du bon, du médiocre et du mauvais, mais son jugement, extrêmement aiguisé et exercé, rejette, choisit, combine ; on voit ainsi aujourd'hui, par les Carnets de Beethoven, qu'il a composé ses plus magnifiques mélodies petit à petit, les tirant pour ainsi dire d'esquisses multiples. Quant à celui qui est moins sévère dans son choix et s'en remet volontiers à sa mémoire reproductrice, il pourra le cas échéant devenir un grand improvisateur ; mais c'est un bas niveau que celui de l'improvisation artistique au regard de l'idée choisie avec peine et sérieux pour une ūuvre. Tous les grands hommes étaient de grands travailleurs, infatigables quand il s'agissait d'inventer, mais aussi de rejeter, de trier, de remanier, d'arranger. »
Nietzsche

Les questions :



[a] û questions dÆanalyse
1) Comment l'artiste justifie-t-il l'idée de ses intuitions subites et inspirations ?
2) Comment l'imagination de l'artiste se manifeste-t-elle dans son travail créatif ?
3) Quelle est la différence entre un artiste sélectif et un artiste improvisateur ?
4) Selon Nietzsche, quels sont les traits communs aux grands hommes créatifs ?

[b] û éléments de synth��se
1) Quelle est la signification de la phrase : "il est un bas niveau que celui de l'improvisation artistique au regard de l'idée choisie avec peine et sérieux pour une �oeuvre" ?
2) À partir des éléments précédents, quel est le th��me principal du texte et quelles sont les étapes de son argumentation ?

[c] û commentaire
1) Pourquoi les artistes sont-ils souvent associés à l'idée d'intuitions subites et inspirations ? Justifiez votre réponse.
2) En vous basant sur vos connaissances et vos lectures, et en tenant compte du texte de Nietzsche, discutez de l'importance du travail acharné dans le processus créatif.

L'analyse :

Voici un exemple de développement possible : dans ce texte, nietzsche s'attaque à l'idée reçue selon laquelle les artistes et les penseurs seraient guidés par des intuitions subites ou des inspirations divines qui leur feraient découvrir la vérité ou la beauté d'un coup.

Il veut montrer que la création artistique ou philosophique est le résultat d'un travail rigoureux et sélectif, qui implique l'imagination, mais aussi le jugement.

Pour cela, il commence par opposer deux conceptions de la création : celle qui repose sur la croyance en une grâce céleste, et celle qui reconnaît le rôle de la production et du choix.

Il utilise des expressions péjoratives comme "prétendues inspirations" ou "tombaient du ciel" pour discréditer la première conception, qu'il attribue aux artistes eux-mêmes, qui auraient "quelque intérêt" à se faire passer pour des génies.

Il oppose à cette conception na´ve et mystificatrice une conception plus réaliste et rationnelle, fondée sur l'observation des carnets de beethoven, qui témoignent du processus de composition du musicien.

Il montre ainsi que l'imagination n'est pas une faculté passive qui reçoit des idées toutes faites, mais une faculté active qui produit sans cesse des possibilités, parmi lesquelles le jugement doit trier et combiner.

Ensuite, il distingue deux types d'artistes : ceux qui sont moins sévères dans leur choix et se contentent d'improviser, et ceux qui sont plus exigeants et cherchent à réaliser une £uvre.

Il utilise un vocabulaire dévalorisant pour caractériser les premiers, comme "s'en remet volontiers" ou "un bas niveau", et un vocabulaire valorisant pour caractériser les seconds, comme "choisie avec peine et sérieux" ou "une £uvre".

Il suggère ainsi que l'improvisation est une forme de facilité ou de paresse, qui ne permet pas d'atteindre la véritable qualité artistique.

Il oppose à cette attitude laxiste une attitude rigoureuse et laborieuse, qui implique de rejeter, de trier, de remanier, d'arranger.

Enfin, il conclut en affirmant que tous les grands hommes étaient de grands travailleurs, ce qui implique que le génie n'est pas un don inné ou un hasard, mais le fruit d'un effort constant et d'une exigence élevée.

Il généralise ainsi son propos à tous les domaines de la création humaine, qu'il s'agisse de l'art ou de la philosophie.

Il renverse ainsi le sens commun qui tend à idéaliser ou à sacraliser les créateurs, en les présentant comme des modèles de rationalité et de volonté.