Dans cet extrait de la phénoménologie de la perception, merleau-ponty remet en question la métaphore du temps comme une riviàùre qui coule du passé vers l'avenir. il souligne que la notion d'événement dépend de l'observateur et de sa perspective finie, remettant ainsi en cause l'idée d'un
(1908 - 1961) Maurice Merleau-Ponty, philosophe phénoménologue du XXe siècle, met en lien la perception, la corporéité et la relation entre le corps et l'esprit. Son œuvre explore la manière dont nous appréhendons le monde à travers nos sens et notre expérience corporelle, et remet en question les conceptions dualistes traditionnelles.
objectif/subjectif/intersubjectif
« On dit que le temps passe ou s'écoule. On parle du cours du temps. L'eau que je vois passer s'est préparée, il y a quelques jours, dans les montagnes, lorsque le glacier a fondu ; elle est devant moi ; à présent, elle va vers la mer où elle se jettera. Si le temps est semblable à une rivière, il coule du passé vers le présent et l'avenir. Le présent est la conséquence du passé et l'avenir la conséquence du présent. Cette célèbre métaphore est en réalité très confuse. Car, à considérer les choses elles-mêmes, la fonte des neiges et ce qui en résulte ne sont pas des événements successifs, ou plutôt la notion même d'événement n'a pas de place dans le monde objectif. Quand je dis qu'avant-hier le glacier a produit l'eau qui passe à présent, je sous-entends un témoin assujetti à une certaine place dans le monde et je compare ses vues successives : il a assisté là-bas à la fonte des neiges et il a suivi l'eau dans son décours ; ou bien, du bord de la rivière, il voit passer après deux jours d'attente les morceaux de bois qu'il avait jetés à la source. Les �oeévénements” sont découpés par un observateur fini dans la totalité spatio-temporelle du monde objectif. Mais, si je considère ce monde lui-même ; il n'y a qu'un seul être indivisible et qui ne change pas. Le changement suppose un certain poste où je me place et d'où je vois défiler des choses ; il n'y a pas d'événements sans quelqu'un à qui ils adviennent et dont la perspective finie fonde leur individualité. Le temps suppose une vue sur le temps. Il n'est donc pas comme un ruisseau […]. »
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception
[A] û Questions dÆanalyse
1) Quelle est la métaphore utilisée pour décrire le temps dans le texte ?
2) Comment le temps est-il décrit dans le texte ?
3) Quelle est la relation entre le passé, le présent et l'avenir selon l'auteur ?
4) Quelle est la différence entre la perception subjective du temps et la réalité objective du temps, selon l'auteur ?
[B] û Éléments de synth��se
1) Expliquez en quoi la métaphore du temps comme une rivi��re est confuse selon l'auteur.
2) En vous basant sur les éléments précédents, dégagez la principale idée du texte ainsi que les étapes de son argumentation.
[C] û Commentaire
1) Pensez-vous que la métaphore du temps comme une rivi��re est un moyen efficace de le comprendre ? Justifiez votre réponse.
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si la perception subjective du temps est différente de la réalité objective du temps.
Voici un possible développement de l'analyse du texte :
- le texte de merleau-ponty porte sur la notion de temps et sa comparaison avec une rivière.
L'auteur cherche à montrer que cette métaphore est confuse et inadéquate pour rendre compte de la réalité du temps.
- il commence par rappeler les expressions courantes qui assimilent le temps à un cours d'eau qui s'écoule du passé vers le présent et l'avenir.
Il prend l'exemple de l'eau qui provient de la fonte des neiges et qui se dirige vers la mer.
Il s'agit d'une vision linéaire et causale du temps, où chaque moment est la conséquence du précédent et la condition du suivant.
- mais il remet en question cette vision en affirmant que la notion d'événement n'a pas de sens dans le monde objectif, c'est-à-dire indépendamment d'un point de vue subjectif.
Il explique que les événements sont découpés par un observateur fini, qui compare ses vues successives sur le monde.
Il donne l'exemple d'un témoin qui suit l'eau dans son parcours ou qui attend son passage au bord de la rivière.
Les événements sont donc relatifs à la perspective de celui qui les perçoit, ils ne sont pas donnés dans le monde lui-même.
- il en conclut que le monde objectif est un être indivisible et immuable, qui ne change pas en soi.
Le changement suppose un poste d'observation, un point de vue fini, qui fait défiler les choses devant lui.
Le temps n'est donc pas comme un ruisseau, il n'existe pas sans une vue sur le temps, sans une conscience qui le mesure et le découpe.
- l'enjeu de ce texte est de remettre en cause une conception na´ve et naturaliste du temps.