(1632-1704) Philosophe du mouvement de l'empirisme anglais, qui stipule que toute connaissance dérive par nature de l'expérience. Toute sa philosophie fait découler des implications pratiques à partir de ce constat.
obligation/contrainte
« Quant à savoir s'il existe le moindre principe moral qui fasse l'accord de tous, j'en appelle à toute personne un tant soit peu versée dans l'histoire de l'humanité, qui ait jeté un regard plus loin que le bout de son nez. Où trouve-t-on cette vérité pratique universellement acceptée sans doute ni problème aucun, comme devrait l'être une vérité innée ? La justice et le respect des contrats semblent faire l'accord du plus grand nombre ; c'est un principe qui, pense-t-on, pénètre jusque dans les repaires de brigands, et dans les bandes des plus grands malfaiteurs ; et ceux qui sont allés le plus loin dans l'abandon de leur humanité respectent la fidélité et la justice entre eux. Je reconnais que les hors-la-loi eux-mêmes les respectent entre eux ; mais ces règles ne sont pas respectées comme des lois de nature innées : elles sont appliquées comme des règles utiles dans leur communauté ; et on ne peut concevoir que celui qui agit correctement avec ses complices mais pille et assassine en même temps le premier honnête homme venu, embrasse la justice comme un principe pratique. La justice et la vérité sont les liens élémentaires de toute société : même les hors-la-loi et les voleurs, qui ont par ailleurs rompu avec le monde, doivent donc garder entre eux la fidélité et les règles de l'équité, sans quoi ils ne pourraient rester ensemble. Mais qui soutiendrait que ceux qui vivent de fraude et de rapine ont des principes innés de vérité et de justice, qu'ils acceptent et reconnaissent ? »
Locke, Essai sur l'entendement humain
[A] - Questions d'analyse
1) Selon l'auteur, existe-t-il un principe moral universellement accepté ?
2) Quels sont les principes moraux qui semblent faire l'accord du plus grand nombre selon l'auteur ?
3) Comment les hors-la-loi justifient-ils le respect de la fidélité et de la justice entre eux ?
4) Selon l'auteur, pourquoi les r��gles de fidélité et d'équité sont-elles importantes même pour les hors-la-loi ?
[B] - Éléments de synth��se
Voici un possible développement de l'analyse du texte :
dans ce texte, locke s'interroge sur l'existence de principes moraux innés, c'est-à-dire inscrits dans la nature humaine et valables pour tous les hommes.
Il adopte une position critique et argumentative, visant à réfuter cette thèse qu'il juge fausse et infondée.
Il commence par faire appel à l'expérience historique et à l'observation des faits humains, qu'il oppose à la spéculation théorique.
Il demande à son lecteur de regarder au-delà de son horizon immédiat et de constater la diversité des m£urs et des opinions morales à travers les temps et les lieux.
Il en déduit qu'il n'existe pas de vérité pratique universelle et indiscutable, qui serait le signe d'une loi morale innée.
Il prend ensuite l'exemple de la justice et du respect des contrats, qui semblent être les principes moraux les plus largement partagés, même parmi les criminels et les malfaiteurs.
Il reconnaît que ces derniers respectent ces règles entre eux, mais il montre que ce n'est pas par adhésion à un principe inné, mais par intérêt et par nécessité.
En effet, s'ils violent ces règles à l'égard des autres hommes, ils ne peuvent pas être considérés comme ayant une conscience morale authentique.
Ils ne font que se conformer à des règles utiles pour leur survie et leur association.
Il conclut que la justice et la vérité sont des conditions indispensables de toute société, mais qu'elles ne sont pas pour autant des principes innés.
Il suggère que ces principes sont plutôt le résultat d'un apprentissage, d'un contrat ou d'une convention entre les hommes.
Il met ainsi en cause l'idée d'une morale naturelle et universelle, qu'il remplace par une morale relative et contingente.