Dans cet extrait de "le monde comme volonté et comme représentation", schopenhauer explore la difficulté de trouver le bonheur. il remet en question la valeur des biens et des avantages que nous possédons, soulignant que notre conscience du bonheur est souvent liée à la souffrance passée et à la privation. selon lui, la douleur et le manque sont des éléments plus tangibles que la satisfaction et la jouissance.
(1788-1860) Philosophe allemand influent, célèbre pour sa vision pessimiste de la vie. Il a développé une métaphysique basée sur la volonté et la représentation, affirmant que la souffrance est inévitable. Il a également exploré les notions de la volonté de vivre et la recherche du bonheur à travers la philosophie de l'art.
médiat/immédiat
« C'est une entreprise difficile d'obtenir, de conquérir un bien quelconque ; pas d'objet qui ne soit séparé de nous par des difficultés, des travaux sans fin ; sur la route, à chaque pas, surgissent des obstacles. Et la conquête une fois faite, l'objet atteint, qu'a-t-on gagné ? rien assurément, que de s'être délivré de quelque souffrance, de quelque désir, d'être revenu à l'état où l'on se trouvait avant l'apparition de ce désir. - Le fait immédiat pour nous, c'est le besoin tout seul, c'est-à-dire la douleur. Pour la satisfaction et la jouissance, nous ne pouvons les connaître qu'indirectement ; il nous faut faire appel au souvenir de la souffrance, de la privation passées, qu'elles ont chassées tout d'abord. Voilà pourquoi les biens, les avantages qui sont actuellement en notre possession, nous n'en avons pas une vraie conscience, nous ne les apprécions pas ; il nous semble qu'il n'en pouvait être autrement ; et, en effet, tout le bonheur qu'ils nous donnent, c'est d'écarter de nous certaines souffrances. Il faut les perdre, pour en sentir le prix ; le manque, la privation, la douleur, voilà la chose positive, et qui sans intermédiaire s'offre à nous. Telle est encore la raison qui nous rend si douce la mémoire des malheurs surmontés par nous : besoin, maladie, privation, etc. : c'est en effet notre seul moyen de jouir des biens présents. »
Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation
Voici une possible analyse du texte de schopenhauer :
- dans le premier paragraphe, l'auteur expose sa thèse selon laquelle la satisfaction des désirs est une entreprise difficile et vaine, qui ne nous procure qu'un soulagement passager et non un bonheur durable.
Il utilise pour cela des expressions emphatiques comme "pas d'objet qui ne soit séparé de nous par des difficultés, des travaux sans fin", "à chaque pas, surgissent des obstacles", "qu'a-t-on gagné ? rien assurément".
Il s'appuie aussi sur un raisonnement logique qui oppose le fait immédiat du besoin, c'est-à-dire la douleur, à la satisfaction et à la jouissance, qui ne sont que des notions relatives et indirectes.
Il illustre son propos par un exemple : nous ne prenons conscience de la valeur des biens que nous possédons que lorsque nous les perdons.
L'enjeu de ce paragraphe est de montrer que le bonheur est une illusion et que la vie humaine est essentiellement marquée par la souffrance.
- dans le deuxième paragraphe, l'auteur nuance sa thèse en reconnaissant qu'il existe un moyen de jouir des biens présents : le souvenir des malheurs passés.
Il utilise pour cela un connecteur logique ("voilà pourquoi") qui introduit une explication, ainsi qu'un exemple ("besoin, maladie, privation, etc.
Il s'appuie aussi sur une affirmation forte ("c'est en effet notre seul moyen").
L'enjeu de ce paragraphe est de proposer une forme de consolation face à la douleur, mais qui repose encore sur une négation : il ne s'agit pas de go¹ter positivement les biens, mais de les comparer aux maux dont on s'est délivré.