• Bergson
L'obéissance au devoir : un état de tension paradoxal
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Le contexte :

Dans cet extrait de "les deux sources de la morale et de la religion", bergson questionne le paradoxe de l'obéissance au devoir. alors que la société nous dicte un programme d'existence quotidienne auquel nous nous conformons naturellement, certaines situations nécessitent un effort d'obéissance qui crée une tension. cette conscience intense qui accompagne ces cas exceptionnels remet en question la perception de l'obéissance et du devoir.

L' auteur :

Bergson

(1859-1941) Remet en question la vision selon laquelle l'histoire viserait un progrès dans les sciences. Il propose une nouvelle philosophie permettant d'analyser le contenu conscient de l'expérience immédiate.

Le repère :

obligation/contrainte

Le texte :

« C'est la société qui trace à l'individu le programme de son existence quotidienne. On ne peut vivre en famille, exercer sa profession, vaquer aux mille soins de la vie journalière, faire ses ernplettes, se promener dans la rue ou même rester chez soi, sans obéir à des prescriptions et se plier à des obligations. Un choix s'impose à tout instant ; nous optons naturellement pour ce qui est conforme à la règle. C'est à peine si nous en avons conscience ; nous ne faisons aucun effort. Une route a été tracée par la société ; nous la trouvons ouverte devant nous et nous la suivons ; il faudrait plus d'initiative pour prendre à travers champs. Le devoir, ainsi entendu, s'accomplit presque toujours automatiquement ; et l'obéissance au devoir, si l'on s'en tenait au cas le plus fréquent, se définirait un laisser-aller ou un abandon. D'où vient donc que cette obéissance apparaît au contraire comme un état de tension, et le devoir lui-même comme une chose raide et dure ? C'est évidemment que des cas se présentent où l'obéissance implique un effort sur soi-même. Ces cas sont exceptionnels ; mais on les remarque, parce qu'une conscience intense les accompagne, comme il arrive pour toute hésitation ; à vrai dire, la conscience est cette hésitation même, l'acte qui se déclenche tout seul passant à peu près inaperçu. »
Bergson, Les deux Sources de la morale et de la religion

Les questions :



[A] - Questions d'analyse
1) Comment la société influence-t-elle le quotidien de l'individu ?
2) Qu'est-ce que l'auteur entend par "r��gle" ?
3) En quoi l'obéissance au devoir peut-elle être considérée comme un laisser-aller ?
4) Pourquoi l'obéissance au devoir peut-elle parfois nécessiter un effort sur soi-même ?

[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez la notion de "conscience" telle que développée dans le texte.
2) À partir des éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[C] - Commentaire
1) Selon vous, pourquoi l'obéissance apparaît-elle parfois comme un état de tension et le devoir comme quelque chose de raide et dur ?
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si l'individu peut réellement échapper à l'influence de la société dans son quotidien.

L'analyse :

Voici une possible analyse du texte : l'auteur cherche à distinguer deux formes de devoir et d'obéissance dans la vie sociale : une forme automatique et inconsciente, qui correspond à la plupart des situations, et une forme volontaire et consciente, qui se manifeste dans les cas exceptionnels.

Il s'agit donc d'une réflexion sur la morale et la liberté.

Dans le premier paragraphe, il expose la thèse selon laquelle la société impose à l'individu un programme d'existence quotidienne, qui régit tous les aspects de sa vie.

Il montre que ce programme se traduit par des prescriptions et des obligations, qui orientent le choix de l'individu à tout instant.

Il souligne que ce choix est naturel et conforme à la règle, et qu'il ne nécessite pas de conscience ni d'effort.

Il compare la vie sociale à une route tracée par la société, que l'individu suit sans initiative.

Il définit donc le devoir comme un laisser-aller ou un abandon, et l'obéissance comme un état automatique.

Dans le deuxième paragraphe, il introduit une objection à sa thèse, en se demandant pourquoi le devoir et l'obéissance apparaissent comme des choses raides et dures.

Il répond que c'est parce qu'il existe des cas où l'obéissance implique un effort sur soi-même.

Il précise que ces cas sont exceptionnels, mais qu'ils sont remarquables, car ils s'accompagnent d'une conscience intense.

Il identifie la conscience à l'hésitation, qui contraste avec l'acte qui se déclenche tout seul.

Il suggère donc qu'il y a une autre forme de devoir et d'obéissance, qui relève de la volonté et de la liberté.

L'enjeu du texte est donc de montrer que la morale sociale n'est pas toujours une contrainte extérieure, mais qu'elle peut aussi être une expression de la liberté intérieure.

L'auteur invite ainsi à réfléchir sur les conditions et les limites de l'autonomie morale.