• Kant
Le respect : une affaire de personnes, pas de choses
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Le contexte :

Kant explore la nature du respect en affirmant que celui-ci ne peut être appliqué qu'aux personnes et non aux objets. bien que l'admiration puisse être ressentie envers certaines choses, elle ne peut pas être assimilée au respect. ainsi, le respect est un sentiment intérieur qui ne peut être inspiré que par les êtres humains.

L' auteur :

Kant

(1724-1804) Consacre toute son œuvre philosophique à établir les limites dans lesquelles la raison est légitime. Il va lutter contre les doctrines métaphysiques et recentrer la raison sur des connaissances plus certaines (mathématiques, physiques etc.)

Le repère :

objectif/subjectif/intersubjectif

Le texte :

« Le respect s'applique toujours uniquement aux personnes, jamais aux choses. Les choses peuvent exciter en nous de l'inclination et même de l'amour, si ce sont des animaux (par exemple des chevaux, des chiens, etc.), ou aussi de la crainte, comme la mer, un volcan, une bête féroce, mais jamais du respect. Une chose qui se rapproche beaucoup de ce sentiment, c'est l'admiration et l'admiration comme affection, c'est-à-dire l'étonnement, peut aussi s'appliquer aux choses, aux montagnes qui se perdent dans les nues, à la grandeur, à la multitude et à l'éloignement des corps célestes, à la force et à l'agilité de certains animaux, etc. Mais tout cela n'est point du respect. Un homme peut être aussi pour moi un objet d'amour, de crainte ou d'une admiration qui peut même aller jusqu'à l'étonnement et cependant n'être pas pour cela un objet de respect. Son humeur badine , son courage et sa force, la puissance qu'il a d'après son rang parmi ses semblables, peuvent m'inspirer des sentiments de ce genre, mais il manque toujours encore le respect intérieur à son égard. Fontenelle dit : Devant un grand seigneur, je m'incline, mais mon esprit ne s'incline pas. Je puis ajouter : Devant un homme de condition inférieure, roturière et commune, en qui je perçois une droiture de caractère portée à un degré que je ne me reconnais pas à moi-même, mon esprit s'incline, que je le veuille ou non, et si haut que j'élève la tête pour ne pas lui laisser oublier ma supériorité. »
Kant, Critique de la raison pratique

Les questions :



[A] - Questions d'analyse
1) Quelle est la différence entre le respect et l'admiration selon l'auteur ?
2) Pourquoi l'auteur affirme-t-il que le respect ne s'applique qu'aux personnes et jamais aux choses ?
3) Comment l'auteur définit-il l'admiration et en quoi diff��re-t-elle du respect ?
4) Quels exemples l'auteur donne-t-il pour illustrer le fait que l'admiration peut s'appliquer aux choses mais pas le respect ?

[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez la phrase de Fontenelle : "Devant un grand seigneur, je m'incline, mais mon esprit ne s'incline pas."
2) En vous basant sur les éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[C] - Commentaire
1) Selon vous, pourquoi l'auteur consid��re-t-il que le respect ne s'applique qu'aux personnes et jamais aux choses ? Justifiez votre réponse.
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si le respect est un sentiment qui doit être réservé exclusivement aux personnes.

L'analyse :

Voici un exemple de développement possible : dans ce texte, kant s'interroge sur la nature et les conditions du respect, qu'il distingue des autres sentiments que nous pouvons éprouver à l'égard des personnes ou des choses.

Il va montrer que le respect est un sentiment moral, qui ne dépend pas de nos inclinations ou de notre position sociale, mais qui repose sur la reconnaissance de la valeur intrinsèque de la personne.



- il commence par affirmer que le respect s'applique toujours uniquement aux personnes, jamais aux choses.

Il explique cela par le fait que les choses peuvent susciter en nous de l'inclination, c'est-à-dire un désir ou une attirance, ou de l'amour, si ce sont des animaux, qui sont des êtres vivants mais non rationnels.

Il ajoute que les choses peuvent aussi nous inspirer de la crainte, c'est-à-dire un sentiment de danger ou d'impuissance, comme la mer, un volcan ou une bête féroce.

Mais il souligne que jamais du respect, qui est un sentiment différent de ces deux-là.

Il montre ainsi que le respect n'est pas lié à notre sensibilité ou à notre intérêt, mais qu'il implique une autre dimension.



- il poursuit en évoquant une chose qui se rapproche beaucoup du respect, c'est l'admiration.

Il précise qu'il s'agit de l'admiration comme affection, c'est-à-dire comme émotion, et non comme jugement.

Il donne des exemples de choses qui peuvent nous émerveiller ou nous étonner par leur grandeur, leur beauté ou leur force, comme les montagnes, les corps célestes ou certains animaux.

Mais il répète que tout cela n'est point du respect.

Il insiste donc sur le fait que le respect n'est pas non plus lié à notre imagination ou à notre curiosité, mais qu'il suppose une autre faculté.



- il enchaîne en affirmant qu'un homme peut être aussi pour moi un objet d'amour, de crainte ou d'une admiration qui peut même aller jusqu'à l'étonnement et cependant n'être pas pour cela un objet de respect.

Il illustre cela par le cas d'un homme qui possède des qualités naturelles ou sociales, comme son humeur badine (1), son courage et sa force, ou la puissance qu'il a d'après son rang parmi ses semblables.

Il reconnaît que ces qualités peuvent m'inspirer des sentiments de ce genre, mais il ajoute qu'il manque toujours encore le respect intérieur à son égard.

Il montre ainsi que le respect n'est pas non plus lié à notre admiration intellectuelle ou à notre soumission hiérarchique, mais qu'il exige une autre attitude.



- il termine en citant fontenelle, qui dit : devant un grand seigneur, je m'incline, mais mon esprit ne s'incline pas.

Il commente cette citation en disant qu'il peut ajouter : devant un homme de condition inférieure, roturière et commune, en qui je perçois une droiture de caractère portée à un degré que je ne me reconnais pas à moi-même, mon esprit s'incline, que je le veuille ou non, et si haut que j'élève la tête pour ne pas lui laisser oublier ma supériorité.

Il illustre ainsi par un exemple concret ce qu'est le respect : un sentiment involontaire et indépendant de la situation sociale, qui naît de la conscience morale et qui reconnaît en l'autre une dignité supérieure à la mienne.

Il conclut donc que le respect est un sentiment proprement humain et rationnel, qui repose sur la valeur universelle de la personne.

(1) humeur badine : disposition à plaisanter ou à rire.