• Rousseau
La dualité de l'être : entre volonté et corps
liberté - liberté



Le contexte :

Dans cet extrait de "émile ou de l'éducation", rousseau explore la complexité de l'être humain en mettant en avant la dualité entre la volonté et le corps. il met en évidence le pouvoir de la volonté de résister ou de succomber aux passions, tout en soulignant la responsabilité de l'individu dans ses actions.

L' auteur :

Rousseau

(1712-1778) Repense les structures de la société et de l'éducation à son époque. Son effort philosophique vise à unifier sous une même pensée la relation qu'ont les hommes entre eux dans la société, l'effet de la société moderne sur ces derniers, et la source de cette relation.

Le repère :

objectif/subjectif/intersubjectif

Le texte :

« Nul être matériel n'est actif par lui-même, et moi je le suis. On a beau me disputer cela, je le sens, et ce sentiment qui me parle est plus fort que la raison qui le combat. J'ai un corps sur lequel les autres agissent et qui agit sur eux ; cette action réciproque n'est pas douteuse ; mais ma volonté est indépendante de mes sens ; je consens ou je résiste, je succombe ou je suis vainqueur, et je sens parfaitement en moi-même quand je fais ce que j'ai voulu faire, ou quand je ne fais que céder à mes passions. J'ai toujours la puissance de vouloir, non la force d'exécuter. Quand je me livre aux tentations, j'agis selon l'impulsion des objets externes. Quand je me reproche cette faiblesse, je n'écoute que ma volonté ; je suis esclave par mes vices, et libre par mes remords ; le sentiment de ma liberté ne s'efface en moi que quand je me déprave, et que j'empêche enfin la voix de l'âme de s'élever contre la loi du corps. »
Rousseau, Émile ou de l'Éducation

Les questions :



[A] - Questions d'analyse
1) Quelle est la différence entre l'action d'un être matériel et l'action de l'auteur du texte ?
2) Comment l'auteur justifie-t-il son affirmation selon laquelle il est actif par lui-même ?
3) Quel est le r��le du corps dans l'action de l'auteur ?
4) Comment l'auteur décrit-il la relation entre sa volonté et ses sens ?

[B] - Éléments de synth��se
1) Expliquez le sens de la phrase : "ma volonté est indépendante de mes sens".
2) En vous basant sur les éléments précédents, dégagez l'idée principale du texte ainsi que les étapes de l'argumentation de l'auteur.

[C] - Commentaire
1) Selon vous, l'auteur parvient-il à convaincre de son affirmation selon laquelle il est actif par lui-même ? Justifiez votre réponse.
2) À la lumi��re de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte, vous vous demanderez si la liberté de l'auteur est réellement remise en question par ses vices et ses remords.

L'analyse :

Voici une possible analyse du texte de rousseau :

- dans ce texte, rousseau défend l'idée que l'homme est un être libre et actif, qui se distingue des êtres matériels soumis à la passivité et à la détermination.

Il s'appuie sur son expérience personnelle et sur le sentiment intérieur de sa liberté pour affirmer sa thèse.



- il commence par opposer deux types d'êtres : les êtres matériels, qui n'ont pas d'activité propre, et lui-même, qui se sent actif.

Il reconnaît que la raison peut contester ce sentiment, mais il lui oppose la force de son vécu.

Il utilise donc un argument d'autorité fondé sur son témoignage personnel, qu'il renforce par l'expression "on a beau me disputer cela".



- il poursuit en admettant qu'il a un corps qui subit et produit des actions réciproques avec les autres corps.

Il reconnaît donc qu'il n'est pas totalement indépendant du monde matériel, mais il affirme que sa volonté est distincte de ses sens.

Il introduit ainsi la distinction entre le corps et l'âme, qui est une thèse classique de la philosophie cartésienne.

Il illustre cette distinction par des exemples de situations où il peut consentir ou résister à ses passions, c'est-à-dire à ses inclinations sensibles.

Il montre ainsi qu'il dispose d'un pouvoir de choix, qui est le signe de sa liberté.



- il précise ensuite que sa volonté n'est pas toujours efficace, qu'elle ne suffit pas à réaliser ce qu'il veut.

Il distingue donc la puissance de vouloir, qui est toujours présente en lui, de la force d'exécuter, qui dépend des circonstances extérieures.

Il explique que quand il cède aux tentations, il agit selon l'impulsion des objets externes, c'est-à-dire qu'il se laisse dominer par le monde matériel.

Il reconnaît donc qu'il peut perdre sa liberté en se soumettant à ses vices.



- il ajoute cependant que quand il se reproche cette faiblesse, il n'écoute que sa volonté, c'est-à-dire qu'il se réfère à sa conscience morale.

Il affirme ainsi que sa liberté réside dans sa capacité à se juger lui-même, à se reconnaître coupable ou vertueux.

Il oppose alors deux états : celui d'esclave, où il est dominé par ses vices, et celui de libre, où il éprouve des remords.

Il montre ainsi que la liberté n'est pas seulement un pouvoir de faire, mais aussi un devoir d'être.



- il conclut en affirmant que le sentiment de sa liberté ne s'efface en lui que quand il se déprave, c'est-à-dire quand il renonce à sa dignité humaine.

Il oppose alors la voix de l'âme, qui exprime la loi morale, à la loi du corps, qui impose les besoins physiques.

Il suggère ainsi que la liberté est une exigence éthique, qui demande un effort constant pour résister aux tentations et pour écouter sa raison.

Ce texte présente donc les enjeux de la notion de liberté pour rousseau : il s'agit d'une réalité vécue et sentie, qui distingue l'homme des êtres matériels ; mais c'est aussi une responsabilité morale, qui implique de se conformer à sa conscience et à sa volonté ; enfin, c'est une valeur menacée par les passions et les vices, qui peuvent réduire l'homme à l'état d'esclave.

Rousseau invite donc le lecteur à prendre conscience de sa liberté et à la cultiver comme un bien précieux.